Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1596, 27 Septembre 1873, by Various

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Title: L'Illustration, No. 1596, 27 Septembre 1873

Author: Various

Release Date: November 19, 2014 [EBook #47395]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1596, 27 ***




Produced by Rénald Lévesque







L'ILLUSTRATION

JOURNAL UNIVERSEL

31e Année.--VOL. LXII.--1596

SAMEDI 27 SEPTEMBRE 1873

DIRECTION, RÉDACTION, ADMINISTRATION
22, RUE DE VERNEUIL, PARIS.
31e Année.VOL. LXII. N° 1596
SAMEDI 27 SEPTEMBRE 1873
SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL
60, RUE DE RICHELIEU, PARIS.
Prix du numéro: 75 centimes
La collection mensuelle, 3 fr.; le vol. semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
Abonnements Paris et départements: 3 mois, 9 fr.; 6 mois, 18 fr.; un an, 36 fr.;
Étranger, le port en sus.


M. COSTE. D'APRÈS LA PHOTOGRAPHIE DE M. REUTLINGER.



SOMMAIRE

                      TEXTE

Histoire de la semaine.
Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand.
Les Théâtres, par M. Savigny.
Bulletin bibliographique.
Nos gravures.
Les dix-huit régions militaires par M. Wachter.
Revue comique du mois, par Bertall.
La libération du territoire (fin).
Revue financière: Le Crédit foncier suisse.
Eaux gazeuses: M. Mondollot fils.

                     GRAVURES

M. Coste.
L'évacuation: Le dernier bataillon allemand passant la frontière.
Espagne: La place du marché à Valence;
Le bombardement d'Almeria;
Les carlistes devant Tolosa;
Vue générale de Bilbao.
Types et physionomies de Paris; Le cavalier du dimanche.
Revue comique du mois, par Bertall.
Exposition de Vienne: Appareil pour la fabrication des eaux gazeuses.
Rébus.


HISTOIRE DE LA SEMAINE

FRANCE

Le voyage à Frohsdorf d'une délégation de la droite ayant pour but de mettre fin aux incertitudes qui planent depuis deux mois sur les résolutions du comte de Chambord, vient d'être pleinement confirmé. Ce sont MM. Merveilleux-Duvignaux et de Sugny qui ont été choisis comme ambassadeurs; les deux honorables députés doivent, disent les journaux bien informés, rendre compte de leur mission aux délégués du centre droit «de manière à raffermir les espérances de ceux qui croient que le salut de la France est dans le rétablissement prochain d'un régime définitif».

En attendant, nous devons nous contenter d'un récit de l'entrevue publié par le Times et qui, bien que visiblement erroné sur certains points, n'en est pas moins accepté comme exact dans ses traits principaux. Voici ce récit:

«MM. Merveilleux-Duvignaux et de Sugny, qui sont allés à Frohsdorf et dont on a tant parlé depuis quelques jours, sont de retour. Comme ce voyage donnera lieu à beaucoup de récits, il est essentiel d'en faire connaître les détails authentiques et d'être exactement renseigné sur ce qui s'est passé.

«Voici, d'après les renseignements les plus certains, le récit des entrevues qui ont eu lieu entre les délégués et le comte de Chambord:

«MM. Merveilleux-Duvignaux et de Sugny ont eu deux entrevues avec le prince. Dans la première, ce sont eux seuls qui ont parlé. Ils ont déclaré au comte de Chambord qu'ils n'avaient pas à lui poser un ultimatum, et que leur mission consistait à lui exposer la situation actuelle réelle, telle qu'elle ressortait des réunions tenues à Versailles; ils ont attiré son attention sur la question religieuse, sur la Constitution et sur le drapeau.

«Le lendemain ils ont eu une seconde entrevue, dans laquelle le comte de Chambord a parlé. Le comte les a remerciés de leur exposé et de ne pas s'être chargés d'un ultimatum. Il s'est montré très-affecté des efforts de ses adversaires pour faire croire que son retour serait le signal d'une guerre religieuse. Il a déclaré qu'il considérait que la politique de la France devait être une politique de paix et de recueillement, et que, tout en étant un catholique convaincu, il ne se croyait pas en droit d'engager les destinées de la France pour une cause, quelque sacrée qu'elle fût à ses yeux.

«Sur la question de la Constitution, le comte de Chambord a déclaré qu'il n'avait nullement l'intention d'octroyer une Charte, pas plus qu'il n'avait l'intention de gouverner le pays au moyen d'une Constitution quelconque. Il a donné à entendre que la Charte de 1814, appropriée aux circonstances actuelles et débattue avec l'Assemblée, lui semblait pouvoir satisfaire tout le monde. Il a pourtant ajouté que, sur la question du suffrage universel et de la décentralisation, il avait des idées qu'il n'abandonnerait qu'à son corps défendant.

«Quant à la question du drapeau, le comte de Chambord n'a pas paru y attacher toute l'importance qu'elle comporte. Tout ce que les délégués ont pu dire, c'est qu'un arrangement était possible, pourvu que le comte de Chambord déclarât que c'était cette Assemblée et non pas une autre qui ferait la monarchie. Les délégués ont repris: Cette Assemblée ne fera jamais la monarchie sans le drapeau tricolore. Le comte de Chambord a ajouté: «Je n'en sais rien.»

«Dans les cercles bien renseignés, on conclut de ces informations que le comte de Chambord publiera avant la rentrée un Manifeste conciliant et libéral.»

Parmi les inexactitudes manifestes de cette relation, il en est une que l'agence Havas relevait dès le lendemain de son apparition, c'est celle que contient le paragraphe relatif au drapeau. «Je le sais», et non pas «Je ne sais», aurait répondu le comte de Chambord aux délégués qui lui faisaient observer que jamais l'Assemblée ne ferait la monarchie sans le drapeau tricolore. Mais c'était là un lapsus du traducteur, et il demeure avéré que, quant au fonds et dans son ensemble, le récit du journal anglais est exact. On ajoute que le comte de Chambord ne tarderait pas à publier un manifeste conciliant et libéral.

Nous avons tenu à enregistrer ici le texte même du Times; comme toujours, les déductions qu'en tirent les journaux sont fort exagérées, soit dans un sens, soit dans un autre; quelque importantes que soient, en effet, les déclarations qu'on vient de lire, elles sont trop générales pour n'être pas en même temps un peu vagues, et laissent dans l'obscurité plus d'un point d'une importance capitale. Cela n'empêche pas quelques journaux de considérer dès à présent comme complet le succès de la campagne fusionniste, et de s'écrier que la République est bien décidément morte et enterrée, comme le fait notamment le Soleil, en ces termes: «La France est en train d'assister à un spectacle qui l'intéresse vivement. Quelqu'un va mourir chez elle dont la clientèle est très-affairée. Ce quelqu'un est la République.» Il est vrai que les organes officieux du centre droit, le Français en tête, se montrent beaucoup plus réservés, et ce journal paraît avoir un sentiment plus exact de la situation, lorsqu'il dit, par exemple, qu'«il n'y a pas de gouvernements qui soient par eux-mêmes le salut, pas de princes qui soient à eux seuls des sauveurs».



COURRIER DE PARIS

On ne chasse pas qu'à Ferrières chez le baron de Rotschild; on ne chasse pas seulement non plus à Chantilly, chez le duc d'Aumale. Il n'y a plus à l'heure qu'il est, depuis l'évacuation, un seul département où on ne batte les buissons. Conséquences logiques: Paris ne se nourrit plus guère que de venaison. Le gibier pleut autour de nous. Les wagons de fer en charrient des monceaux. Un faiseur de statistique, dilettante des halles, fournit des chiffres à ce sujet. Chaque jour, 153,000 francs de gibier à plume; plus, 125,000 fr. de gibier à poil.

J'ai parlé d'un statisticien. L'espèce abonde en indiscrets. Tout homme qui fait profession de grouper des chiffres ne cherche qu'à découvrir, des pot-aux-roses. Celui-là agite une question assez neuve, presque impertinente. Il s'agit du gibier confisqué. En dépit de la vigilance exercée par le comte de Nicolaï, le braconnage s'exerce toujours en grand chez nous. Tous les ans, les chasseurs sans permis abattent plus de 500 mille pièces, petites et grandes, ce qui est bien quelque chose. Mais à bon rat, bon chat. Sur le nombre, on fait aussi une assez belle rafle; on parvient à saisir un bon tiers du gibier des délinquants, un gibier qui a la saveur du fruit défendu.

Ce butin, que devient-il? Qu'en fait-on? Il est stipulé dans la loi sur la chasse que chacune des pièces sera l'aubaine des hôpitaux. Telle est la question que débat l'indiscret. Va-t-il réellement aux hospices ce gibier confisqué? Cherchez, regardez par vous-même, informez-vous. Il est sans exemple qu'on ait vu un lapin de venaison dans un hôpital. Qui a jamais rencontré un malade de l'Hôtel-Dieu piquant du bout de sa fourchette une hure de sanglier ou un convalescent de la Pitié suçant le jus d'une gelinotte? Encore un coup, où tout cela va-t-il? L'homme aux chiffres a l'air de le savoir, mais il n'ose pas le dire nettement. C'est qu'il y aurait des braconniers, du braconnage.

Le Congrès des Orientalistes vient de clore ses travaux pour 14873; il s'ajourne à septembre prochain, dans Londres, attendu qu'il ne peut être tenu deux sessions successives dans le même pays. Messieurs les Orientalistes ne s'occupent pas uniquement de choses parasites ou oiseuses, comme on l'avait supposé. Ils ne recherchent qu'accessoirement si Cakya-Moisni avait réellement un œil bleu et un œil noir; les choses usuelles figurent volontiers parmi les thèses qu'ils étudient. Par exemple, la géographie de l'extrême Orient, encore si peu connue, est un des objets qu'ils traitent de préférence. Ils ne dédaignent pas non plus de descendre à des détails de floriculture et, en même temps, à la grande affaire de l'acclimatation en Occident des gallinacés du Japon.

Il faut bien le dire, le Japon a été le point de mire le plus souvent visé par les honorables savants. C'est déjà considérable le nombre de japonistes qu'il y a dans leur sein. Il y a quinze ans, le vent était pour les sinologues. Pourquoi la Chine a-t-elle baissé dans l'estime de la science? C'est ce que je ne saurais dire. Voilà que le japonisme absorbe tout. Dans la foule des discoureurs sur le Nippon et son idiome, on a même remarqué un lettré japonais, un Oriental couleur pain d'épice, l'honorable M. Imamura, qui, dans un français très-lucide, a prononcé un discours sur les effets de la doctrine de Confucius introduite dans son pays. Cette allocution a été écoutée avec une attention voisine de l'enthousiasme. S'il y avait eu dans la salle une panoplie de sabres et de poignards, plus d'un auditeur aurait pu s'ouvrir le ventre en signe d'assentiment.

Cependant la femme japonaise a été mise le tapis, peut-être trop inconsidérément. M. F. Madier de Montjau, qui est allé l'étudier sur les lieux, affirme qu'elle est libre, licencieuse même. D'autres ont soutenu la même assertion. De là, grande mêlée oratoire. Un peu plus, on se prenait aux cheveux. Il a fallu clore ce débat qui n'était déjà plus en harmonie avec la gravité du Congrès. Un orateur a fait pourtant une remarque digne d'être relatée; c'est que, si la race d'Adam vient à perdre ses cheveux, comme la chose a l'air d'être probable, on les retrouvera dans la branche des Japonaises. Déjà, en 1840, M. de Balzac, parlant des femmes du Japon, d'après M. de Bocarmé, son ami, disait: «Les cheveux les plus solides et les plus beaux du monde sont chez elles.» En 1867, lors de l'Exposition universelle, il y avait un compartiment pour le Japon. C'était une sorte de petit salon où l'on voyait dix Japonaises grattant une guitare sur des sophas. On courait les voir.

--N'y allez donc pas si vite, disait Henri Monnier: ce sont des Japonaises qu'on a prises à Villejuif ou au Gros-Caillou.

Autre histoire.

Elle s'est passée à Paris, c'est une légende du Ranelagh, qui a égayé autrefois les premières années du règne de Louis-Philippe.

Un lord francisé avait donné à une jeune et jolie femme un brougham jaune, deux gris-pommelés et un cocher habillé en vert. C'était la première voiture. Vous pensez si la belle en était heureuse! Le jour où elle lui fut amenée, elle en usait et en abusait en femme qui ne savait pas ce que c'était. Elle s'était promenée dans sa voiture, du matin au soir. A la fin du jour, après dîner, elle s'était fait conduire au bal du Ranelagh, le Mabille de ce temps-là.

A onze heures du soir (il faisait beau, par hasard), elle grignotait une glace à la framboise et des biscuits de Reims. Le cocher n'avait rien pris depuis le matin; il tombait d'inanition. Quant aux deux chevaux, la tête basse, l'estomac creux, ils se plaignaient moins haut, mais ils crevaient autant de faim que leur infortuné conducteur.

A la fin, Dominique (c'était le nom du cocher) prit un parti violent. Il s'élança dans la salle du bal, pénétra jusqu'à sa maîtresse, lui exposa la détresse des gris-pommelés, et attendit.

--Comment! s'écrie la jeune femme, les pauvres bêtes sont à jeun depuis si longtemps! Je les plains de tout mon cœur. Tenez, Dominique, portez-leur, s'il vous plaît, cette glace et ces biscuits.

Gavarni, si grand philosophe le crayon à la main, avait dessiné, un jour, dans des Androgynes, la silhouette d'une affreuse vieille, jolie mondaine d'autrefois, qui, pendant ses beaux jours trop vite passés, avait eu non pas une, mais dix voitures. Esquisse instructive mais lamentable! En guise de moralité, il ne faut pas oublier non plus ce qu'on a entendu dire à Mlle Flore, des Variétés, si justement applaudie jadis dans les Saltimbanques. La pauvre actrice était alors sexagénaire et reléguée parmi les piétons.

--J'ai eu une voiture, moi aussi; de beaux chevaux, un cocher qui ne se grisait pas trop, un chasseur vert à épaulettes d'or qui n'était qu'à moitié impoli, mais je n'ai pas su garder le foin, l'avoine et la cire à moustaches de toutes ces bêtes-là, et je vais en omnibus!

Il est un fait bien plus actuel et cent fois plus parisien que tout ce qui précède; c'est la retraite de Jules Janin. Après quarante-deux ans d'un prodigieux travail, le charmant écrivain se tait sur les théâtres. Il quitte ce Journal des Débats qu'il a tant illustré de sa prose étincelante. S'il faut le dire, ça été un grand étonnement. Ceux qui lisaient l'homme sans le voir de près se sont dit: «Mais pourquoi cette retraite?

En quoi a-t-il vieilli? Tel il était le premier jour, tel il est encore. L'esprit de sa critique, la forme si originale de sa parole, ses portraits, ses épisodes, ses anecdotes, rien de tout cela n'a subi les rudes atteintes du temps.» Ils disaient vrai. Cependant pour les amis de Jules Janin, pour ceux qui sont admis à aller voir dans le petit chalet, de Passy, ce Tibur in-trente-deux qu'il a dessiné et embelli, cette aspiration au repos a son excuse.

Jules Janin, nul ne l'ignore, n'a pas cessé d'être jeune; mais la goutte le cloue sur un fauteuil. Elle lui défend de sortir. Impossible de s'écarter du jardin. Impossible d'aller au théâtre. Il ne saurait plus aller même à la maison de Molière, cet abri du beau style qu'il aimait tant et en l'honneur duquel il a usé tant de plumes et desséché tant de bouteilles d'encre. Pendant plusieurs années, les dernières, sa femme, ses amis, le menaient en voiture au Théâtre-Français. A peine entré, on l'entourait. Les contemporains et les plus jeunes s'arrondissaient en couronne autour de lui; c'était à qui le saluerait et lui serrerait la main. Mais que vous dire? Voilà que le mal ne permet plus ces échappées. Dites adieu à ces soirées littéraires.

Il faut demeurer au chalet où, par bonheur, les soins touchants ne lui manquent pas. Mais j'avais à noter pour quel motif réel Jules Janin s'est retiré. Sans la goutte, il serait encore sur la brèche. Dieu merci, la tête, le cœur, l'œil, la parole, la main, l'inépuisable bienveillance, tout cela est toujours et sera longtemps encore plein de jeunesse. Aussi n'abandonne-t-il pas les lettres, ce lettré plein de passion. Il fera des livres, à l'ombre de ses arbres, l'été; au coin du feu, l'hiver. Seulement il ne sera plus journaliste.

Ne plus être journaliste, croyez que c'est pour lui le chagrin le plus vif. L'auteur de Barnave sait être conteur, historien même. Il est humoriste, il est savant, quand il le faut. Il s'entend à traduire le latin en français mieux qu'aucun autre. Il a popularisé Horace. Il a fait revivre Ovide, il a pris les épigrammes de Martial, une à une, pour en faire une curieuse biographie du poète de Bilbilis. A l'heure même où je vous parle, il traduit en prose les églogues de Virgile, et il y a six ans que ce travail le captive, car vous le savez, le vin pur des vers du Mantouan n'est pas aussi facile qu'on le croit à transvaser de sa langue dans la nôtre. Il fait donc tout cela, et des contes, et des commentaires. Il fera aussi, je l'espère, et je le lui ai demandé, un volume de Souvenirs, de ceux qu'il raconte avec un si puissant attrait quand la goutte lui laisse du répit. Mais avant tout, mais surtout, Jules Janin aura été journaliste. C'était pour cette raison qu'ils s'étaient liés d'amitié, lui et Armand Carrel, ce brillant chevalier de l'ancien National. C'est pour mériter ce titre de journaliste qu'il a protesté, il y a vingt-cinq ans, dans la Revue de Paris, contre le Grand homme de province au moyen duquel H. de Balzac calomniait la petite presse. C'est pour le même motif qu'il a engagé, en 1843, avec Alexandre Dumas, à propos des Demoiselles de Saint-Cyr, une brillante polémique où il devait avoir le dernier mot. C'est en raison du même point d'honneur à soutenir qu'il a eu un duel avec Capo de Feuillade, un procès avec Félix Pyat, une passe-d'armes avec Nestor Roqueplan, une querelle d'un jour avec George Sand, une bouderie constante, je pourrais dire une guerre de tous les instants, avec l'empire.

Cet empire, qui paraissait faire trembler l'Europe, hélas! tremblait devant une écritoire, la première venue. Il exilait, il emprisonnait, il ruinait, il flétrissait les journalistes, et Jules Janin, pareil à ce personnage de Shakespeare qui, rien qu'avec un brin de paille, perçait l'armure de fer d'un tyran, frappait l'empire et étonnait l'empereur, qui n'a jamais pu réussira l'avoir au nombre de ses courtisans. Vous rappelez-vous les Mères Repenties, un beau drame de Félicien Mallefille? On voulait l'interdire, ce drame, parce que l'auteur était un républicain avéré; Jules Janin, royaliste de vieille date, intervient et, dans son feuilleton, en vrai journaliste, il fit voir tout ce qu'il y avait de grand, de moral, de viril et de noble dans cette pièce, et la censure se tut.

--O Dieux! s'écriait-il, vous savez si j'aime et si j'honore en toutes sortes de reconnaissance et de respect la profession qui me fait vivre; elle est toute ma vie et toute ma fortune; elle est ma force et mon œuvre, et ma fête de chaque jour; mais s'il me fallait renoncer à mon camarade, à mon ami, à mon poète; s'il me fallait jeter la haine et le fiel sur tout ce qui ressemble à la vie, au mouvement, au style, à l'invention, au bel esprit, à la vertu; s'il me fallait peser dans la même balance et Virgile et Racine, l'affranchi Narcisse et Lucain tué par Néron; si j'étais forcé d'écouter, impassible et muet, les œuvres des esprits que j'aime et des talents que j'honore, et n'applaudir personne, et n'aimer personne, et ne m'incliner devant personne, et contempler les riens du jour pour toute compensation, j'aimerais mieux briser ma plume et renoncer au métier qui me défendrait d'aimer et d'admirer mes amis!

J'aurais eu encore beaucoup à dire, vous le devinez, sur cet événement, la retraite de Jules Janin. Mais le papier fuit sous ma plume, et il faut savoir se borner.--Jules Janin, au reste, a trouvé dans le journal la récompense de son opiniâtre fidélité.

Un jour, peu après la révolution de Février, il habitait encore la rue de Tournon. Il voit entrer tout à coup chez lui un homme pâle, effaré, tout dépaysé. C'était un ambassadeur que le mouvement nouveau venait de renverser; c'était un très-bel esprit, un critique, un conteur qui avait couru après les grandeurs et qui tombait du haut de son piédestal.

Jules Janin tendit la main à Loëve-Veimars, le brillant auteur du Népenthès, l'ancien consul de Bagdad.

--Vous êtes toujours rose, Janin, vous êtes toujours gai! On voit bien que les révolutions ne vous atteignent pas.

Les révolutions ne m'atteignent pas, elles ne m'atteindront jamais, répondit philosophiquement le journaliste, parce que je ne serai jamais assis que sur cette chaise d'où j'écris mes feuilletons.

Philibert Audebrand.



LES THÉÂTRES

Théâtre-Français.--Phèdre.

Le Théâtre-Français a joué Phèdre. Je n'aurais pas parlé de cette reprise si je n'avais à rendre compte que des interprètes actuels de ce chef-d'œuvre. Peu préoccupé des acteurs qui me laissaient indifférent, non à la tragédie de Racine, mais à sa représentation, je suivais l'autre soir les mouvements du public, et je cherchais à me rendre compte de ses très-sincères applaudissements. Il faut dire toute la vérité.

Mlle Rousseil, qui jouait pour la première fois le grand rôle de Phèdre, est complètement insuffisante, l'actrice est écrasée sous une aussi grande tâche. La voix est sans accent tragique, sans puissance dramatique. Elle ne donne aucune note de ce rôle merveilleux qui parcourt toutes les passions, dans les nuances infinies de l'amour, de la jalousie, du remords ou de l'effroi. Le geste est sans dignité, sans grandeur; la physionomie s'immobilise et à peine un éclair du regard l'illumine-t-elle de temps à autre. L'actrice dit le texte dans une déclamation correcte sans en faire jaillir la puissance. Pourtant la salle l'a saluée plus d'une fois de ses bravos et s'est déclarée de la sorte absolument satisfaite. Le spectateur est de très-bonne foi dans son enthousiasme, il le témoigne et il a raison. Si je n'avais pas vu Mlle Rachel, si je n'avais pas entendu, comme si la tragédienne, eût été encore sous mes yeux, les grands accents tragiques pleins d'un amour mortel et d'une douleur antique, si je n'avais pas été instruit par un interprète de génie des incomparables beautés de ce rôle, j'aurais fait comme mes voisins et j'aurais acclamé la Phèdre nouvelle.

Pour peu que le comédien ait quelque valeur, le public ne prend que ce qu'il lui donne. Il ne voit pas par-dessus facteur et au delà. Impressionnable comme il est, il se contente de l'émotion reçue, sans se demander s'il est en droit d'exiger une émotion plus grande encore, et il ne se fait pas même l'idée d'une supériorité. Il accepte bien, comme vrai, ce qu'on lui dit du comédien d'autrefois, mais il ne voit, lui, que le comédien du présent, et il reste dans son admiration tant qu'un talent éminent ne lui apprend pas à rejeter ses faux dieux. Voilà pourquoi facteur n'a rien à craindre des comparaisons du passé. Quelques spectateurs s'en souviennent, mais la salle, qui s'est renouvelée, ne pouvant faire ces dangereux rapprochements, écoute et applaudit. En quoi le public n'a pas tort. Ce qui fait qu'à défaut de Mlle Rachel, Mlle Rousseil est une tragédienne.

Mlle Sarah Bernhardt débite de sa jolie voix, musique délicate et plaintive, le rôle de la tendre Aride. Mlle Sarah Bernhardt a trouvé dans cette élégie l'occasion d'un nouveau succès, moins grand il est vrai que celui qu'elle a obtenu dans Andromaque, mais la faute en est à Racine; il est vrai que la jeune tragédienne murmure la première partie de son rôle sur une note endormie trop longtemps tenue, mais elle se réveille en quelques endroits. Cette voix chanteuse trouve alors tout son charme et toute sa poésie.

M. Mounet-Sully est un Hippolyte d'une belle tournure, fort bien costumé avec l'élégante désinvolture des Éphèbes antiques, dont la belle voix, dans le registre intermédiaire, donne avec un grand bonheur d'expression quelques-uns des vers du tendre fils de Thésée; il force bien de temps à autre l'expression de sa figure et revient aux effets d'Oreste, comme à ses premières amours de tragédie, mais qu'importe! il y a l'étoffe d'un vrai tragédien dans M. Mounet-Sully. À mon avis, le meilleur interprète de Racine est cette fois Mme Guyon, qui a fait de ce rôle si effacé d'Œnone, un personnage des plus saisissants et des plus dramatiques.

Théâtre du Vaudeville.

Aline, drame en un acte et en vers, de MM. Hennequin et Silvestre.--La Chambre jaune, comédie en un acte, de M. de la Rounat.

Quand j'aurai dit qu'Aline, jouée au Vaudeville, contient de beaux vers, de très-beaux vers, je crois que j'aurai rendu compte du drame de MM. Hennequin et Silvestre. Il me semble que les auteurs, gens de talent, n'ont eu en vue qu'une seule scène, dans laquelle résonnent leurs vers d'une facture très-solide et très-nerveuse. Aussi a-t-elle une grande chaleur et un grand mouvement. On ne l'a pas assez applaudie à mon avis. La faute en est au drame trop serré et trop douloureux, et surtout à ce personnage de Vincent, ce républicain ambitieux et à l'âme basse, qui a recherché Aline dans une noble maison, pour en faire sa femme, en se donnant ainsi une fortune et des aïeux et qui, les événements changeant, demande contre elle le divorce pour affirmer son civisme et s'assurer les bonnes grâces de la Convention. C'est trop! il est impossible dès lors de surmonter le dégoût que fait naître un tel caractère. Sa mort volontaire ne peut même le racheter, et un tel personnage nuit singulièrement à la pièce. Ce rôle d'Aline, que l'actrice dit un peu trop bas, est joué avec un grand sentiment et une expression des plus justes et des plus dramatiques, par Mlle Bartet, qui est une comédienne de grande valeur.

Quant à la Chambre bleue, vous vous rappelez sous ce titre, une nouvelle de Mérimée, un des chefs-d'œuvre de ce maître conteur, si sobre, si puissant dans sa sobriété. Que de pièces le livre chez Mérimée n'a-t-il pas donné au théâtre. Cette fois encore, un homme d'esprit et de talent s'est approprié les quelques pages du romancier et en a fait une comédie excellente, à laquelle le public a fait le plus grand succès. Toute cette histoire, un peu risquée, mais si merveilleusement sauvée d'un amour caché dans une chambre d'auberge, est reprise à la scène.

Avec ce voisinage tapageur d'officiers d'un régiment recevant leurs camarades qui les remplacent en garnison, avec ce bruit de verres et ces fanfares, ce meurtre d'un Anglais qu'une cloison sépare de la fameuse chambre bleue et qui trouble le bonheur rêvé, par ce fantôme du gendarme et du juge d'instruction, l'aurore venue recherchant les coupables, tout cela nous a été donné avec un grand tact, une grande habileté, et la salle a fait fête à l'auteur du conte et à l'homme d'esprit qui le traduisait au théâtre. Mlle Antoine et Saint-Germain ont été des plus applaudis, et c'était justice.

M. Savigny.




L'ÉVACUATION.--Le dernier bataillon allemand passant la frontière.


ESPAGNE.--La place du marché de la Lonja de Seda, à Valence.



BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

La belle Olympe, par Charles Monselet (1 vol. in-18. Dentu.)--M. Monselet ne se contente point d'être un critique narquois et un peintre de mœurs d'un talent rare, mettant tout un volume dans un article et faisant avec rien de petits chefs-d'œuvre. De temps à autre, il aborde le roman de longue haleine, comme dans les Frères Chantemesses ou dans les Marges du Code. C'est précisément de cette dernière série que fait partie la Belle Olympe, un roman d'aventures qui débute en Amérique et se dénoue ou se noue à Paris, car ce volume n'est que la première partie de l'ouvrage. Nous assistons à des scènes tantôt comiques,--par exemple le banquet offert par l'américain Thomas Granter à ses hôtes,--tantôt tragiques, comme le duel de deux français en pleine forêt américaine. La belle Olympe, l'héroïne du livre, est une personne d'un naturel énergique, mais tout à fait atroce. Elle est jeune, jolie, ambitieuse; elle a épousé un vieux bonhomme, dont elle convoite l'héritage, et comme elle trouve qu'il ne meurt pas assez vite, elle serait fort disposée à lui donner, pour parler vulgairement, le coup de pouce. Un vieux domestique de la maison s'aperçoit de ces dispositions, et la belle Olympe, se voyant découverte, tue le valet, par mégarde, avec un pistolet de tir.

Le volume laisse le lecteur en suspens. Il est évident que, dans un prochain in-18, nous verrons la belle Olympe châtiée et la vertu récompensée. M. Ch. Monselet n'a pas trop l'air de croire à toutes les horreurs qu'il décrit. Son naturel enjoué semble railler ces mœurs sanglantes, mais il a tant d'esprit qu'il se tire à merveille de ces aventures et l'abbé du XVIIIe siècle papillonne agréablement dans le domaine de Ponson du Terrail.

Les Phrases courtes, par M. Charles Chincholle (1 vol. in-32).--On se rappelle l'anecdote de ce bonhomme qui se vantait de composer chaque matin, avant son déjeuner, une Maxime de La Rochefoucauld. M. Ch. Chincholle n'a point cette prétention; mais, sans avoir l'air d'y toucher, il a écrit, sous ce titre, Les phrases courtes, un joli petit livre de pensées, d'observations, où les idées se font humaines et tout juste assez misanthropiques pour avoir de la saveur et pas d'aigreur.

«Il est impossible à un observateur de n'être pas misanthrope,» dit M. Chincholle en commençant. Mais Béranger définissait la misanthropie: Un amour rentré, et l'auteur des Phrases courtes lui donne raison par son exemple.

Il y faudrait noter plus d'un trait:

L'homme est parfois tout étonné de ce que vient de faire un autre homme qui était en lui.

Il n'y a que les créanciers qui soient fidèles.

Entre le bonheur et le malheur il y a l'ennui.

Les souvenirs d'amour sont les rentes du cœur.

Il y a soixante petites pages de ces Phrases courtes. Gavarni eût souri, satisfait, à plus d'une.

Le Faust de Goëthe, traduction nouvelle de M. H. Bacharach. Préface de M. Alexandre Dumas fils.--Une nouvelle traduction de Faust, après Gérard de Nerval, Blage de Bary et la grande traduction Hachette? Pourquoi pas? On a toujours quelque chose à gagner à fréquenter les gens de génie. Cette fois d'ailleurs nous avons un Faust traduit littéralement par un allemand francisé et de Germain devenu Gaulois. M. H. Bacharach fut, au temps jadis, le professeur d'allemand de M. Alexandre Dumas fils, et c'est pourquoi l'auteur de la Femme de Claude a écrit, pour son ancien maître, une préface qui fera grand tapage au delà du Rhin, mais qui intéressera beaucoup moins,--j'en ai peur pour nous,--les esprits français. M. Dumas fils s'attache, dans cet alerte travail, non pas à démolir Goëthe, comme on dit, mais à le juger et son jugement est assez sévère. Je lui reprocherai d'avoir surtout examiné Goëthe au simple point de vue de l'art du dramaturge et du romancier. Il y a bien autre chose dans Goëthe, il y a le savant, le philosophe, l'étonnant remueur d'idées qui, dans ses entretiens, crible de vérités nouvelles, ce brave Eckermann tout étonné de tant de choses et tout empressé à les jeter sur le papier. M. Dumas fils, dans sa remarquable préface, reproche à Goëthe d'avoir été égoïste. On le savait. Mais combien d'égoïste ont vécu qui n'ont écrit ni Faust, ni Hermann et Dorothée?

M. Bacharach a jugé bon de ne traduire que le premier Faust. C'est dommage. Le préjugé vaut que le second Faust soit absolument inexplicable et nébuleux. La vérité est qu'il est, comme pensée, comme tendances, bien supérieur au premier. Mais nous vivons, depuis trente ans, sur ce cliché que le second Faust est incompréhensible. Il serait temps cependant de renoncer aux idées toutes faites.

Contes d'Hamilton, publiés avec une notice de M. de Lescure (librairie des Bibliophiles).--M. Jouaust nous a déjà donné, dans la jolie collection qu'il appelle les Petits chefs-d'œuvre, des œuvres bien diverses: le Voyage autour de ma chambre, Turcaret, Vert-Vert, la Servitude volontaire, de la Boétie. Il publie aujourd'hui les Contes d'Hamilton, et M. de Lescure a écrit, en tête, une notice sur cet Écossais, plus Français que des Français, qui a composé les Mémoires de Grammont et conté le Belier et Fleur d'Épine.

On lira avec un agrément infini ce dernier conte, qui vient de paraître, et que suivrait Zénezde et les Quatre Facardins. Ce genre oriental est fini depuis longtemps; mais ce qui est toujours durable, c'est la verve et l'esprit, cet élégant esprit du temps passé que possédait Hamilton et que j'aurais presque envie d'appeler, pour bien rendre ma pensée, l'esprit en verrouil.

Maisonnette, par M. Antoine Campaux (1 vol. in-18. Librairie des bibliophiles).--«En face des tristesses et des angoisses de l'heure présente, je me suis souvent plu à faire un beau rêve: ce serait, à l'aide d'une oeuvre d'imagination qui transporterait le lecteur dans quelque fraîche et sereine région, de convier à une trêve de quelques instants les nobles esprits qui, dans les camps les plus opposés, se disputent, à armes courtoises, le gouvernement des intelligences avec celui de la société.»

C'est ainsi que, dès sa préface, M. Campaux explique pourquoi il a composé le poème rustique qu'il nous envoie. L'entreprise est louable, le but est touchant. Certes nous en avons besoin, de ces œuvres apaisées et, si je puis dire, berçantes comme le murmure d'un clair ruisseau! Il faut des oasis à la pensée, des bois pleins d'ombre, des foyers pleins de paix. Et c'est justement à un de ces foyers rustiques et calmes que nous fait asseoir M. Antoine Campaux. Ce lettré, qui explique Virgile, a choisi dans les Vosges un coin «entre tous souriant», où il s'est reposé en compagnie de livres et de paysans. Le Journal de Marc-Antoine est une halte en pleine vérité. M. Campaux envoie ses contemporains «à l'école des champs», et il a raison. Son poème, très-simple et très-touchant, écrit en vers qui visent moins à l'orfèvrerie qu'à l'harmonie et à la pensée, est tout à fait consolant et sain. On y respire comme l'odeur résineuse des sapins. De jolis paysages encadrent des acteurs sympathiques, et j'ai souvent songé, en lisant Maisonnette, à une maison forestière, entrevue le lendemain de Forbach, dans une forêt lorraine, toute paisible, avec un chien couché sur le pas de la porte et des pigeons voletant sur le toit,--tandis que l'air du ciel était encore ébranlé des canonnades de la veille!

Le suffrage universel et la République, par M. S. Vainberg (1 vol. in-18. Ernest Leroux).--M. Vainberg est docteur en droit et avocat à la cour de Paris. C'est donc quelque chose comme une consultation politique qu'il nous donne ici. Son travail a pour but la défense du suffrage universel et de la République. Il ne pouvait venir à un meilleur moment. La République et le suffrage universel semblent également menacés, et on ne reprochera pas à M. Vainberg de plaider certaines causes à l'heure de leur triomphe. M. Vainberg prouve, en homme érudit et en dialecticien habile, que le suffrage universel est la République et que toute atteinte au premier est une restriction de la seconde. Cette proposition, qui ne sera pas du goût de tout le monde, a du moins le mérite de la vérité. M. Vainberg conclut ainsi: «La République seule représente l'ordre et la liberté, car elle fournit les moyens pacifiques pour introduire toutes les modifications nécessaires dans notre vie sociale et politique. Maintenons-la donc, respectons-la, et les Révolutions deviendront impossibles.» Cette doctrine est, en effet, celle du parti républicain, qui a compris, je pense, qu'il ne doit plus être un parti d'opposition, mais prouver qu'il peut être un parti de gouvernement. M. Vainberg l'a bien senti et bien indiqué.

Jules Claretie.



NOS GRAVURES

M. Coste

Le célèbre naturaliste dont le nom sympathique était depuis longtemps si universellement populaire, est né en 1807, à Castries, au milieu de ce riche et fécond département de l'Hérault, véritable jardin de la France méridionale, patrie de tant d'hommes célèbres dans tous les genres.

Dès sa plus tendre enfance, M. Coste donna les marques de cette riche et puissante organisation, qui lui permit d'acquérir sans travail apparent, par une sorte d'intuition artistique, les connaissances les plus ardues, les plus précises. Les séductions de cette heureuse nature méridionale lui valurent, au sortir du collège, et pendant qu'il était encore sur les bancs de l'Académie de Montpellier, l'amitié de Delpech. Ce grand médecin lui prouva son attachement en l'associant aux dangers de la glorieuse mission qu'il venait de recevoir lui-même.

Il s'agissait d'étudier sur place, en Angleterre, le choléra, fléau inconnu qui faisait explosion pour la première fois, et qui avant 1834 excitait des terreurs si folles, parfois si sanguinaires.

Admis au retour de ce voyage mémorable au Jardin des Plantes comme préparateur du cours d'anatomie, il ne tarda point à attirer l'attention de Cuvier. Il faisait partie du petit nombre d'amis qui reçurent les derniers soupirs du législateur de la paléontologie française.

M. Coste parvint même à exciter l'intérêt de Blainville, ce savant farouche, inabordable, dont il fut le préparateur et dont il devait être le successeur à l'Académie des sciences.

Deux ans plus tard, il recevait de cette illustre assemblée une médaille d'or, décernée pour un mémoire Sur le développement des êtres organisés, qui devenait bientôt un volumineux ouvrage, perfectionné, généralisé lui-même, et publié de nouveau bien des années plus tard sous le titre de Recherches sur le développement des corps vivants.

Le succès de cette œuvre remarquable, précédée par une introduction d'une rare éloquence, décidait M. Guizot à créer pour M. Coste la chaire d'embryologie comparée au Collège de France.

Ce grand et sérieux travail avait été précédé par de nombreux essais littéraires, même des poésies légères, que l'auteur détruisait comme étant indignes d'un vivant qui se doit tout à la science, mais qui n'en montraient pas moins la souplesse de ses qualités littéraires. Son éloge de du Trochet et son Histoire de l'Épinoche, dont il a si gracieusement peint les mœurs, sont des morceaux d'un grand style, dignes de la plume d'un maître.

Le cours que M. Coste a commencé en 1837 au Collège de France fut la grande affaire de sa vie. Il le continua sans interruption jusqu'en 1873. Pendant trente-six ans il parvint à réunir auprès d'une chaire qui semblait vouée à la solitude, tant le sujet était aride, près d'une centaine d'auditeurs.

Son laboratoire, que l'on venait voir de loin, était une des curiosités de Paris. C'est là que sont nés les aquariums. C'est là qu'il recevait les têtes couronnées et qu'il eut pu s'enrichir. Mais c'était surtout la science qu'il rêvait, somptueuse, opulente.

Quoiqu'il ne fut pas pauvre, comme on l'a dit, il ne laisse pas de fortune. Il se contentait de la grande aisance que lui donnaient ses différentes fonctions. Il n'aurait jamais voulu faire de ses recherches métier et marchandise.

M. Guizot l'avait pris en affection. Peut-être entrevoyait-il dans son jeune protégé un futur ministre de l'instruction publique. Mais la Révolution de Février éclata, et ce fut M. Coste qui, appelé en toute hâte, dirigea l'évacuation de l'hôtel du boulevard des Capucines!

Tant que l'empire fut prospère, il ne refusa à M. Coste aucun moyen d'action. L'empereur et l'impératrice ne juraient que par sa science. C'était lui qui dirigeait les pêches de Villeneuve-l'Étang, où l'on mangeait ensemble d'excellentes fritures.

On mettait alors à la disposition de M. Coste, avec une générosité retentissante, les ressources nécessaires pour créer l'établissement d'Huningue, puis celui de Concarneau.

Mais quand la guerre du Mexique eut ébranlé la machine impériale, on agit comme si l'on se repentait d'avoir nommé M. Coste inspecteur général de la pêche maritime et fluviale. On prêta l'oreille aux sarcasmes des ignorants, et aux dénigrements systématiques de la routine officielle.

Pour M. Coste, la pisciculture n'était pas seulement un art riche d'avenir mais encore le développement normal de ses idées embryologiques. Déjà la partie de ses recherches qui a rencontré le plus d'incrédules, celle qui a trait à la propagation de l'huître, a produit malgré l'apparent démenti d'un renchérissement progressif, des résultats incontestables. Il suffit que la culture des fonds inondés augmente la masse des matières végétales que broutent les poissons herbivores, pour que la sagesse des prévisions du savant aimable et profond dont nous déplorons la perte, apparaisse dans tout son éclat.

M. Coste ne pouvait céder, il résista avec toute l'opiniâtreté de son tempérament méridional. Peut-être eut-il été, comme M. Leverrier, sacrifié au besoin de popularité de la onzième heure, si les événements n'avaient fait perdre de vue les orages de la pisciculture.

C'est en 1851 que M. Coste fut appelé à faire partie de l'Académie des sciences. Il ne tarda point à exercer sur ses collègues les mêmes séductions qu'au dehors.

Il prit une part active aux polémiques relatives à la génération spontanée et à l'origine de l'espèce. Sans blesser personnellement aucun de ses adversaires, on le vit attaquer avec une égale ardeur les doctrines de M. Pouchet et celles de M. Darwin. II se mesura avec M. Claude Bernard, à qui il reprocha avec verve une méthode d'analyse procédant par détails et en somme beaucoup plus germanique que véritablement française.

C'est M. Coste qui remplit les fonctions de secrétaire perpétuel pour la section des sciences physiques pendant les trois dernières années de la vie de Flourens. Peut-être eut-il été appelé à l'honneur de le remplacer si la faiblesse excessive de sa vue n'eut fourni un argument puissant aux partisans de son savant compétiteur.

Mais on ne tarda point à le dédommager en l'appelant aux honneurs si enviés de la présidence.

Malheureusement, sa santé ébranlée ne lui permit point de prendre possession du fauteuil. S'il n'avait ressenti, dès le commencement de 1870, les atteintes lointaines du mal qui devait l'emporter, l'année terrible l'eut vu chargé de la lourde mission de représenter le premier corps savant du monde devant la Commune ignorante et la Prusse jalouse.

Depuis cette époque, M. Coste luttait énergiquement contre les progrès du mal. Jamais son intelligence n'avait été si lucide et si prompte. Jamais sa pensée n'avait nourri plus de projets, caressé plus de rêves. Une heure avant sa mort il s'en entretenait encore avec l'élève dévoué qui lui prodiguait les secours, hélas impuissants, de la science.

Un neveu qu'il avait élevé et auquel il était profondément attaché, M. Émile Coste, avait débuté comme simple chancelier dans la carrière diplomatique. S'élevant de grade en grade il avait été successivement consul à Manille, à Tien-tsin, où son successeur immédiat fut massacré, à Porto-Rico, où ses deux prédécesseurs étaient morts de la fièvre jaune. M. Émile Coste venait d'être nommé consul à Carthagène lorsqu'il succomba à une maladie douloureuse dont il avait contracté le germe dans les contrées tropicales. Un mois à peine s'écoule et M. Coste, jour pour jour, presque heure pour heure, rendait le dernier soupir. Il venait de succomber aux suites d'un étranglement intestinal.

La catastrophe arrivait au lendemain d'un voyage d'exploration dans le bassin d'Arcachon, à la veille d'une mission ayant pour but la réglementation de la pêche de la sardine.

La mort saisissait M. Coste dans un délicieux château de Normandie où le retenait une amitié des plus vives.

Les soins les plus affectueux, les plus délicats n'ont pas manqué à sa maladie, les pleurs ne manqueront point non plus à sa tombe.

W. de Fonvielle.


L'évacuation

De Verdun, les Prussiens ont gagné Étain, patriotique petite ville qui n'a pas marchandé son enthousiasme, lorsqu'au bout de deux jours d'occupation, les Allemands se sont retirés par la route qui conduit à la frontière par Jeandelize, Conflans, Jarny et enfin Doncourt, dernier village français qui se trouve situé sur la route.

Le 16, à 7 heures du matin, les 6,000 hommes du général Manteuffel sont en marche; ils suivent la même route et se retirent par échelons de façon à passer successivement la frontière.

Il n'est pas tout d'abord facile de découvrir la séparation des deux États.

Au bas d'une côte assez ardue, un petit bois jeté de chaque côté de la route plantée de peupliers, une borne à demi enfoncée en terre et portant les initiales F (France) et D (Deutschland, Allemagne), un poteau de douane bariolé des couleurs allemandes, voilà ce qui rappelle la conquête.

En face de la borne, se trouve une croix blanche enfoncée dans l'herbe, sentinelle avancée qui précède des milliers de tombes, dans cette vaste plaine qui s'étend au delà de Saint-Privat depuis Gravelotte.

A gauche et à quelque cents mètres, une ferme massive, Bagneux. A voir ces épaisses murailles, on comprend l'héroïque résistance qu'ont pu opposer à tous les efforts des Prussiens ces fermes désormais historiques, Liepsicket, Moscou, que l'on devine au loin à travers la brume.

A huit heures environ, le premier détachement allemand, celui qui est parti de Conflans, arrive à la frontière. Les tambours battent, les hommes portent les armes, et sur un signe de l'officier, les soldats entonnent un chant national: L'homme allemand.

On nous avait dit qu'en passant la frontière, les Prussiens présentaient les armes à la France; cette nouvelle est inexacte.

À neuf heures, un brillant état-major arrive de Metz: il comprend, avec le gouverneur et les généraux, les principaux officiers de la garnison. Parmi eux se trouve un officier russe, reconnaissable aux longues plumes blanches qui surmontent son casque, et un journaliste anglais, M. Forbes, qui a fait toute la campagne aux côtés du général Manteuffel.

Cet état-major s'éloigne au galop dans la direction de la France. Il va au-devant du général commandant en chef l'armée d'occupation. Il est neuf heures et demie lorsque nous apercevons briller les casques au haut de la côte?

Cette fois, ce sont les derniers.

Les hommes ont fait halte. Le général Manteuffel s'avance le premier, suivi de son brillant état-major. À la vue de la borne-frontière, il s'arrête et fait faire demi-tour à son cheval, qui de ses pieds de derrière touche la pierre.

L'escorte se range à la droite du général. Sur un signe d'un officier, la musique se place sur le talus de la route, en face le général Manteuffel; puis les deux ou trois compagnies défilent lentement dans l'intervalle, en portant les armes.

Au moment où le dernier Allemand vient de franchir le sol français, un cri de: Vive la France! retentit, et les quelques témoins de cette scène aperçoivent un ouvrier qui vient de déployer le drapeau tricolore, sous lequel nous nous pressons, la tête découverte.

La scène est d'une grandeur inouïe; à ce cri, tout l'état-major prussien jette les yeux sur le drapeau. L'officier russe, par un mouvement très-remarqué, fait cabrer son cheval, comme pour se séparer des Allemands, et se tient sur notre territoire, en face de nous.

Au même instant, deux gendarmes français arrivent au galop, leurs chevaux s'arrêtent devant la borne, et ces braves soldats qui ont voulu reconduire l'étranger jusqu'à la frontière se découvrent devant les couleurs nationales.

Au bout de quelques minutes fiévreuses, le général Manteuffel donne le signal du départ et la troupe s'éloigne, prenant la route qui conduit à Gravelotte.

La France est libre.

A. L. F...


Les cavaliers du dimanche

Vous souvenez-vous de l'ancienne porte Maillot? A côté des fortifications, à deux pas du bois de Boulogne se trouvait un manège borgne où une demi-douzaine de rossinantes étiques mangeaient leur avoine au milieu d'une vingtaine d'ânes à l'aspect malheureux. C'est là que tous les dimanches, des cavaliers de hasard venaient se livrer au douloureux plaisir de l'équitation. Des amazones non moins expérimentées accompagnaient parfois ces gentlemen-riders de derrière le comptoir. Il y avait les promenades du matin, les promenades de l'après-midi et les promenades du soir. Le matin c'était un déjeuner à la Tête-Noire de Saint-Cloud qui servait de prétexte à l'excursion; dans la journée c'étaient des courses effrénées à travers le bois; le soir c'était la cavalcade sentimentale,--prologue de romans au clair de lune,--à laquelle les montures harassées se prêtaient admirablement.

Dès le dimanche matin les chevaux, comme s'ils avaient le pressentiment de la corvée qui les attendait, se montraient plus nerveux qu'à l'ordinaire. C'est alors qu'arrivaient leurs persécuteurs impitoyables: les cavaliers du dimanche.

Le cavalier du dimanche est facile à reconnaître à sa tenue. Il a généralement un chapeau trop étroit destiné à l'occuper toute la journée et que, malgré toutes ses précautions, il perdra certainement plus d'une fois en chemin. Une jaquette trop longue et dont les pans retombent de chaque côté de la selle. Pas de sous-pieds; le pantalon remonte au-dessus du genou. Des éperons, par exemple, et une forte cravache. Quelquefois des bottes à l'écuyère et une culotte blanche qui le font ressembler à un écuyer du cirque. Invariablement, une fleur à la boutonnière et un cigare à la bouche!

--Môssieu est cavallié, sans doute? demandait le loueur.

L'autre avait l'air légèrement formalisé de cette question et se frappait le mollet du bout de sa cravache en faisant sonner ses éperons sans daigner répondre.

--Alors, continuait le loueur, on va vous donner Palmyre.

En entendant prononcer son nom, Palmyre secouait brusquement le cou et semblait dire: «Mon vieux, je ferai tous mes efforts pour me débarrasser de toi!»

--Est-ce qu'elle n'est pas un peu vicieuse? demandait alors le cavalier légèrement impressionné par l'attitude hostile de la bête.

--Oh! répliquait l'homme, elle a du sang... voilà tout. C'est une ancienne bête qui a gagné des prix à la course.

Le cavalier commençait alors à être inquiet. Mais son amour-propre était en jeu; il n'y avait plus à reculer.

On donnait un coup de brosse à Palmyre, on lui passait un peu d'eau sur la crinière, on lui ajustait sur la tête une vieille bride racornie, on lui mettait sur le dos une serviette pliée en quatre, puis une selle rembourrée avec des noyaux de pèche, et l'on marquait l'heure du départ. Ici le cavalier, un peu pâle, s'approchait de Palmyre, qui couchait les oreilles à la vue de la cravache.

--Môssieu va ajuster ses étrivières? demandait le gamin.

--Je les mettrai à mon point quand je serai à cheval.

Et il le montait si peu légèrement que les trois quarts du temps il faisait tourner la selle et qu'on était obligé de resangler. Il passait un quart d'heure à ajuster ses étrivières qu'il laissait trop longues d'un point; chaussait complètement les étriers en baissant la pointe du pied et en la tournant en dehors, et, réalisant ainsi la paire de pincettes légendaire, enchevêtrant au hasard la bride avec le filet, il s'en allait avec Palmyre, qui poussait deux ou trois petites ruades en quittant l'écurie.

Pour les amazones, la cérémonie durait bien un quart d'heure de plus.

--Jamais je ne monterai là-dessus! s'écriait la demoiselle au moment où on lui présentait son cheval.

Il fallait apporter une chaise, imposer à l'animal une immobilité absolue, hisser la promeneuse sur la selle et la mettre d'aplomb en ramenant le plus possible sa jupe trop courte sur ses pieds trop longs.

Les ânes étaient réservés aux enfants et partaient accompagnés de petits gamins armés de fouets qui les dirigeaient.

Depuis longtemps déjà la porte Maillot a vécu, et on n'en retrouve guère les usages qu'à Montmorency ou à Sceaux. Les cavaliers du dimanche vont maintenant louer dans les manèges. C'est un peu plus cher, mais les chevaux ne sont pas meilleurs. On les rencontre souvent deux à deux, mais il est à remarquer que dans une promenade il ne leur arrive jamais de se trouver côte à côte. Il y en a toujours un qui va plus vite que l'autre, un qui trotte pendant que l'autre galope; quand le premier se met au pas, le second n'arrive à ce résultat que cinquante mètres plus loin. Contrairement aux autres cavaliers, qui considèrent que la promenade à cheval est surtout agréable aux allures douces: au pas, au petit trot, au petit galop, le cavalier du dimanche trouve que le plaisir pour lui n'est qu'en raison de la vitesse, et ne tarde pas à mettre son cheval en écume, tandis qu'il sue lui-même à grosses gouttes. A la suite de sa partie de plaisir, il descend de cheval courbaturé, moulu, brisé et dans une situation qui rappelle l'enseigne du bœuf à la mode. Cela n'empêche qu'on ne peut parler devant lui du système Baucher sans qu'il se mêle à la conversation et sans qu'il dise:

--Moi, je ne suis pas du tout partisan de cette méthode-là!


Correspondance d'Espagne

Saint-Sébastien, 21 septembre 1873.

Je vous envoie une brassée de croquis relatifs aux faits et gestes des carlistes par ici, et notamment à l'affaire de Tolosa, dont on a tant parlé. Le général Santa-Pau et la colonne de Loma, opérant de concert, ont bien véritablement battu Lizarraga dans cette région du Guipuzcoa.

Voici comment les choses se sont passées.

Les carlistes menaçaient Tolosa. Alors le général Santa-Pau, qui était à Alsasua, se dirigea sur cette ville par une marche rapide. A son approche, les carlistes, qui comptaient une douzaine de mille hommes et avaient du canon, se concentrèrent et prirent position vers Asteasu et Aspeitia. Le général Santa-Pau dressa son plan en conséquence. Il envoya l'ordre à Loma, dont la colonne occupait Villabona, de marcher directement sur Asteasu et de refouler les carlistes sur la côte, tandis qu'avec le gros de l'armée, il sortirait lui-même de Tolosa par la route qui mène à Aspeitia.

Le 12, au point du jour, Loma se mit en marche et atteignit bientôt Asteasu, où un violent combat ne tarda pas à s'engager. Il était alors neuf heures du matin au plus. Les carlistes se défendirent très-énergiquement, et à plusieurs reprises firent tête aux colonnes assaillantes. Enfin, abordés à la baïonnette par les miquelets, ils furent obligés de céder, et perdirent Asteasu. Suivant leur habitude, ils se dispersèrent en groupes de tous côtés, sans doute pour aller se reformer plus loin, sur un point convenu d'avance en cas d'échec. Malheureusement pour eux, un certain nombre de ces groupes allèrent donner contre les colonnes de Santa-Pau, qui leur firent essuyer de nouveau des pertes importantes.

Telle a été cette affaire de Tolosa, sur laquelle il a couru tant de versions, mais qui s'est passée comme je viens de vous le dire.

Au moment où je vous écris, Loma est à Tolosa, qui a été bien fortifiée, et est à l'abri d'un coup de main. C'est une jolie petite ville de 7,000 à 8,000 habitants, parfaitement située, au confluent de deux rivières, dans une vallée formée par les monts d'Izazcun et de Montescue. Quant à Santa-Pau, il est parti, se dirigeant, croit-on, sur Vitoria, en Alava, ce qui est assez vraisemblable, car les carlistes semblent vouloir maintenant passer en Biscaye et prendre Bilbao pour objectif. Mais la présence de Santa-Pau à Vitoria rendrait d'avance presque impossible un blocus un peu sérieux de la place. Néanmoins, comme Bilbao peut d'un jour à l'autre devenir le théâtre d'événements intéressants, je vous en envoie une vue très-exacte.

C'est une ville d'un bel aspect, avec ses toits avancés, formant auvent. Elle est située sur la rive droite du Nervion et comme enchâssée dans un pli de cette rivière. Trois anciens forts, à peu près remis en état et placés sur des élévations, la protègent suffisamment du côté opposé au Nervion. Ce sont les forts de Solochecho, del Circo et de Mallona. On ne trouve à Bilbao aucun édifice qui mérite d'être signalé, sauf peut-être la basilique de Santiago, très-ancienne église gothique. En revanche, les deux promenades del Arenal et du Campo-Volantin, placées l'une à côté de l'autre, sur les bords de la rivière, à l'entrée nord de la ville, sont parfaitement belles.

Le vieux Bilbao, le couvent de la Merced, la gare du chemin de fer et le faubourg de Ripa occupent la rive gauche du Nervion.


ESPAGNE.--Le bombardement d'Almeria.


Les carlistes prenant position devant Tolosa.


Vue générale de Bilbao.


TOLOSA: Entrée par la porte d'Irun.

Rappelons pour mémoire que le port de Bilbao, situé à 8 kilomètres de la capitale de la province, forme une petite ville à part, la ville de Portugalete, et est un des plus importants du nord de l'Espagne.

C'est donc du côté de Bilbao que les carlistes vont diriger leurs efforts; mais croyez ce que je vous dis, et c'est ici l'opinion de tous les gens qui voient clair, il n'y a au bout de tout cela rien de bien redoutable. Les carlistes n'ont été jusqu'ici forts que de la faiblesse du gouvernement et de l'indiscipline de ses troupes, et il y a cent pour cent à rabattre des triomphes que leurs journaux leur attribuent dans un but facile à comprendre. En réalité ils en sont toujours, au même point et n'ont pu s'emparer d'aucune ville importante. Leur contingent s'est accru, c'est vrai, mais par les réquisitions et la violence, et quand M. Castelar a parlé à la tribune de leur organisation et de leur armement redoutable, il avait sans doute des raisons que je ne puis connaître pour faire un puissant navire d'un simple bâton flottant sur l'onde.

En Catalogne, les milices ont éprouvé, près de Reuss, un échec assez sensible. Cercos et le curé de Flix, que les lauriers de l'ex-cabecilla, curé Santa-Cruz empêchent sans doute de dormir, leur avaient tendu une embuscade, dans laquelle elles sont tombées.

Tristany se tient avec deux mille hommes entre Belsarens et Berga, et Saballs est avec des forces à peu près pareilles à Sampedor. La province de Valence a été aussi envahie par quelques bandes, dont quelques-unes se sont même avancées jusqu'à quatre kilomètres de la capitale. Valence se prépare à les recevoir vigoureusement. Je vous ai déjà envoyé quelques croquis de cette ville, lors de l'insurrection cantoniste. Je vous adresse aujourd'hui la vue d'un de ses coins les plus curieux: la place du marché. C'est un long espace irrégulier, situé à peu près au centre de la ville. La quantité d'objets divers qui se vend là, sans compter les comestibles, est vraiment incroyable. Aussi vous vous doutez de l'animation qui y règne! La célèbre Casa longa et l'Église des Santos-Juanes donnent sur cette place qui, vous le savez, rappelle la plupart des vieux souvenirs de Valence. C'est là qu'autrefois les chevaliers rompaient des lances et que le bourreau coupait des têtes. Là avaient lieu également les courses de taureaux. Inutile d'ajouter que les derniers événements ont enlevé à la place du marché quelque peu de son animation habituelle. Mais, ce n'est qu'un temps d'arrêt. Un rayon de soleil à l'horizon politique, et vous verrez!

X.



LES 18 RÉGIONS MILITAIRES

Conformément à la loi sur l'organisation de l'armée, le territoire de la France doit être divisé en dix-huit régions militaires, dont chacune est occupée par un corps d'armée qui y tient garnison. L'Algérie forme une dix-neuvième région à laquelle est affecté un corps d'armée spécial.

Chacun des corps d'armée des dix-huit régions comprend deux divisions d'infanterie, une brigade de cavalerie, une brigade d'artillerie, un bataillon du génie, un escadron du train des équipages, ainsi que les états-majors et les divers services nécessaires (Art. 6 de la loi). La composition détaillée de ces corps d'armée sera réglée ultérieurement par une loi spéciale. En attendant, l'Assemblée nationale a invité le pouvoir exécutif à préparer le règlement d'administration publique portant délimitation des régions.

En exécution des ordres de l'Assemblée, M. le maréchal de Mac-Mahon a chargé le conseil supérieur de la guerre, devenu aujourd'hui Conseil de défense, de préparer un projet de division du territoire, projet soumis en ce moment à la sanction du conseil d'État. Après une discussion approfondie qui fait honneur au conseil de défense et à laquelle ont surtout pris part les généraux Douay, Ducrot, d'Aumale, A. de Rivières, on a délégué à une sous-commission le soin d'arrêter les bases d'un travail définitif. C'est ce travail que nous faisons connaître aujourd'hui, en faisant observer qu'il est encore susceptible d'être amendé par le conseil d'État, et que les résidences désignées pour les commandants de corps sont provisoires et pourraient bien être changées en partie. Ainsi, pour le troisième et le quatrième corps, les membres du conseil, tous appelés à commander en chef, ont demandé comme quartiers généraux les charmantes résidences de Compiègne et de Fontainebleau, quand la seule inspection de la carte indique qu'ils seraient mieux placés, au point de vue du service, à Amiens et à Orléans, vers chacun desquels convergent cinq lignes de chemin de fer. Ce qui prouve qu'il est difficile, même aux hommes animés des meilleures intentions, de se dégager entièrement de toute préoccupation d'intérêt personnel.

La sous-commission chargée de diviser le territoire en dix-huit parts, aussi égales que possible, a dû nécessairement tenir compte des considérations suivantes:

1º Répartir les contingents de la Seine, de Seine-et-Oise et du Rhône entre plusieurs corps d'armée. Cette nécessité n'a pas, pensons-nous, besoin d'être démontrée; les populations de ces départements émettant en toute occasion des votes qui donnent une idée précise des sentiments qui animent la majorité de la population.

2° Veiller à ce que chaque région pût fournir le même nombre de jeunes gens; ce n'est qu'avec le temps que l'on pourra régler exactement la répartition des recrues et des réservistes, dont les premières sont fournies par toute la France et les seconds par la région seulement.

3º S'assurer que toutes les régions, sans exception, auraient à leur disposition une ou plusieurs lignes de chemin de fer pour opérer leurs concentrations et se procurer facilement les approvisionnements nécessaires.

La sous-commission nous paraît avoir fort bien compris la tâche qui lui incombait et les personnes qui, sur des informations vagues, affirmaient qu'elle avait adopté le système longitudinal, c'est-à-dire en long sur une ligne de chemin de fer, calomniaient involontairement les auteurs du projet. L'examen de la carte indique que la plupart des régions affectent une forme ramassée; elles ne se développent en longueur que sur les côtes où il était du reste utile de ne pas multiplier les commandements en cas de guerre.

La zone parisienne comprend quatre corps d'armée ayant leurs quartiers généraux à Rouen, Compiègne, Fontainebleau et le Mans; chacun d'eux fournira une division d'infanterie à Paris. Ces quatre divisions réunies à la garde municipale, à la gendarmerie, à plusieurs brigades de cavalerie, aux brigades d'artillerie de Vincennes et de Versailles, seront sous les ordres d'un gouverneur de Paris, en ce qui concerne la sûreté de la capitale, la police du département de la Seine. Pour l'instruction et l'administration, ces troupes resteront soumises à l'action de leurs chefs directs.

Lyon aura également un gouverneur et cinq corps d'armée pouvant au besoin y détacher des troupes: ceux de Bourges, de Besançon, de Clermont, de Grenoble et de Marseille. Mais on a pensé avec raison que les 7e et 8e corps auraient besoin de tout leur monde; il y avait du reste intérêt à pousser les troupes de Besançon et de Bourges vers le nord, à proximité des Vosges, de la Moselle, du plateau de Langres et de Belfort. C'est sous cette impression que le comité de défense, après quelques tâtonnements, a décidé que le corps de Marseille, le 15e, serait poussé en pointe sur Lyon par l'Ardèche.

Une disposition particulièrement heureuse est celle qui groupe six corps d'armée sur la frontière du nord-est. Le 6e corps occupe seul cette frontière, mais il a pour voisins les 1er, 3e, 4e, 8e, et 9e corps, dont les troupes peuvent déboucher dans le 6e par des voies ferrées de premier ordre et de nombreuses routes. Le département de la Haute-Marne avait été compris d'abord dans le 6e corps, mais le général de Rivières ayant fait observer que la défense du plateau de Langres était liée à celle de la zone traversée par le chemin de fer de Paris à Mulhouse par Belfort, la Haute-Marne a été rattachée à Besançon et remplacée dans le 6e corps par l'Aube.

Dans l'un des projets soumis à la sous-commission, la frontière des Pyrénées formait un seul commandement. On a fait observer avec justesse que les parties orientale et occidentale de cette frontière n'avaient aucune solidarité, que de plus il était impossible de jamais établir une ligne de fer allant de Perpignan à Bayonne, tandis que du sud au nord il existe plusieurs débouchés partant de Saint-Jean-de-Luz, d'Argelès, de Lourdes, de Saint-Girons, de Foix, de Prades et d'Argelès (des Pyrénées-Orientales). On a donc divisé la zone frontière en trois parties: celle de l'ouest se rattachant à la grande ligne de Bordeaux, avec embranchement à Morceux; du centre qui se relie à la France par Toulouse et les lignes partant de l'ancienne capitale du Languedoc; celle de l'est qui débouche par le chemin de Perpignan à Cette, Montpellier, Nîmes.

Les principes une fois posés, et en tenant compte des considérations qui précèdent, le groupement des départements de chaque région devenait une chose si simple qu'en donnant le même travail à vingt personnes différentes au courant de la géographie de la France et du tracé des grandes lignes ferrées, les résultats eussent été pareils à trois ou quatre départements près.

Les renseignements accessoires que nous donnons ci-après sont tirés de l'excellente brochure sur l'organisation militaire de la France, du commandant Corbin, ancien aide de camp du maréchal Niel, actuellement secrétaire de la commission parlementaire de l'armée, par suite en situation de se procurer des documents exacts.

Le 1er corps aura son quartier général à Lille et se compose des départements du Nord et du Pas-de-Calais; son contingent annuel est de 9,651 hommes; il a des ressources de casernement pour 39,522 hommes et 5,392 chevaux.

2e corps.--Rouen.--Seine-Inférieure, Calvados, Eure: contingent 4,916, casernement 9,411 hommes et 2,100 chevaux; plus environ un tiers de Paris et de Seine-et-Oise.

3e corps.--Compiègne ou Amiens.--Somme, Oise, Aisne: contingent 7,503, plus un cinquième de Paris; casernement 11,226 hommes, 3,292 chevaux.

4e corps.--Fontainebleau.--Seine-et-Marne, Loiret, Loir-et-Cher, Yonne: contingent 7,014, plus environ un quart de Paris; casernement 11,983 hommes, 4,279 chevaux.

5e corps--Le Mans.--Sarthe, Mayenne, Orne, Eure-et-Loir: contingent 7,203, plus environ un cinquième de Paris; casernement 4,659 hommes, 1,378 chevaux.

6e corps.--Châlons-sur-Marne.--Aube, Marne, Ardennes, Meuse, Meurthe-et-Moselle, Vosges: contingent 8,431; casernement 34,177 hommes, 8,998 chevaux.

7e corps.--Besançon.--Haute-Marne, Haute-Saône, Doubs et Belfort, Jura, Ain: contingent 8,744; casernement 22,797 hommes et 2,865 chevaux.

8e corps.--Bourges.--Côte-d'Or, Saône-et Loire, Nièvre, Cher: contingent 7,292, plus une fraction du Rhône; casernement 8,045 hommes et 1,772 chevaux.

9e corps.--Tours.--Indre-et-Loire, Indre, Vienne, Deux-Sèvres, Maine-et-Loire; contingent 8,756; casernement 11,239 hommes et 4,493 chevaux.

10e corps.--Rennes.--Manche, Ille-et-Vilaine, Côtes-du-Nord: contingent 8,910; casernement 10,633 hommes et 2,318 chevaux.

11e corps.--Nantes--Vendée, Loire-Inférieure, Morbihan, Finistère: contingent 10,510; casernement 10,954 hommes et 1,498 chevaux.

12e corps.--Limoges.--Creuse, Corrèze, Dordogne, Charente, Haute-Vienne: contingent 7,992; casernement 6,627 hommes et 975 chevaux.

13e corps.--Clermont.--Allier, Loire, Haute-Loire, Cantal: contingent 7,583, plus une fraction du Rhône; casernement 6,808 hommes et 972 chevaux.

14e corps.--Grenoble.--Haute-Savoie, Savoie, Hautes-Alpes, Drôme, Isère: contingent 7,805, plus une fraction du Rhône; casernement 20,273 hommes et 2,707 chevaux.

15e corps.--Marseille.--Basses-Alpes, Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Gard, Ardèche, Vaucluse, Corse: contingent 10,995; casernement 35,309 hommes et 2,911 chevaux.

16e corps.--Montpellier.--Lozère, Aveyron, Tarn, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales: contingent 8,216; casernement 19,878 hommes et 997 chevaux.

17e corps.--Toulouse.--Lot, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, Gers, Haute-Garonne, Ariége: contingent 7,487; casernement 13,755 hommes et 3,096 chevaux.

18e corps.--Bordeaux.--Charente-Inférieure, Gironde, Landes, Hautes-Pyrénées, Basses-Pyrénées: continrent 8,415; casernement 14,779 hommes et 2,162 cnevaux.

Avec les renseignements qui précèdent chacun peut se faire une idée des dépenses à faire dans chaque région pour le logement des hommes et des chevaux, en observant qu'avec l'Alsace et la Lorraine nous avons perdu un casernement énorme et que nous avons la prétention d'entretenir sous les drapeaux 50 mille hommes de plus qu'en 1870. Algérie déduite, nous ne pensons pas que nous puissions entretenir en hiver plus de 250 mille hommes et 80 mille chevaux. Or, les casernements de Paris et de Lyon donnent pour la première de ces villes 48 mille hommes et 6,178 chevaux; pour la seconde 29,190 hommes et 3,033 chevaux. Il restera donc à loger un peu plus de 170 mille hommes et 70 mille chevaux. La question est tellement complexe qu'elle ne saurait être résolue avant de longues années, car les locaux actuellement disponibles sont d'une insuffisance notoire, puisqu'il faut pour chaque corps qui ne détache aucune troupe à Paris, Lyon ou Alger, du casernement pour 15 mille hommes et 4 mille chevaux. Nous renvoyons ceux qui trouveront ces chiffres un peu faibles à l'examen du prochain budget; en l'examinant de près, ils verront que nos effectifs s'élèvent au chiffre de plus de 400 mille hommes en été seulement.

La 19e région formée par l'Algérie se composera de trois divisions: Alger, Oran et Constantine. La garnison permanente de la colonie comprendra trois régiments de zouaves, trois de tirailleurs algériens, un régiment étranger, trois de spahis, trois de chasseurs d'Afrique; le surplus sera fourni par les troupes de l'intérieur.

Le chiffre du contingent annuel afférent à chaque région devrait être exactement de 100 mille, contingent total, divisé par 18 ou de 8,888 hommes; mais outre que cette exactitude était impossible à obtenir dans la répartition par départements, il fallait tenir compte des corps spéciaux et des réserves de cavalerie qui ne pourront rappeler leurs réserves régionalement. La loi autorise du reste à verser les réservistes en excédant dans les régions voisines de celle qui présente un trop-plein; en outre, les contingents de Paris et de Lyon permettent d'équilibrer les huit corps d'armée qui confinent à ces grandes villes.

Nous espérons avoir donné des notions suffisantes pour apprécier la division territoriale proposée par le conseil de défense. Il nous eût été difficile de nous étendre davantage sur ce sujet, du moment où la loi réglant la composition du corps d'armée n'est pas encore votée.

A. Wachter.


CARTE DE LA NOUVELLE DIVISION DE LA FRANCE
EN DIX-HUIT RÉGIONS MILITAIRES


(Agrandissement)

COMMANDANTS DES RÉGIONS MILITAIRES

Nº de     Quartier           Généraux            Brigades
Région    généraux.                              d'artillerie.

  1.      Lille.             Clinchon            Douai.
  2.      Rouen.             Lebrun              Versailles.
  3.      Compiègne          Montaudon           Vincennes.
  4.      Fontainebleau      Bataille            Orléans.
  5.      Le Mans            Deligny             Le Mans
  6.      Châlons-sur-Marne  Douay               Châlons-sur-Marne.
  7.      Besançon           duc d'Aumale        Besançon.
  8.      Bourges            Ducrot              Bourges.
  9.      Tours              de Cissey           Tours ou Poitiers.
 10.      Rennes             Forgeot             Rennes.
 11.      Nantes             La Meniand          Vannes ou Sabl.-d'Ot.
 12.      Limoges            De Lartigue         Angoulème.
 13.      Clermont           Picard              Clermont.
 14.      Grenoble           Bourbaki            Grenoble.
 15.      Marseille          Espivent            Nîmes.
 16.      Montpellier        Aymard              Castres.
 17.      Toulouse           De Salignac-Fénelon Toulouse.
 18.      Bordeaux           D'Aurelle           Tarbes.



TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--Le cavalier du dimanche.



REVUE COMIQUE DU MOIS, PAR BERTALL


EXPOSITION DE BERLIN

Les brosse, d'honneur.--Distribution des récompenses à ceux qui ont été exposés en 1870 et 1811.

--Chers amis, excellents Bavarois, Badois trés-précieux, délicieux Saxons, adorables Mecklembourgeois, etc., etc., vous avez été à la peine, il est juste que vous soyez au plaisir.

--Prenez donc plaisir à voir combien notre table est richement servie.

--Nous vous offrons à vous ces brosses d'honneur, brosses sanitaires et hygiéniques.

--Lorsque vous vous brosserez le ventre, à l'aide de ces brosses généreuses, vous vous direz avec fierté: Nous aussi, nous avons travaillé pour le roi de Prusse!

RETOUR DES BAINS DE MER

--Je me marie, mon ami, je t'invite à l'enterrement de ma vie de garçon, ce soir, à 8 heures.
--Un enterrement civil alors.

EXPOSITION DE VIENNE

     --Tout ça, c'est délicieux, on en mangerait!

RETOUR A PARIS

--Qu'est-ce que madame désire?

--Un pigeon.

--Un pigeon, caisse, boum! On va voir; nous n'avons plus que des pigeons voyageurs, les autres sont on main.

THÉÂTRE TIRELYRIQUE D'OFFENBACH
Le Garçon

--Capdébious! monsieur Orphée, vous voyez que j'emplis la tirelire; restez dans l'antichambre. Quand vous seriez le petit caporal, vous ne passerez pas.

VARIÉTÉS.

--Toto chez Tata

Par Meilhac et Halévy

--Impossible de franchir plus lestement et plus gaiement une situation embarrassante.--Vous n'en feriez pas autant.

LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE

LA SECONDE LIBÉRATION

(Fin)

LE TRAITÉ DE PAIX.

Un armistice conclu avec les Prussiens permet enfin de ravitailler Paris. Le premier soin de l'ennemi est de frapper une contribution de guerre: il reste fidèle aux souvenirs de 1815.

Des élections générales étaient nécessaires pour nommer une Assemblée chargée de faire la paix avec l'Allemagne; le 19 février, la Chambre réunie à Bordeaux nomme une commission de quinze membres chargés de traiter de la paix. Le 21 février a lieu la première entrevue, et le 26 les préliminaires sont signés; ils sont officiellement ratifiés par la Chambre le 1er mars.

Les conditions sont plus rigoureuses qu'on ne pouvait le croire.

En 1815, la Prusse avait réclamé l'Alsace et la Lorraine, rêvé un démembrement complet de la France; l'influence de l'Angleterre et de la Russie avait seule pu retenir ces convoitises ardentes; mais cette fois nous sommes seuls: l'Europe assiste impassible à ces négociations, que son intervention aurait pu sans doute rendre plus faciles.

CONDITIONS FINANCIÈRES.

La France payera une indemnité de guerre de cinq milliards.

Un milliard au moins sera versé dans le cours de l'année 1871. Un délai total de cinq ans est donné à la France pour s'acquitter. Les cinq milliards porteront intérêt. Chaque versement devra être opéré en numéraire ou en traites sur l'Allemagne.

On conçoit l'empressement de la Prusse à exiger de l'argent des vaincus: ses finances étaient épuisées et ce n'est qu'à grand'peine qu'elle était parvenue à trouver les sommes qui lui étaient nécessaires pour continuer la guerre.

La contribution de guerre devait servir à indemniser les divers États allemands des dettes qu'ils avaient contractées, à récompenser les officiers et les soldats, à subvenir aux besoins du trésor prussien, enfin à perfectionner l'armement, et à améliorer les forteresses de l'Empire.

Au lendemain même de sa victoire, la Prusse prenait ses précautions contre une nouvelle guerre, jugeant bien que la France ne chercherait qu'à se relever de son abaissement et à se venger de sa défaite.

CONDITIONS MILITAIRES.

Quelque excessives que soient les exigences de l'Allemagne au sujet de l'indemnité de guerre, ce ne sont malheureusement pas les plus rigoureuses.

L'Alsace, moins Belfort, et une partie de la Lorraine sont cédées à l'Allemagne, «qui possédera ces territoires à perpétuité en haute souveraineté et propriété».

Ce n'est qu'après de longues négociations que Belfort nous reste: concession importante, car la ville si énergiquement défendue ferme sur un point notre frontière.

Mais partout ailleurs elle est ouverte. Metz, Strasbourg, Bitche, toutes nos forteresses, toutes nos places doivent être livrées aux Allemands.

Depuis vingt ans, en même temps quelle se préparait à la lutte, la Prusse établissait à l'avance quel serait le prix de la victoire. Elle recherchait l'importance du moindre village, et dans ce démembrement depuis si longtemps convoité, elle s'étudiait à ne nous laisser aucun avantage.

Cette carte que l'empereur Alexandre montrait au duc de Richelieu, en lui affirmant qu'il ne consentirait jamais à un semblable démembrement, les Prussiens l'ont précieusement conservée. Ils n'ont pas attendu que la guerre fut terminée pour formuler leurs exigences. Le traité de paix contient, en effet, cette phrase: «La frontière, telle qu'elle vient d'être décrite, se trouve marquée en vert sur deux exemplaires conformes de la carte, du territoire formant le gouvernement général de l'Alsace, publiée à Berlin en septembre 1870.»

Sur tous les points, il fallut accepter ces dures conditions.

Au moment de la ratification du traité, les troupes allemandes occupaient une grande partie de la France. Elles s'étendaient jusqu'aux départements du Calvados, de l'Orne, de la Sarthe, d'Eure-et-Loir, du Loiret, de Loir-et-Cher, de la Seine-Inférieure, de l'Eure, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, de la Seine, de l'Aube, de la Côte-d'Or.

Tous ces départements devaient être évacués dans un bref délai; les forts situés sur la rive gauche de la Seine devaient être immédiatement livrés aux troupes françaises.

Le traité continuait ainsi:

L'occupation durera autant que le payement de l'indemnité de guerre; au fur et à mesure des versements, l'évacuation des départements situés entre la rive droite de la Seine et les frontières de l'est s'opérera. Après le premier demi-milliard, les départements les plus voisins de Paris seront libérés.

Après le payement de deux milliards, l'occupation allemande ne comprendra plus que les départements de la Marne, des Ardennes, de la Haute-Marne, de la Meuse, des Vosges, de la Meurthe, ainsi que de la ville de Belfort avec son territoire. Cette occupation servira de garantie pour les trois milliards restant dus.

Le nombre, des troupes allemandes ne pourra dépasser 50,000 hommes après le payement des deux premiers milliards.

L'entretien de l'armée d'occupation sera exclusivement à la charge de la France.

Enfin, dans un dernier article, le gouvernement allemand se déclarait disposé à substituer à la garantie territoriale, consistant en l'occupation partielle du territoire français, une garantie financière, dans le cas où elle serait reconnue suffisante par l'Allemagne.

Les prisonniers de guerre devaient être rendus immédiatement après la ratification des préliminaires du traité de paix.

Telles sont les principales conditions de ce traité, le plus désastreux que la France ait jamais été obligée de ratifier.

L'OCCUPATION.

En 1815, un auteur allemand écrivait, en présence des vexations de toute sorte imposées à la France, qu'il fallait «organiser l'exploitation». Cette parole n'a pas été perdue: l'exploitation a été bien organisée en 1870.

Ce qui frappe le plus profondément dans l'occupation du territoire français par les Allemands, c'est le mépris souverain, absolu, de toutes les lois divines et humaines. Plus qu'aucune nation en Europe, l'Allemagne se tient au courant des progrès du droit international; ses écrivains ont dans cette science une réputation légitime; c'est donc en parfaite connaissance de cause que les chefs allemands ont toléré, encouragé toutes les exactions. Ils n'ont vu qu'une chose: le but à atteindre, et pour cela tous les moyens leur ont semblé bons.

Ici l'un d'eux, dans une proclamation adressée aux populations, fait savoir que les Allemands admettent le principe de la responsabilité dans son acception la plus inattendue. Les Français entrent-ils dans un village? un fil télégraphique est-il détruit par les francs-tireurs? un uhlan est-il attiré dans une embuscade? ce sont les habitants qui doivent payer pour les coupables.

Les maisons sont saccagées, les biens confisques; le plus souvent quelques notables sont fusillés.

A propos des espions, Frédéric II avait écrit: «Il est quelquefois utile de prendre quelque gros bourgeois comme otage.» Les Allemands profitent de la leçon. Ils placent des hommes, des femmes sur les locomotives exposées aux coups de l'ennemi.

Sur le champ de bataille ils massacrent les blessés, comme à Bazeilles. Après le triomphe, ils incendient les villes, comme à Châteaudun, à Peltre, à Saint-Cloud. Enfin, fait plus grave, auquel on se refuserait à croire s'il n'avait été publié une preuve indiscutable, le résumé d'une enquête présenté par l'Académie de médecine de Paris, les médecins prussiens refusent de soigner nos blessés, les maltraitent, quelquefois les volent.

A tous ces faits, il n'y a pas d'excuse. Quelque terrible que soit la guerre, il y a là des limites qu'elle ne doit pas franchir, des prescriptions internationales qu'elle est tenue de respecter: les Allemands n'en ont jamais tenu compte.

Du moins, c'était la guerre, guerre inexorable, guerre de sauvages. Mais les hostilités terminées, la vengeance sera satisfaite, les procédés vont s'adoucir?

Nullement.

La victoire est acquise maintenant; la France doit payer cinq milliards, le trésor allemand va être rempli; mais à côté de l'État il y a l'individu.

N est-il pas souverainement injuste, contraire au bon sens et à l'équité, que le vaincu demeure plus riche que son vainqueur?

Voilà ce que se disent tous les Allemands, du général au soldat: l'invasion a amené en France tout ce qui de l'autre côté du Rhin meurt de faim. A côté du soldat, il y a le landwehrien, le juif, le convoyeur, l'ambulancier, et tout cela pille avec d'autant plus d'acharnement qu'il n'y a aucune résistance à craindre.

Ce n'est là d'ailleurs que le vol individuel, celui qui se contente d'une pendule ou d'un bijou; mais à côté il y a un procédé plus terrible, plus officiel, à l'usage des généraux et des chefs.

Passe pour le soldat de piller, l'officier réquisitionne.

Cela est plus digne et rapporte davantage.

Quoi de plus simple. Prenons un seul exemple, celui de Beaumont.

Aux environs de la ville se trouve un colonel prussien qui se désespère sans doute, lui et ses officiers, de rentrer en Allemagne les mains vides. On ne retrouve pas tous les jours de semblables occasions: la France presque tout entière à rançonner, à dépouiller, et l'impunité assurée!

Aussi, après avoir bien réfléchi, le colonel et ses acolytes s'arrêtèrent-ils à un plan bien simple: une nuit, deux ou trois poteaux du télégraphe sont renversés aux environs de la ville. Un soldat s'aperçoit par hasard de ce fait, et s'empresse d'en prévenir son chef.

La ville est aussitôt frappée d'une contribution de guerre de cent mille francs, payables dans les vingt-quatre heures.

Si l'argent est versé, on devine où il passe; s'il ne l'est pas, la combinaison est encore plus fructueuse. Le commandant ordonne un jour, ou un certain nombre d'heures de pillage.

Le mot est peut-être impropre: ce n'est plus une soldatesque avide qui se précipite dans les maisons, maltraite les habitants et vole au hasard.

Nous n'en sommes plus là; l'exploitation est mieux organisée, tout cela se passe officiellement. Les officiers sont présents, ils ont été commandés pour ce service, c'est par leurs ordres que tous les objets qui garnissent les maisons sont enlevés. Derrière eux se trouvent des juifs qui évaluent chaque objet et paient. Lorsque la somme fixée est ainsi obtenue, l'opération s'arrête aussitôt.

On comprend sans peine ce que vaut cette estimation, qui profite autant à l'acheteur qu'au vendeur. Pour atteindre les cent mille francs exigés, il faut vendre pour un million d'objets de toutes sortes.

Il n'est pas un de nos départements envahis, pas une des villes occupées qui n'ait été frappé de semblables contributions, sous les prétextes les plus futiles.

Nous parlions des juifs plus haut; ce type mérite qu'on s'y arrête. Il a été le fléau véritable de l'invasion.

Tant que dure la bataille, le juif reste en arriére.

Il craint les coups.

Mais l'ennemi a-t-il fui, le champ de bataille est-il libre, alors le juif allemand accourt. Là il est maître et roi. C'est à lui qu'appartiennent tous ces cadavres. Ce n'est pas impunément que le soldat le désigne sous le nom caractéristique de corbeau.

En toute tranquillité, il dépouille les morts, il va de groupe en groupe. A le voir ainsi penché, courant éperdu, avide, on dirait un parent qui cherche un frère, un ami. Il ne cherche que de l'or. Parfois, on entend un gémissement, un cri, c'est un blessé qui supplie, mais le corbeau a bien le temps vraiment de s'arrêter pour de semblables vétilles. N'a-t-il pas une mission à remplir? Car il ne faut pas oublier ce côté, le digne personnage est fonctionnaire de l'État, il fait partie de l'organisation allemande; il ne se contente pas de voler, c'est là le côté personnel, il est espion.

C'est le corbeau qui, après la bataille, portera au quartier général tous les papiers trouvés sur les officiers supérieurs.

On voit que ce n'est pas une sinécure; d'ailleurs, là ne se bornent pas les fatigues. Il faut aller au devant de l'armée, s'enquérir des ressources de chaque village, prendre des informations sur la situation et les forces de l'ennemi.

Quelquefois, lorsqu'il est pris, le juif est fusille, mais cela arrive bien rarement. D'abord à cause de cette inexplicable passion qu'il nourrit à l'égard de sa triste personne, il prend toutes ses précautions et ne se hasarde qu'à bon escient. Ensuite, si malgré toutes ses ruses il tombe dans un piège, il en est le plus souvent quitte pour opérer plus en grand. Il trahit les Allemands comme il espionne les Français, à l'avenir il tiendra les renseignements en partie double, et le métier n'en sera que plus lucratif.

Mais le triomphe, le rêve de cette étrange et repoussante personnalité, c'est l'armistice; on est alors assez en paix pour n'avoir à redouter ni corde ni balles, on est assez en guerre pour pouvoir exercer encore son honnête métier.

Aussi que de profits!

D'abord, il y a les réquisitions qui rapportent, quoique l'on soit obligé de céder la plus grosse part, mais on se rattrape avec le soldat, il est bête le soldat, il donne pour un florin ce qui en vaut cent.

Puis, pour des gens industrieux, il y a encore d'autres ressources.

Nous avons, dans l'ouest de la France, aux environs du Mans, pu constater par nous-même que les juifs que l'armée allemande traînait à sa suite, louaient à la journée des soldats prussiens et se faisaient accompagner par eux dans les villages. Frappant à une maison, les juifs exhibaient un parchemin crasseux revêtu de timbres plus ou moins authentiques. La traduction de ce papier, on la devine, un mot suffit à la rendre: réquisition. Comment le paysan aurait-il pu résister; les soldats étaient là comme une preuve menaçante. Ils livraient leurs bestiaux que l'on allait vendre.

Dans cette malheureuse ville de Beaumont, que nous citions déjà plus haut, un convoyeur trouva un moyen plus simple et plus expéditif de s'enrichir. Un jour, il alla réclamer à quelques habitants plusieurs milliers de francs; on le mit à la porte. L'Allemand docile attela sa voiture et partit. Arrivé sur la place il abattit un de ses chevaux d'un coup de pistolet, puis il se rendit auprès le commandant d'étapes pour déclarer que les habitants avaient tiré sur lui. La ville fut sévèrement imposée. A partir de ce jour, on ne refusa plus rien au convoyeur. Sa réputation était bien établie, à vingt lieues à la ronde, il était le maître.

Ce ne sont pas là des faits isolés; c'est l'histoire de nos malheureuses provinces envahies.

Jusqu'au jour de la signature de la paix, elles appartenaient au vainqueur qui les exploitait à merci. Sa volonté était la loi, la seule à laquelle il fallut obéir.

Lorsqu'au mois de mars 1871, la paix fut enfin définitivement signée, la situation s'améliora. Les autorités françaises réclamant chaque jour, protestant contre ces pillages, ces violences et ces vols, l'état-major allemand mit un terme aux exactions. D'abord, toute cette populace venue d'Allemagne comme à la curée, ne tint pas compte des ordres, mais quelques exécutions ayant eu lieu, elle comprit que l'heure du pillage était passée; elle disparut, emportant avec elle le fruit de son honnête travail.

A partir de ce moment, l'occupation changea de caractère. La discipline allemande, un moment oubliée, reprit ses droits; dans son implacable sévérité, elle confondit souvent l'habitant et le soldat, adoptant des mesures arbitraires, rigoureuses. Mais du moins on n'eut plus à craindre pour sa propriété ou pour sa vie.

Il faut le dire d'ailleurs, car il convient de rendre justice même à ses ennemis, le commandement prussien s'efforça souvent de rendre moins lourd le poids de l'occupation. En 1815, la France avait dû à Wellington quelque peu de répit, le général de Manteuffel remplit en 1871 un rôle analogue.



REVUE FINANCIÈRE

LE CRÉDIT FONCIER SUISSE.

Les Prussiens sont payés et partis. Notre crédit est intact. La Banque de France a, dans ses caves, 700 millions de numéraire. Nos exportations dépasseront, cette année, de plus de 300 millions les exportations de l'année dernière. La rente 5 p. 100 reste fermement au-dessus de 92 fr. N'est-ce pas là une situation rassurante?

Nous pouvons donc nous attendre à une énergique reprise des affaires, et nous trouvons un signe incontestable de la vitalité financière qui reste acquise à notre marché dans les émissions qui mettent déjà en ébullition le monde de la finance et des affaires.

Au milieu des opérations qui occupent l'attention des capitalistes nous devons signaler la transformation qui vient de s'accomplir dans la Société du Crédit foncier suisse, et que nous croyons appelée à faire fructifier l'important actif que possède encore la compagnie.

Une assemblée générale des actionnaires, tenue le 4 septembre à Genève, vient d'approuver la réduction du capital social au chiffre de l'actif réel de la compagnie, et si, à première vue, cette mesure semble douloureuse au point de vue des pertes qu'elle est obligée de reconnaître, on ne peut, en fin de compte, que l'approuver hautement au point de vue de l'intérêt bien entendu des obligataires et des actionnaires. On émonde le bois mort pour donner plus de sève aux rameaux restés vivants. Il faut aussi, dans le monde des affaires, avoir le courage de diminuer le champ de ses opérations, quand les pertes que l'on a subies rendent cette réduction indispensable.

Les Anglais, avec leur esprit pratique, n'hésitent jamais à prendre ces résolutions viriles et à constituer un nouveau capital, quand ils voient la possibilité de tirer profit de leur affaire.

Or, l'actif du Crédit foncier suisse est encore de 19,700,000 francs, chiffres ronds, et ce sont ces dix-neuf millions de propriétés, d'immeubles, d'entreprises industrielles qu'il s'agit aujourd'hui de mettre en valeur, avec un nouveau fonds de roulement.

Le capital à réaliser est d'ailleurs peu considérable. Avec 3,375,000 francs, la société pourra mettre en exploitation régulière tout son avoir, et nous croyons fermement à la réalisation de ce capital, parce que les intéressés, actionnaires et obligataires, seront les premiers à souscrire les 45,000 bons de 100 francs qu'émet aujourd'hui la compagnie. Les intéressés n'ont-ils pas, en effet, trois raisons décisives qui doivent les porter à souscrire ces bons: La garantie sérieuse qui est affectée à ces titres particuliers, l'intérêt rémunérateur qu'ils rapportent et la nécessité de réaliser la somme indispensable au salut de leur entreprise.

Léon Creil.




EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.--Appareil pour la fabrication des eaux gazeuses, exposé par M. Mondollot fils.

EAUX GAZEUSES

M. MONDOLLOT FILS

Parmi les appareils industriels qui figurent à l'exposition française de Vienne, nous avons particulièrement remarqué les appareils de M. Mondollot, successeur de la maison Briel, pour eaux gazeuses, de toutes grandeurs: appareils de ménage et appareils industriels, des vases, siphons et, en général, tout le matériel employé dans l'industrie des eaux gazeuses.

Les appareils de ménage sont les appareils si connus sous le nom de gazogènes Briel et dont la supériorité a été consacrée par les titres les plus sérieux: médaille à la Société d'encouragement, mentions et médailles aux diverses expositions nationales et universelles de Paris, de Londres, etc. Seuls approuvés par l'Académie de médecine, seuls admis dans les hôpitaux et hospices de Paris, ces appareils sont aussi les plus estimés du public; ils se vendent annuellement par milliers en France et à l'étranger. Le succès constant de ces appareils est dû à la supériorité incontestable du système et aux perfectionnements successifs apportés par le constructeur dans tous les détails de la fabrication (Voy. fig. 1, le dessin du gazogène Briel).

Les appareils industriels qu'expose M. Mondollot, sous le nom de gazogènes continus, sont d'un système spécial récemment breveté, le caractère distinctif de ce système consiste en ce que le jeu de la pompe opère la distribution automatique de l'acide sulfurique et la production continue du gaz. Par suite, plus de dangers ni de difficultés dans la manœuvre du robinet à acide, meilleure épuration du gaz dans des vases laveurs de moindre dimension, suppression du gazomètre si encombrant des autres systèmes.

Ainsi simplifiés, les appareils sont d'une conduite facile et sure; toutes les pièces dont ils se composent étant groupées sur un bâti unique, ils tiennent peu de place, s'expédient tout montés, prêts à fonctionner sans nécessiter aucun frais d'installation (Voy. fig. 2, le dessin d'un appareil gazogène continu complet, avec triage double). En un mot, ils réunissent les avantages des appareils intermittents; économie d'achat, de place, de transport et d'installation aux avantages des autres appareils continus, économie de temps et de matières, sécurité et régularité du travail.

Tous ces avantages réunis doivent décider les personnes qui désirent monter une fabrique d'eaux gazeuses, petite ou grande, à visiter les ateliers du constructeur, rue du Château-d'Eau, n° 72, à Paris, ou ils verront installés et fonctionnant une série d'appareils de ce système, pouvant produire ensemble plus de dix mille siphons par jour.

Le jury de l'exposition de Vienne a reconnu la supériorité des appareils de M. Mondollot, et vient de lui décerner, pour l'ensemble de ses produits, une médaille de mérite et un diplôme de mérite.



Rébus


EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:

Que de femmes portant triomphalement les culottes à la maison!








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