Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3278, 23 Décembre 1905, by Various

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Title: L'Illustration, No. 3278, 23 Décembre 1905

Author: Various

Release Date: July 19, 2011 [EBook #36786]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3278, 23 ***




Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque







L'Illustration, No. 3278, 23 Décembre 1905


(Agrandissement)

Suppléments de ce numéro:
1° L'ILLUSTRATION THEATRALE contenant la Grande Famille, par Arquilliere,
2° Le 5e fascicule du roman de J.-H. Rosny: la Toison d'or.



M. ROUVIER A LA TRIBUNE DE LA CHAMBRE, LE 16 DÉCEMBRE
Le ministre des Affaires étrangères lit sa Déclaration sur les affaires marocaines, se terminant par cette phrase: «... Fidèle à une alliance restée hors de toute atteinte, à des amitiés précieuses exemptes de toute arrière-pensée, désireuse d'entretenir avec tous des relations courtoises, et même réciproquement confiantes, la France, sûre d'elle-même, gardant la conscience de la noblesse de son histoire et de ses destinées, ne vise, nous l'affirmons hautement, qu'à sauvegarder ses droits, ses intérêts et le plein exercice de sa liberté.»
--Voir l'article, page 420.



COURRIER DE PARIS

Journal d'une étrangère

... Et les revoilà! Brusquement, en quelques heures, elles ont reparu, les frêles baraques du nouvel an, bien alignées, de la Madeleine à la Bastille, et toujours telles que se les rappelle ma mémoire d'enfant. Les baraques du nouvel an n'ont pas changé. Elles ne changeront jamais. Une sorte de tradition sacrée les défend contre les caprices de la mode. Elles sont, une fois par an--dans l'immuable simplicité de leur architecture--quelque chose de la physionomie de Paris; naïvement, elles expriment un peu de sa vie et de sa joie. Un an déjà! Il me semble que c'est hier que, redevenue Parisienne au moment où s'ouvrait l'année neuve, je les ai vues se vider de leurs richesses, se disloquer tout d'un coup, s'éparpiller sur les voitures à bras qui emportaient je ne sais où, pour douze mois, leurs maigres carcasses démolies. Et, de nouveau, c'est elles! Elles n'ont pas l'air d'avoir vieilli d'un an. Je les retrouve aussi pimpantes, aussi joyeusement encombrantes que toujours, entourées du même tapage et d'aussi ardentes curiosités.

On dirait que, du jour au lendemain, toute l'attention de Paris s'est concentrée sur elles; et quels mystères, en effet, vont-elles nous révéler? Car elles ont des mystères à nous révéler, cela est sûr. Leurs carcasses de bois sont les boîtes à surprises d'où va sortir la trouvaille imprévue: le bibelot «bien parisien», l'ustensile ingénieux qui fait la joie des ménages et, enfin, le «jouet de l'année».

Délicieux soucis qui, pour un temps trop court, effacent tous les autres. A partir d'aujourd'hui, il n'y a plus d'élection présidentielle, il n'y a plus de Livre jaune, il n'y a plus rien. Il y a les petites baraques; et, autour d'elles, il y a les magasins à la mode, où la foule élégante ne commencera à s'écraser sérieusement que dans quelques jours, et les étalages de librairie devant lesquels s'attroupent, concupiscents, les écoliers. Je m'y suis attardée aussi cette semaine, plusieurs fois, et avec plaisir. Assurément nos éditeurs sont en progrès. Ils commencent à s'apercevoir qu'un «livre d'étrennes» ne doit pas forcément consister en quelque historiette puérile, dorée sur tranches, et présentée à l'enfant sous la parure voyante d'une reliure écarlate à bon marché. Sans doute il y a encore beaucoup de cette pacotille-là aux devantures des libraires; mais, tout de même, il semble qu'elle ne s'y étale plus aussi tyranniquement qu'autrefois; qu'elle y est de plus en plus remplacée par le vrai bon livre,--qui n'a point été formellement composé en vue du Jour de l'An, et que pare une reliure discrète, propre à décorer de façon gentille, sans tapage, une bibliothèque d'écolier pauvre. Il est probable que ces cartonnages étincelants, mirifiques, qui furent trop longtemps l'obligatoire livrée de nos livres d'étrennes et de prix, feront sourire d'étonnement nos petits-fils. Ils ne comprendront pas que, chez un peuple qui se pique de donner des leçons de goût à l'univers--et qui lui en a donné, en effet, de si précieuses--une mode si niaise ait tant duré.

C'est que le goût n'est point une vertu spontanée à laquelle s'ouvre naturellement l'âme des foules. Abandonnées à leur instinct, les foules n'ont pas de goût. Comme les enfants, ou comme les sauvages, elles aiment ce qui brille; elles sont séduites par l'emphase des formes et l'abus des couleurs;--par toute cette lamentable contrefaçon du vrai luxe, et cette vulgarisation de la pacotille où triomphent nos industries, et grâce à quoi sont mises à la portée de toutes les bourses tant d'horreurs. Et c'est pourquoi sans doute les foules ne viennent que si lentement à l'intelligence et au désir de la beauté. Elles n'y atteignent que par étapes, comme dirait M. Bourget; à mesure que leurs yeux ont vu, compris, comparé plus de choses. Et un jour vient où, sans qu'on sache pourquoi, le vase à couleurs criardes, la chromo coloriée et sucrée comme une confiserie de fête foraine, le Jules Verne trop doré et trop rouge, agacent les mêmes yeux que naguère ces dorures et ces coloriages amusaient... On dirait bien que cette évolution a commencé de s'accomplir parmi le peuple de Paris; j'en trouve la trace un peu partout: non seulement aux devantures des libraires, mais partout où s'offre l'étalage de l' «étrenne» à bon marché, celle qui fera le plus d'heureux...

*
* *

En attendant qu'ait sonné l'heure de distribuer les étrennes, les gourmands du village et les «fêtards» des villes voient avec joie s'approcher celle du réveillon. Mais fête-t-on nulle part la Noël aussi poétiquement qu'en nos villages de Petite-Russie?

Je revois le cortège (il y a bien une dizaine d'hivers!); cela se passait près d'Odessa. Une nuit claire; à perte de vue la plaine blanche, et des étoiles plein le ciel. En tête du cortège, une étoile aussi, mais énorme, celle-là, en papier doré, et portée au bout d'une perche par un enfant. De petits cierges, disposés autour de l'étoile en papier doré, la font briller sur l'obscurité du chemin. D'autres enfants suivent, portant: l'un une sorte de niche en bois où s'évoquent les scènes de la Passion, que représentent de naïves marionnettes; l'autre un saucisson; un autre un plat, un autre un sac... Ils chantent, en marchant, des cantiques. Aux maisonnettes, des lumières brillent, et voici que, sur le passage du cortège enfantin, une fenêtre s'est ouverte. Le Bonhomme Noël de France, c'est, là-bas, «Koliada»; et c'est au nom de Koliada que les bambins font leur quête. Elle est fructueuse partout et les plus pauvres ménages ont quelque chose à donner à Koliada: un saucisson, des gâteaux au fromage, quelques kopecks. Les maîtres du logis, en donnant leur offrande à Koliada, ont crié: «Que le Seigneur vous bénisse, petits enfants!» Puis la fenêtre s'est refermée, et tandis que s'assemble, pour le repas du réveillon, la famille autour de la nappe propre où le père a posé le manche d'une charrue (simulacre d'une nouvelle offrande à Koliada, moyennant quoi on espère que les récoltes seront préservées des rongeurs), la petite troupe remercie en chantant et continue son chemin, gaiement, vers d'autres portes:

Koliada! Koliada!

Il est arrivé Koliada,

A la veille de Noël!

Je ne sais si d'aussi jolies coutumes que celles-ci se sont conservées dans la province française; mais je sais qu'à Paris le réveillon est une fête qui s'entoure de plus de tumulte que de poésie. J'imagine même qu'on étonnerait fort mes compatriotes petits-russiens en les amenant, une nuit de Noël, en cette ville-ci. Ils y verraient d'étranges choses: les boulevards encombrés d'une foule en fête; les boutiques des pâtissiers, des charcutiers, les étalages des marchands de gibier et des marchands d'huîtres assaillis par une clientèle turbulente, et comme follement avide de mangeaille; les music-halls, les théâtres envahis,--si profanes qu'en soient; les programmes; les terrasses des cafés pleines de vacarme; les tables des cabarets à la mode--retenues depuis un mois--prises d'assaut dès le coup de minuit sonné... Ils demanderaient: «Que signifie tout ce tapage? Pourquoi ces jeunes gens s'agitent-ils si frénétiquement, et pourquoi tant de demoiselles, élégamment vêtues et visiblement libérées de toute tutelle familiale, mènent-elles tant de bruit parmi la cacophonie des orchestres et des vaisselles remuées? Qui fête-t-on?»

Nous leur répondrions qu'on fête Koliada, ou, plus exactement, que Paris est en train de célébrer l'anniversaire de naissance d'un Dieu; et ils penseraient que Paris a une façon singulière de pratiquer sa religion...

Il est vrai qu'on pourrait aussi leur montrer d'antres spectacles, et d'où se dégage une leçon meilleure: on les pourrait conduire aux églises où ils verraient se presser, s'entasser une foule non moins ardente à prier que ne l'est la foule du boulevard à applaudir la mattehiche et à manger du boudin; on leur pourrait montrer, au seuil de beaucoup de cheminées, beaucoup de petits souliers qui paisiblement attendent, dans le bon silence de la maison endormie, la visite de Koliada; et, dans tous les hôpitaux, les hospices, les patronages, les asiles où la charité recueille et soigne nos petits déshérités, des arbustes verts dressés, où pendent des joujoux. Elle est touchante, cette oeuvre du Joyeux Noël, et digne, en sa beauté toute simple, des femmes de cour qui l'ont créée. Elles ont voulu que le Bonhomme Noël, en cette nuit de réveillon, n'oubliât pas les maisons où il y a des enfants sans mère, des bambins pauvres et qui souffrent, et elles ont guidé le Bonhomme Noël vers ces maisons-là (1).

Mais ce sont là les bonnes actions dont Paris n'aime point à se vanter. Paris a cette pudeur, ou cette coquetterie singulière: il est frivole avec bruit et vertueux sans tapage. Il étale ses fredaines et ne semble redouter que l'aveu du bien qu'il fait...
Sonia.



Note 1: JOYEUX NOËL.--L'oeuvre charmante que signale notre Collaboratrice Sonia date de huit ans déjà, et ne saurait être, en effet, trop chaleureusement recommandée à l'attention et aux sympathies de tous. Son programme est simple: distribuer chaque année, à la date de Noël, des jouets neufs aux enfants pauvres, aux enfants malades, à tous les petits déshérités qu'ont recueillis nos établissements--officiels ou libres--d'assistance.

L'oeuvre a pu faire participer, l'an dernier, trente-neuf établissements à ces distributions: hospices, hôpitaux, sanatoriums, asiles, maisons de charité, patronages. Onze mille enfants pauvres ont reçu de l'oeuvre du «Joyeux Noël» des jouets neufs. Des livres, des provisions de chocolat, des vêtements chauds, ont été également distribués.

Présidée avec un inlassable dévouement par Mme Louis Grandeau, l'oeuvre n'est administrée et gérée que par des dames et des jeunes filles appartenant à la société parisienne. Elle reçoit avec reconnaissance, outre les dons en nature, tous les dons en argent. Ce sont ces dons en argent qui lui permettent de compléter ses paniers de Noël et de satisfaire, un peu plus largement chaque année, aux besoins de son intéressante clientèle.

Hélas! le sort de telles oeuvres est d'avoir continuellement, quoi qu'elles fassent, plus de besoins que de ressources; et c'est pourquoi nous appelons l'attention de nos lectrices sur l'oeuvre du «Joyeux Noël». Leurs dons peuvent être adressés au siège du comité: 4, avenue de La Bourdonnais.



NOTES ET IMPRESSIONS

Toutes les questions philosophiques et sociales ont été posées et isolément résolues par le dernier siècle, le plus puissant qu'ait vécu l'humanité; il reste à coordonner les réponses.
Paul Meurice.


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Pour juger les créateurs, il faut les envisager en eux-mêmes et à leur date, et ne pas retourner contre eux les progrès qu'ils ont suscités.
L. Liard.


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Toutes les Utopies, les Arcadies, les Salentes, les Eldorados n'ont rien d'enivrant: tant nous sommes impropres même à imaginer le bonheur.
Jules Lemaitre.


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Comment ne pas croire à l'éternité de la guerre? Eternels sont les intérêts et les passions qui en sont les causes, éternelle la justice qui lui sert de prétexte.


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Il faut du temps pour avoir de l'ordre; il faut de l'ordre pour avoir du temps.
G.-M. Valtour.


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La femme la plus riche du monde: Mrs. Hetty Green. (Douze millions de revenus annuels.) L'homme le plus riche du monde: M. John Rockefeller. (Deux cents millions de revenus annuels.)

DEUX CRÉSUS AMÉRICAINS

Dans les journaux américains, parmi des informations sensationnelles, des réclames abracadabrantes, des «canards» phénoménaux destinés à l'exportation, on trouve parfois des renseignements fort intéressants et fort instructifs. Ainsi, dernièrement, ils publiaient un relevé des dividendes de la Standard Oil Company--le Trust du pétrole--et tout de suite, sous l'apparente aridité d'un tableau de statistique, les chiffres alignés en colonnes s'imposaient avec leur particulière éloquence à l'attention des lecteurs les plus étrangers, les plus indifférents aux choses du négoce et de la spéculation.

En effet, de ce relevé comprenant huit années, de 1898 à 1905, il résulte que les dividendes forment un total de 317.370.000 dollars, sur lesquels la modeste part de M. Rockefeller, président de la Compagnie, est de 105.780.000, soit en moyenne un revenu annuel de 12 millions de dollars. Si l'on s'en tient à ce document suggestif, l'éminent accapareur posséderait donc, au bas mot, la bagatelle de 60 millions de francs de rente environ, ce qui lui permettrait, sans écorner son capital, une dépense de 5 millions par mois et de plus d'un million par semaine. Ce serait là déjà une assez jolie aisance; mais nous sommes bien loin de compte: la totalité des capitaux accumulés entre les mains de ce ploutocrate extraordinaire s'élève approximativement à 5 milliards, représentant, au taux de 4%, un revenu de 200 millions! Aussi, sur l'échelle des grandes fortunes qu'un statisticien vulgarisateur se plut à dresser, M. John Rockefeller occupe-t-il le premier échelon supérieur, d'où il domine ses célèbres compatriotes, les Carnegie, les Astor, les Vanderbilt, les Pierpont-Morgan et d'autres seigneurs d'importance. Il n'est pas seulement le roi du pétrole, il est le roi des rois, l'empereur des milliardaires; bref, en jargon sportif, il détient le record de la richesse aux États-Unis et, de ce fait, il a droit au titre de «champion du monde».

En trouvant dans son berceau sa première mise, il aurait manqué à la règle générale, d'après quoi, en Amérique, tout milliardaire, voire tout simple multimillionnaire de la bonne école, doit être d'humble origine et avoir débuté comme gardeur de bestiaux ou crieur de journaux. Donc, John Rockefeller naquit en 1839, à Richford (État de New-York), d'un fermier, quelque peu maquignon, guérisseur et vendeur de spécifiques. D'abord, il partageait les travaux de la ferme paternelle; à seize ans, il devenait commis de magasin; puis il entreprenait ce commerce à plusieurs branches, fleurissant dans les petites localités et où l'enseigne de l'épicier couvre toute espèce de marchandises. Le voilà lancé dans la carrière des affaires. Il y est entré par une barrière étroite, sans fracas; mais qu'importe? Désormais sa marche progressive ne s'arrêtera plus; sa volonté implacable ne connaîtra pas d'obstacles; pour arriver à ses fins, l'élasticité d'une conscience dépourvue de scrupules lui laissera le libre recours à tous les moyens: la violation des lois, la corruption, la spéculation effrénée, l'accaparement à outrance; ses bras, tels les tentacules de la pieuvre, s'étendront sur d'innombrables sociétés ou compagnies dont il sera le maître absolu. Pour le seul Trust du pétrole, il aura entièrement à sa disposition 200 steamers, 70.000 wagons, à sa merci une armée d'ouvriers et d'employés. Et, malgré les violentes campagnes de presse dirigées contre lui, malgré des procès retentissants d'où sa réputation sortira fort endommagée, du sommet vertigineux de sa paradoxale fortune, édifiée sur des ruines, il planera au-dessus de la misérable humanité, type achevé du self made man, de l'homme qui s'est fait lui-même...

Aujourd'hui, à soixante-six ans, le roi du pétrole est un vieillard d'aspect fragile, auquel son visage glabre et marqué donne l'air d'un «Trente ans de théâtre» ayant joué les «financiers». Et, cruelle ironie de la destinée, ce crésus qui, suivant l'expression populaire, a une pièce d'un demi-million à manger par jour, «jouit» d'un mauvais estomac: il ne peut plus digérer que du lait!

Trait curieux à noter: John Rockefeller a des talents de prédicateur. Or, un jour, à New-York, adressant un sermon à des jeunes gens réunis dans l'église baptiste de la Cinquième Avenue, il prononça ces paroles significatives:

«Qu'appelle-t-on réussir? Gagner de l'argent? Mais est-ce bien là le succès? L'homme le plus pauvre que je connaisse est celui qui n'a que de l'argent. Si j'avais à choisir aujourd'hui, je préférerais ne rien posséder ou peu de chose, et avoir un but dans la vie...»

On crut à une annonce de sa retraite prochaine. Il y a de cela six ou huit ans; Rockefeller n'a pas dételé: il mourra probablement à la peine, sous le harnais.

Tant il est vrai que les conseils de la philosophie ne sauraient prévaloir contre la force de la passion et de l'habitude.

D'ailleurs, chez les transatlantiques, la toute-puissance de l'argent n'est pas exclusivement du côté de la barbe. Si Rockefeller y personnifie au suprême degré le business man, l'Amérique se flatte de compter une business woman tout à fait remarquable en Mrs. Hetty Green, la femme la plus riche des États-Unis. Ce n'est point une milliardaire, ce n'est qu'une multimillionnaire, mais d'une valeur peu commune, puisqu'on lui attribue en bloc un avoir de plus de 300 millions.

Fille unique d'Edw. Morton Robinson, de la secte des Quakers, du jour où lui est échu l'héritage paternel, son unique souci a été de l'arrondir par de fructueuses opérations. Rien ne l'en a détourné, ni le mariage qu'elle contracta vers la trentaine, ni la maternité (elle a un fils et une fille); les facultés de son cerveau, véritable machine à calcul, n'ont jamais eu d'autre sujet d'application: gagner, thésauriser; car sa parcimonie égale son âpreté au gain.

Figure originale, excentrique, connue dans Wall street comme le loup blanc, ses allures masculines, son dédain de la toilette, son éternel sac de cuir, son infatigable activité, sont, de longue date, légendaires à New-York. Cette redoutable amazone, terreur des banques, capable de révolutionner le marché, et devant la souveraineté de qui, à la Bourse, s'inclinent les financiers les plus huppés, fait encore, à soixante et onze ans, toutes ses courses à pied! Cette propriétaire de tant de maisons dans les villes de New-York et de Chicago habite--seule depuis son veuvage--un appartement meublé d'un loyer modique, au faubourg d'Hoboken, se lève à l'aube, prépare elle-même son déjeuner et, sa journée bien remplie, se couche à 8 heures, à la lueur économique d'une bougie!

Ces fortunes colossales, monstrueuses, la façon dont en usent, en abusent ou les immobilisent leurs possesseurs, offrent ample matière à philosopher. Mais à quoi bon répéter des lieux communs? Là-dessus, tout a été dit par la sagesse des nations, par les économistes, les moralistes, les fabulistes,--par les poètes, le plus souvent réduits aux richesses de la rime, qu'ils assaisonnent quelquefois d'un grain de raison.
Edmond Frank.



Miss Alice Roosevelt. M. Nicolas Longworth. Mme la comtesse de Chambrun, née Longworth--Phot. Nadar.

LE MARIAGE DE MISS ALICE ROOSEVELT, FILLE DU PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

LE MARIAGE DE MISS ALICE ROOSEVELT

On vient d'annoncer officiellement les fiançailles de miss Alice Roosevelt, fille du président des États-Unis, avec M. Nicolas Longworth, membre du Congrès, où il représente la première circonscription de Cincinnati (État de l'Ohio).

Le bruit de ce projet d'union avait couru maintes fois et, malgré les démentis, diverses raisons y donnaient créance, notamment la présence de M. Longworth parmi les personnes de l'entourage de miss Roosevelt lors de son récent voyage aux Philippines, au Japon et en Chine. Au cours de ces excursions, tous deux ne cessèrent d'entretenir les relations de libre sympathie autorisées par les convenances américaines; tous deux même, on s'en souvient, furent de compagnie les héros de quelques anecdotes qui ne laissaient guère de doute sur le caractère des assiduités du jeune député.

La fiancée est âgée de vingt et un ans. Le fiancé en a trente-six; intéressé dans de grandes entreprises de mines, d'huiles et de chemins de fer, il possède une grosse fortune. Le mariage aura probablement lieu vers le milieu du mois de février.

Ajoutons que la soeur de M. Longworth, ayant épousé le comte de Chambrun, est la belle-soeur de la comtesse de Brazza, veuve du célèbre explorateur.




LE RAPATRIEMENT DES PRISONNIERS RUSSES.
--A bord d'un transport, au départ de Yokohama.

RAPATRIEMENT DES PRISONNIERS RUSSES

Le rapatriement des prisonniers russes internés au Japon se poursuit, non sans incidents. On n'a pas oublié sans doute les mutineries qui se sont produites à bord de quelques-uns des navires qui ramenaient à Vladivostok des marins et des soldats du tsar. Ces révoltes, qui semblaient comme une répercussion des troubles qui désolent l'empire, ont été parfois graves à ce point qu'on a vu les chefs russes obligés, pour rétablir l'ordre parmi les hommes qu'ils convoyaient, de faire appel aux baïonnettes et aux revolvers des Japonais. La photographie qu'on voit ici a été prise à bord d'un transport chargé de prisonniers, au départ de Yokohama. Les uniformes sombres des hommes de l'armée de terre s'y mêlent aux chemises blanches des matelots.


          Un Chinois saint-cyrien:
            M. Dan Pao-Tchao.

UN SAINT-CYRIEN CHINOIS

Notre Ecole spéciale militaire, on le sait, admet exceptionnellement certains étrangers. Assez souvent, on a eu l'occasion de remarquer, sous le coquet uniforme du saint-cyrien, des élèves d'origine visiblement exotique, entre autres des Japonais; mais, jusqu'à présent, le Céleste-Empire n'avait compté aucun de ses sujets dans les rangs du bataillon d'élite. Le principal titre de Dan Pao-Tchao à la notoriété, c'est qu'il est le premier Chinois entré à Saint-Cyr. Fils d'un très haut mandarin, il faisait partie d'un groupe de jeunes gens envoyés, il y a trois ans, en Europe par les vice-rois, afin d'y parfaire leur instruction en s'initiant aux institutions de l'Occident. A cette époque, pas un d'eux ne parlait notre langue; sous le patronage de Soueng-Pao-Ki, ministre de Chine à Paris, ils ont poursuivi leurs études avec succès.

Dan Pao-Tchao se propose, au sortir de l'École, de retourner dans son pays pour quelque temps et de revenir ensuite faire un stage dans l'armée française.



LA QUESTION MAROCAINE: M. ROUVIER A LA TRIBUNE

Samedi dernier, 16 décembre, le Parlement français terminait sa session extraordinaire de 1905. A la Chambre des députés, la séance finale a été marquée par une déclaration du président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, au sujet de la question marocaine. Vu l'importance de cette déclaration, sorte de réplique aux deux récents discours du chancelier de Bulow, M. Rouvier l'avait écrite, et c'est au milieu d'un silence attentif que, du haut de la tribune, il en donna lecture devant une salle comble, en présence de la plupart des membres du corps diplomatique. Lorsqu'il eut résumé l'historique des négociations engagées entre les cabinets de Paris et de Berlin pour le règlement du différend franco-allemand et précisé le programme que la France se propose d'apporter à la conférence internationale, l'assemblée oubliant, en ces graves conjonctures, les querelles de parti, fut presque unanime à manifester son approbation; puis, par près de 500 voix, elle prononça la clôture, c'est-à-dire l'ajournement de tout débat sur notre politique extérieure.




UNE GRANDE PREMIÈRE A LA COMÉDIE-FRANÇAISE.
--Mme Bartet au deuxième acte du «Réveil», de M. Paul Hervieu.

La Comédie-Française a donné cette semaine une nouvelle pièce en trois actes de M. Paul Hervieu: le Réveil. L'impression sur le public a été grande, car l'oeuvre est animée du souffle tragique qui élève toutes les productions théâtrales de l'éminent écrivain à une hauteur qu'atteint rarement l'art dramatique contemporain. Dans les principaux rôles, Mme Bartet. MM. Mounet-Sully et Le Bargy ont été admirables. La comédienne qui fut si souvent qualifiée de «divine» s'est peut-être surpassée cette fois dans le personnage de Thérèse de Mégée, qu'elle a interprété avec toute la puissance d'une grande tragédienne. La photographie que nous reproduisons ici ne peut malheureusement donner qu'une idée imparfaite de la physionomie torturée que montre, pendant le terrible second acte, Mme Bartet, si belle de douleur épouvantée!

Le prince Jean de Sylvanie, qu'elle aime, vient d'être assassiné--du moins on le lui a fait croire--dans la pièce voisine. Siméon Keff, le meurtrier supposé, la menace de la porter lui-même au dehors si elle refuse de s'éloigner... Thérèse.--Oh!... vos mains ne me toucheront pas... Ne me touchez pas!... Je m'en irai... Je m'en vais... (D'une main, elle se saisit de son manteau tombé sur le canapé; de l'autre main, elle reprend son chapeau sur une table.)

Keff, lui indiquant la voilette qu'elle oublie.--Ne laissez pas traîner ceci. Thérèse.--Ah! (Elle s'en saisit et sort par la gauche en chancelant.)

Voilà tout le dialogue et toutes les indications de jeux de scène du manuscrit. Mais le jeu de Mme Bartet a fait passer à cet instant, dans tous les rangs du public, le grand frisson des sublimes horreurs.

La belle oeuvre de M. Paul Hervieu, illustrée d'autres nombreuses photographies, paraîtra dans L'Illustration du 3 février prochain.




Intérieur d'un bureau de poste: le départ du courrier.


L'inscription des plis et paquets chargés ou recommandés.

LES POSTES EN RUSSIE--Avant la grève: les postiers de Saint-Pétersbourg.
Voir l'article, page 432.


Arrivée des colis postaux à la gare.


Dans le wagon postal, sur la ligne de Varsovie.




Dessin d'après nature de Simont.


L'ENVERS D'UNE FÉERIE

«Les 400 coups du Diable» au théâtre du Châtelet: les coulisses pendant une répétition du tableau de «l'Enfer».

Le théâtre du Châtelet vient de nous donner une féerie en trente-huit tableaux qui feront, pendant longtemps sans doute, l'étonnement et l'éblouissement de tous, petits et grands. Il est difficile d'analyser une féerie, il n'est pas plus facile de rendre, par la gravure, l'effet produit par une scène inondée de lumières diverses, toute chatoyante de décors multicolores et changeants, animée, par instants, d'une cinquantaine d'artistes, de deux cents figurants, enfants et adultes, de douze clowns, de quatre-vingts danseuses. Mais l'envers de la scène n'est pas moins intéressant que ce que l'on voit de la salle. Au milieu du va-et-vient des artistes, des costumiers et des remmailleuses, cent cinquante machinistes, quarante électriciens, ayant à leur disposition toutes les applications de la science moderne: vapeur, électricité, air comprimé, appareils à projections, cinématographe, y remplacent les fées et les génies invisibles et provoquent les changements à vue, les apparitions et les disparitions, les inondations, les incendies, les apothéoses. C'est le spectacle mouvementé et pittoresque qu'a reproduit notre dessinateur.

UNE ANCIENNE DEMEURE DE L'IMPÉRATRICE

Seuls, peut-être, quelques rares fidèles du régime impérial se souviennent encore qu'aux temps heureux où elle était la souveraine radieuse et adulée, l'impératrice Eugénie s'était ménagé, dans le coin le plus calme et le plus ombreux des Champs-Elysées, une retraite paisible, toute capitonnée et charmante, où, loin des pompes officielles, loin du faste des Tuileries, elle pouvait, quand les exigences de son rôle représentatif lui en laissaient le répit, venir se délasser du fardeau de la couronne. Un avis brutal de mise en vente prochaine a rappelé l'attention sur cette demeure.

Après qu'on eut percé, à travers les anciens jardins du palais de l'Elysée, la rue qui relie le faubourg Saint-Honoré à l'avenue Gabriel, l'impératrice Eugénie acquit, en 1861, de M. Émile Pereire, qui, lui-même, avait acheté, en bloc, tous les terrains libres de cet îlot, un emplacement admirable à l'angle de la nouvelle me de l'Elysée et de l'avenue Gabriel. Elle y fit édifier cet asile qu'elle désirait pour ses heures de repos.

On l'orna pour elle avec sollicitude.

La salle à manger fut revêtue d'une merveilleuse boiserie de chêne qui provenait du château de Bercy, construit par Levot sur les plans du grand Mansard pour le président Le Malon, et que le passage du chemin de fer de Vincennes venait justement de faire tomber.


L'escalier d'honneur de l'hôtel Hirsch.

Dans une pièce d'où la vue s'étend sur les arbres, à présent défeuillés, des Champs-Elysées, l'impératrice s'était arrangé un boudoir blanc et bleu, garni de meubles de vieil Aubusson, dont elle avait fait sa retraite favorite. Les murailles en étaient décorées de clairs panneaux d'A. Jourdan, pastiches de ce dix-huitième siècle affiné, exquis, que la souveraine affectionnait particulièrement. Sur l'une de ces peintures, ses yeux clairs durent aimer à se reposer. Elle représente des jeux d'enfants, une ronde, bien sage, de babys retenus, déjà! par des respects d'étiquette appris dès le berceau, tournoyant, sans folie, autour d'une mère ou d'une gouvernante aux petits soins et qui retient dans ses bras l'un d'eux; or, à celui-ci, le peintre a donné la ressemblance frappante du prince impérial, alors âgé de cinq ans, bambin frêle et blond, auquel les autres font comme une petite cour déférente...


                            Cheminée du hall.

Des années passèrent... En 1873, M. Rouher, agissant comme représentant de S. M. Eugénie de Guzman, comtesse de Téba, veuve de Charles-Louis-Napoléon, ex-empereur des Français, et de S. A. Mgr Napoléon-Eugène-Louis-Jean-Joseph, prince impérial, cédait au baron de Hirsch, moyennant 2.700.000 francs, l'hôtel de la rue de l'Elysée.

Le baron de Hirsch voyait grand. L'impérial buen retiro ne fut plus qu'une aile de l'hôtel follement luxueux qu'il bâtit et qui lui coûta la bagatelle de 6 millions. Ce fut «l'hôtel Hirsch», tel qu'il existe encore aujourd'hui, après avoir servi de cadre à des fêtes qui comptèrent parmi les plus somptueuses qu'ait vues Paris.

L'escalier d'honneur--que le prince de Galles, roi actuel de Grande-Bretagne et d'Irlande, déclarait le plus merveilleux qu'il eût vu--l'escalier de marbre et de bronze ciselé, engloutit lui seul un million et le jardin d'hiver du premier étage était fameux parmi les collectionneurs pour les quatre tapisseries superbes, aux armes de France, exécutées d'après les cartons de Bérain, qui le décorent. Le baron n'avait point coutume de lésiner pour ses fantaisies.

On accourut un jour lui proposer une cheminée datant de la Renaissance, un sobre et beau morceau, qui provenait du château de Montai, et au front de laquelle un cerf à la ramure d'or semblait son blason parlant (hirsch, en allemand, signifie cerf). Elle vint prendre place dans le hall.

L'impératrice, un jour, voulut revoir ces lieux où elle avait goûté les joies de l'existence libre, où elle avait été heureuse Elle visita tout ce qui demeurait de son ancienne résidence, la salle à manger de chêne, sa chambre et son petit boudoir bleu. Devant le panneau de Jourdan où sourit son fils, elle pleura.

--Merci! disait-elle à la baronne de Hirsch, merci d'avoir conservé ainsi tout cela. Ce boudoir!... On croirait que je viens d'en sortir hier... Quelles figures vieillies ou évanouies avaient pu se lever, dans les souvenirs de l'auguste visiteuse, autour de l'effigie de l'enfant blond... les belles amies d'autrefois... les souriantes femmes des décamérons fixés par Winterhalter: Mme de Pourtalès, Mme de Galliffet, Mme de Metternich... tout le passé!...

«Ronde d'enfants», peinture d'A. Jourdan. (Au centre, le prince impérial.) Le «boudoir bleu de l'impératrice,
décoré de panneaux d'A. Jourdan.


LA CÉRÉMONIE DES VOEUX DE NOËL AU VAL DES ROSES, EN LOMBARDIE


Ce coin exquis de la terre lombarde, le Val des Roses, a dû à sa situation à l'écart des grands chemins battus par les touristes de conserver jusqu'à présent un certain nombre de coutumes pittoresques. La cérémonie des Voeux qui s'y célèbre chaque année à Noël, est parmi les plus curieuses. Pour cette fête, on dresse au milieu de la place publique l'autel, où le Bambino, sous les yeux de la Vierge extasiée de joie, en somptueux atours, est exposé à l'adoration des fidèles. Le matin de ce jour est salué par des sonneries de cannuli, instrument qui rappelle la syrinx antique. Et, processionnellement, des rangs pressés de pénitents, ayant l'habit traditionnel du pèlerin, le bourdon à la main, se dirigent vert la crèche, silencieux comme des moines. Devant les saintes images, prosternés et offrant des présents, ils font, pour l'année qui va commencer, des voeux de bonne conduite.--la plupart jurant communément de renoncer au culte immodéré de Bacchus. «Serments d'ivrogne», dit la sagesse des nations,--et plus d'un, avant le soir, aura oublié ce bon propos solennellement proféré devant l'autel illuminé, et trahi, en cachette, le serment prêté devant toute une foule, qui sait d'ailleurs à quoi s'en tenir.



ALGESIRAS


Le débarcadère des bateaux à vapeur faisant le service de Gibraltar à Algésiras: on aperçoit, au fond, le rocher de Gibraltar.

Ce petit port d'Algésiras, dont on n'avait plus guère entendu parler depuis la victoire fameuse qu'y remporta, le 6 juillet 1801, l'amiral Linois sur l'amiral anglais Saumurez, est tout à coup redevenu, à l'annonce que la conférence internationale chargée de régler les affaires du Maroc allait s'y assembler, l'un des points célèbres du monde. Que de gens, alors seulement, l'ont découvert sur la carte d'Espagne, au bord du détroit de Gibraltar, à l'embouchure du minuscule rio de la Miel! Bien entendu, L'Illustration, fidèle à ses habitudes, avait, sans tarder, envoyé à Algésiras, pour y suivre les préparatifs de la réception des plénipotentiaires, l'un de ses collaborateurs. Il nous revenait juste avec ses clichés quand on apprit qu'Algésiras, dépossédée avant l'heure de la gloire qu'elle avait pu escompter, risquait fort de ne plus être le siège de la conférence marocaine, et que celle-ci allait se réunir probablement à Madrid. Pourquoi? Comment? Quelles sont les raisons et quelles seront les suites de ce changement? Le secret de cette décision est peut-être fort simple. Mais, l'imagination des informateurs qualifiés travaillant, on se mit à discuter sur un tas de points. Et Algésiras en devint plus célèbre que jamais. Nous donnons donc ici, tels que nous les eussions publiés à la veille de la conférence, les documents qu'on nous rapporte de là-bas, texte et photographies. D'ailleurs, qui sait? Un revirement peut se produire encore, car les pourparlers demeurent ouverts entre les divers gouvernements consultés sur l'opportunité d'aller ici ou là.


                              Algésiras vu de la mer.

Algésiras est étendue, tout en longueur, sur la côte ouest de sa baie, si bleue, si calme sous un ciel si limpide, en ce jour où j'y aborde, que volontiers on l'imaginerait immuablement ainsi, paisible et lumineuse Pourtant les nuages devaient apparaître dès le lendemain, comme on le verra sur certaines de nos photographies.

La ville est un amas de maisons basses, pour la plupart, aux murailles badigeonnées de chaux, aux fenêtres grillagées d'épais barreaux verts, coiffées de tuiles rosées, et que domine, là-haut, la tour carrée de l'église, et, plus près du rivage, la fusée grêle d'une cheminée d'usine. Comme fond de toile, la silhouette dentelée, tantôt d'outremer sombre, tantôt de pourpre claire, de la sierra de los Gazules. Et la première impression qu'on éprouve est un étonnement mêlé de quelque inquiétude. Une si solennelle assemblée, ici? Et comment, en cette minuscule bourgade, pourra-t-on loger jamais tant de si grands personnages?



Vue extérieure. La salle des délibérations du conseil municipal.

l'hôtel de ville (casa de ayuntamiento), qui devait être aménagé pour
les travaux de la conférence


L'hôtel Reina Maria-Cristina, qui devait être affecté
tout entier aux délégués des puissances.

Les gens d'Algésiras, pour eux, ne semblent ni surpris, ni fiers à l'excès d'une pareille fortune. Par les rues montueuses, ils vont, d'une marche tranquille, à leurs affaires, par ce joli matin tiède où semble flotter un peu du souffle embrasé qui caresse la terre d'Afrique, toute prochaine.


Cour intérieure de l'hôtel Reina Maria-Cristina.

Au coin de la rue Sagasta, un agent de police a provoqué un rassemblement où se mêlent des gamins, des femmes, quelques oisifs, des passants peu pressés. Le gardien de l'ordre remplit, pour l'heure, l'office de crieur public et, d'une voix bien placide, récitant une leçon apprise, fait connaître au populaire je ne sais quelle oiseuse nouvelle, annonce quelque objet perdu ou promulgue un acte de l'autorité; puis, sans hâte, s'en va vers le carrefour voisin recommencer sa brève histoire.


La rue Sagasta à Algésiras: un rassemblement.

Tout à l'heure, quand le bateau de Gibraltar viendra accoster au port, d'où l'on aperçoit, face à face, la masse trapue du rocher anglais, menaçante, ses canons sans cesse braqués, et, à droite, indécise dans la buée chaude, la côte de cet empire marocain, objet de la querelle... que vous savez, nous aurons chance de retrouver sur le môle quelques-uns de ses auditeurs, désoeuvrés, en quête d'une besogne peu lucrative, mais pas trop fatigante, surtout, ou plutôt d'une distraction à leur farniente. Pour ceux-là, quelle bonne fortune n'eût pas été la venue des diplomates, avec le remue-ménage qu'elle aurait produit dans la petite cité, le piaffement de leurs équipages, le ronflement de leurs autos, et les allées et venues des fringants attachés, empressés et mystérieux!

Tout, cependant, était prêt pour recevoir ces hôtes éminents.

On avait retenu pour les y loger l'hôtel Reina Maria-Cristina, fort avenant, pignons blancs, toits de tuiles, vaste cour ensoleillée. Et l'hôtel de ville (casa de ayuntamiento), sobre édifice de brique et de pierre, allait être aménagé en vue de leurs délibérations. Ils auraient siégé dans la salle où se réunit d'habitude le conseil municipal et que le ministère d'État s'occupait de faire meubler. Cette salle est spacieuse, bien claire, prenant jour d'une part sur la calle del Convento, et ouverte d'autre part sur le patio encadré d'arcades de la maison municipale.

On y eût discuté en paix, dans l'atmosphère la plus tranquille que puissent rêver des parlementaires chargés de régler le sort des empires.

On avait même fait d'autres préparatifs plus extraordinaires: sur le rio de la Miel, on s'occupait de jeter en grande hâte un viaduc de fer, craignant que le vieux pont de pierre actuel ne fût trop peu décoratif ou ne pût suffire à la circulation soudainement accrue.

Mais les diplomates, dit-on, ne viendront pas, ni leurs autos, ni leurs équipages piaffants, ni leurs aimables secrétaires, affairés et déjà graves! C'est la capitale, c'est Madrid qui les devra recevoir, ou qui du moins l'espère en ce moment.
B. S.



LES LIVRES ET LES ÉCRIVAINS

VOLUMES D'ÉTRENNES POUR LA JEUNESSE

Serait-ce le déclin d'un genre? Le nombre des livres d'étrennes--des publications nouvelles, j'entends--diminue chaque année. Plusieurs libraires ont même complètement cessé d'éditer, pour la jeunesse, ces aimables ouvrages dont les étincelantes reliures enrichissent les étalages de la Noël. Seules, d'anciennes maisons: Hetzel, Hachette, Marne, Delagrave, Flammarion et quelques autres, sont demeurées fidèles à une tradition qui contribua fortement à établir leur renommée.

La plupart des nouveaux livres d'étrennes qu'offre, ce mois-ci, la librairie Hetzel, ont été d'abord publiés dans le Magasin d'éducation et de récréation, le doyen des magazines de la famille, dont l'année 1905, reliée (20 fr.), forme un très beau volume à offrir.--Parmi les oeuvres éditées distinctement et richement illustrées et reliées, citons: l'Invasion de la mer et le Phare du bout du monde (chaque vol. 6 fr.), du regretté Jules Verne, deux romans aussi palpitants d'intérêt que les plus célèbres des Voyages extraordinaires; le Maître de l'abîme (11 fr.), où M. André Laurie mêle heureusement aux choses scientifiques la fantaisie la plus littéraire; Fière Devise (11 fr.), une nouvelle oeuvre délicate de M. P. Perrault.--Pour de plus jeunes lecteurs, nous signalerons: Pixie et sa Famille (6 fr.), que M. G. Pitrois a adapté d'une remarquable oeuvre anglaise de Mme de Horne-Vaizey, et Une affaire difficile à arranger (2 fr. 25), qui comporte une aimable morale pour les jeunes turbulents. Quant au Royaume des gourmands (4 fr.), l'humoristique album de Stahl, dessiné par Froelich, il s'adresse aux tout petits et même à quelques-uns des grands.

Pour les jeunes gens sérieux et curieux, la maison Hachette publie: A Lhassa (25 fr.), ouvrage illustré de 24 planches en héliogravure, tirées hors texte, et dans lequel M. Perceval Landon, correspondant spécial du Times, nous fait le récit, très captivant, de l'entrée et du séjour de la mission anglaise dans la ville du Dalaï-Lama, la cité interdite et mystérieuse. Napoléon, roi de l'île d'Elbe (20 fr.), par M. Gruyer, est une étude alerte et très documentée de l'épisode le moins connu de l'épopée impériale. Des ouvrages nouveaux sont, en outre, venus, comme les années précédentes, prendre place à la suite des nombreuses collections Hachette. Citons dans la Nouvelle Collection illustrée à l'usage de la jeunesse: le Chevalier de Puyjalou, par M. H. de Charlieu; le Secret du gouffre, par M. Pierre Maël; Au vieux pays de France, par M. Louis Rousselet (chaque vol. relié, 10 fr.); dans la Bibliothèque de la famille: les Quatre Fils Hémon, par Albert Cim; l'Orgueilleuse Beauté, par Mme Albérich Chabrol; le Roman d'un loyaliste, par miss Jewett (chaque vol., 5 fr.); dans la Petite Bibliothèque rose illustrée: Blancs et Jaunes, par Mme Chéron de la Bruyère; Nobles Coeurs, par Mme Cazin; Miss Linotte, par Mlle du Planty (chaque vol., 3 fr. 50). N'oublions pas les superbes volumes que forment les collections reliées de 1905 des Lectures pour tous (9 fr.); du Journal de la jeunesse (10 fr.), et de Mon Journal (8 fr.), le célèbre magazine destiné aux enfants de huit à treize ans. Quant aux albums, ils sont légion. Aussi ne mentionnerons-nous spécialement que la collection, inaugurée cette année, des Albums indéchirables, qui, imprimés sur toile, peuvent se laver et se repasser comme de simples mouchoirs.

Parmi les ouvrages illustrés que la maison Marne publie sous une élégante reliure, signalons: de M. René Bazin, un livre d'histoire contemporaine du plus vif intérêt, le Duc de Nemours (20 fr.) et un roman, Madame Corentine (12 fr.), qui a pour cadres Jersey, Lannion et Perros-Guireo; --de M. Ernest Daudet, Une idylle dans un drame (5 fr.), dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs;--de M. Georges Pradel. l'Oeil de tigre (9 fr.), livre très attachant dont l'action se déroule alternativement à Paris et à New-York;--de M. Charles Foley, la Demoiselle blanche (7 fr.);--de M. Charles Géniaux, les Témoins du passé (7 fr.), dont tous les chapitres, illustrés par les photographies des châteaux forts, des calvaires bretons, des fontaines sacrées, des ruines féodales, des clochers, plaident éloquemment en faveur des auteurs de ces monuments inimitables, les hommes d'autrefois.

La librairie Delagrave nous offre également un heureux choix de volumes nouveaux. Ce sont: Histoire de la guerre russo-japonaise, par Gaston Donnet (13 fr. 50); Chasses en Abyssinie (7 fr.), de M. H. Docaux, livre écrit par un chasseur passionné, doublé d'un conteur sobre--ce qui est rare--et d'un observateur subtil;--le Ko-hi-noor ou le Diamant du Rajah (7 fr.), par M. E. Salgari, où sont révélées les heures tragiques que connut ce roi des diamants avant d'étinceler sur la couronne d'Angleterre;--la Petite Colonelle (6 fr. 50), par M. G. Trémisot, récit joyeux en pleine fantaisie, avec des situations cocasses et beaucoup d'esprit;--le Petit Fauconnier de Louis XIII (5 fr.), par M. J. Chancel, roman de cape et d'épée composé pour l'enfance par un habile écrivain;--Contes du soleil et de la brune, par A. Le Braz, avec illustrations de Dudoret (5 fr.);--l'Ivraie (5 fr.), gracieux roman limousin par M. Jean Nesmy;--Raton (5 fr.), par Mlle Henriette Besançon, histoire, non point d'un petit chat, mais d'une enfant naïve et sensible;--enfin, pour les babies, le Roman d'un petit Pierrot (1 fr. 90), également de Mlle Besançon; les Chants du jeune âge (2 fr.), paroles et musique de M. Rougnon, professeur au Conservatoire.

La librairie Renouard (H. Laurens, éditeur), qui publie avec tant d'activité diverses collections d'ouvrages sur l'art et les artistes (les Grands Artistes, les Villes d'art célèbres, les Musiciens célèbres, les Maîtres contemporains), a inauguré, il y a peu d'années, deux autres séries, non moins artistiques, mais à l'usage de la jeunesse. L'une devra contenir tous les chefs-d'oeuvre que l'on peut mettre à la portée des enfants de quinze ans. Elle comprenait déjà: les Fables de La Fontaine et Don Quichotte de la Manche, illustrés l'un et l'autre par Henri Morin; les Mille et une Nuits; les Contes de Perrault; l'Ami des enfants, de Berquin; les Fables de Florian, illustrées par Vimar; les Voyages de Gulliver, illustrés par Robida. Le volume de cette année n'est autre que Robinson Crusoé, une très élégante édition (9 fr. comme les volumes précédents), remplie d'originales illustrations en noir et en couleurs de G. Fraipont. L'autre série, créée par le même éditeur, s'intitule Plume et Crayon et comprend des oeuvres écrites et illustrées par le même auteur-dessinateur. Après la Poule à poils, par A. Vimar, et Yves le Marin, par G. Fraipont, nous avons cette année Grand' mère avait des défauts, par Louis Morin, et les Assiégés de Compiègne (1430), par A. Robida, deux volumes pleins d'intérêt et de verve (3 fr. 50).

Signalons encore:

Chez Ernest Flammarion: l'Histoire contemporaine par l'image (20 fr.), un magnifique volume illustré par les documents du temps, que publie M. Armand Dayot et qui obtiendra tout le succès des précédents ouvrages de cet érudit et ingénieux auteur; --Champion du tour du monde (15 fr.), par M. Paul de Semant, récit d'aventures très attrayant, illustré par l'auteur;--enfin deux ouvrages d'une grande actualité: le Maroc pittoresque (15 fr.), que nous avons déjà apprécié, par M. Jean du Taillis, avec 115 illustrations et cartes, d'après les photographies de l'explorateur, et l'Invasion jaune (7 fr. 50), qui s'ajoute à la série des oeuvres si curieuses du capitaine Danrit.

Chez Juven: les Briseurs d'épées (12 fr.), roman militaire par MM. Paul d'Ivoi et le colonel Royer;--Mémoires d'un cheval, d'Iéna à Waterloo (12 fr.), récit tour à tour gai, sceptique, frondeur, par M. Camille Audigier, d'un raid de cavalerie qui dura dix années;--et, pour les plus jeunes, un spirituel album de R. de la Mézière et Rodolphe Bringer, les Petits Cake-walk (6 fr.), histoire de deux négrillons.

A la Librairie des publications populaires: les Amusements de la science (7 fr.), 300 expériences faciles et à la portée de tous, indiquées par M. de Savigny.

Chez Vuibert et Nony: Promenade scientifique au pays des frivolités (6 fr.), voyage divertissant que M. Henri Coupin offre cette année à ses jeunes lecteurs.

Chez Combet et Cie: Millionnaire malgré lui, par Paul d'Ivoi (12 fr.);--le Fiancé de Catherine, par R. de Saint-Maur (10 fr.); Louys XI, par Georges Montorgueil (15 fr.)


VIENNENT DE PARAITRE:

Romans.

Le Peplôs vert, roman de l'ancienne Égypte, par Maurice de Waleffe (Fasquelle, 3 fr. 50).--Myrrhina, roman grec, par Ch. Callet (E. Flammarion, 3 fr. 50).--Monsieur Bornais voyage, par Robert Duquesne (Librairie Universelle, 3 fr. 50).--Le Toit des autres, par Philippe Chaperon (Fasquelle, 3 fr. 50).--Amour oblige, par Léon Barracand (Plon-Nourrit, 3 fr. 50). --La Bienfaitrice, par Louise Zeyss (Hachette, 3 fr. 50). --La Messe de onze heures et demie, par Fernand Médine (Fontemoing, 3 fr. 50).

Théâtre.

Le Duel, par Henri Lavedan (Ollendorff, 3 fr. 50).

--Le Coeur et la Loi, par Paul et Victor Margueritte (Rueff, 2 fr.).

Voyages.

Mission scientifique du Bourg de Bozas, de la mer Rouge à l'Atlantique (De Rudeval, 30 fr.).--Documents scientifiques de la mission saharienne Foureau-Lamy (tomes I et II avec album de cartes, Masson et Cie).

Divers.

L'État et la Liberté (1879-1883), par Waldeck-Rousseau (Fasquelle, 3 fr. 50).--Les Grands Musiciens: Palestrina, par Michel Brenet (Alcan, 3 fr. 50).

--Dans l'ombre chaude de l'islam, par Isabelle Eberhardt (Fasquelle, 3 fr. 50).--La Bataille de Tsoushima, par le capitaine Klado (Berger-Levrault, 3 fr. 50).

--Le Gouvernement de la Défense nationale: procès-verbaux des séances du conseil, publiés par Henri des Houx (Charles-Lavauzelle, 3 fr. 50).--Histoire des théâtres de société, par Léo Claretie (Librairie Molière, 4 fr.).--François-Joseph intime, par H. de Weindel (Juven, 3 fr. 50).--Les Eléments sociologiques de la morale, par Fouillée (Alcan, 7 fr. 50).--Mémoires d'un bébé d'un an, par le docteur Courgey (Jouve, 3 fr. 50).--Après la séparation, par le comte d'Haussonville (Perrin, 0 fr. 50).

Poésie.

Verroteries, par Jacques Redelsperger (Fasquelle, 3 fr. 50).

Annuaires.

Almanach Hachette 1906.--Armées et Flottes militaires en 1905 (Berger-Levrault, 1 fr.).



DOCUMENTS et INFORMATIONS

L'audition chez les sourds-muets.

Contrairement aux idées très généralement admises, il existe très peu de sourds-muets qui soient absolument sourds, c'est-à-dire qui n'entendent aucun son.

Au contraire, les sourds-muets, presque tous; entendent certains sons; mais, contrairement à ce qui se passe pour une oreille normale, ce sont les sons très graves qu'ils peuvent percevoir.

M. Marage, notant cette particularité, rappelle que certains animaux inférieurs, par exemple les araignées, absolument dépourvus de tout organe auditif, sont également très sensibles aux sons graves.

C'est qu'on se trouve là en présence d'un phénomène de tact et non d'un phénomène d'audition.

Aussi les sourds-muets sensibles seulement aux sons graves sont-ils toujours incapables de développer leur capacité auditive.

Les abeilles, les insectes et les fleurs.

C'est une question fort controversée de savoir si les insectes, en général, et les abeilles, en particulier, sont attirés par l'éclat des fleurs ou par leur parfum. Il y a quelques semaines, M. Félix Plateau signalait à l'Académie royale de Bruxelles le cas suivant: si l'on place un miroir, avec une inclinaison convenable, à 20 ou 40 centimètres de fleurs naturelles, les insectes qui viennent se poser sur ces fleurs semblent ne prêter aucune attention aux images réfléchies. Le savant belge se croyait autorisé à conclure que ce n'est pas la vue des fleurs qui attire les insectes.

M. Gaston Bonnier, qui partage cette opinion, vient de communiquer à l'Académie des sciences le résultat d'observations prouvant surtout combien il est difficile de se prononcer en matière si délicate. Lorsque des abeilles sont occupées, l'après-midi, à recueillir de l'eau sur les feuilles des plantes aquatiques, elles ne touchent pas au miel qu'on leur présente sur ces feuilles ou sur des flotteurs de diverses couleurs Si, au contraire, on tente l'expérience le matin, les gouttes de miel sont rapidement enlevées. Le savant professeur explique la chose par le rigorisme «coutumier» avec lequel les abeilles observent leur consigne. Quand elles sont «commandées» pour aller chercher de l'eau, elles ne se permettraient pas de récolter du miel; le matin, au contraire, il est tout naturel que les abeilles «chercheuses», envoyées en reconnaissance pour trouver un champ de butin, s'empressent de signaler à leurs troupes le miel qu'elles rencontrent. Ce que nous savons des moeurs des abeilles rend assez vraisemblable cette interprétation ingénieuse.

Le puits de Notre-Dame de l'Épine.


     Un puits dans l'église de
     Notre-Dame de l'Epine.

Le hameau de l'Epine, à 8 kilomètres de Châlons-sur-Marne, possède une admirable église gothique assez peu connue, bien qu'elle continue à être le but d'un pèlerinage jadis fort célèbre, et qu'elle présente diverses particularités intéressantes dont l'une tout à fait exceptionnelle et peut-être unique en son genre. Au milieu d'une des branches du transept existe un puits surmonté d'une armature en fer forgé portant cette inscription: Puits de la sainte Vierge. C'est un devoir pour chaque pèlerin de boire ou d'emporter un peu de son eau.

La construction de l'église actuelle date du commencement du quinzième siècle. Le puits, mentionné pour la première fois en 1629, semble avoir été creusé à l'époque des guerres de religion, en vue des attaques que pourraient avoir à subir les catholiques réfugiés près de l'autel. Les troupes huguenotes, en effet, traversèrent plusieurs fois le pays à la fin du seizième siècle; d'après Baugier, l'amiral de Coligny et son frère «s'en allant en Allemagne» assiégèrent l'église de l'Epine «avec une bonne armée», d'ailleurs sans succès. Cette opinion paraît d'autant plus vraisemblable que le portail du midi est «fortifié» par deux tourelles, et que les traditions relatives à une statue miraculeuse fort ancienne, existant encore aujourd'hui, sont muettes à l'égard de ce puits dont elles n'auraient sans doute point manqué de s'occuper s'il s'y rattachait quelque pieux souvenir.

Le traitement des fièvres éruptives par la lumière rouge.

On avait déjà préconisé l'emploi de la lumière rouge dans le traitement de la variole. Sous son influence, les pustules suppureraient moins abondamment, les cicatrices seraient moins profondes et moins apparentes.

Voici qu'on recommande cette même méthode contre la scarlatine. Un médecin de Nuremberg a soumis un assez grand nombre de petits scarlatineux à la lumière rouge. Chez tous, il aurait vu la rougeur de la peau diminuer rapidement et la défervescence fébrile se produire plutôt que d'habitude.

D'après cet observateur, il faudrait ne retirer les malades de la chambre rouge que lorsque l'exposition à la lumière du jour ne détermine plus de rubéfaction de la peau.

Une locomotive à seize roues.


Nouvelle locomotive «de force», à seize roues,
mise en service par la Compagnie du Nord.

La Compagnie du Nord vient de mettre en mouvement un nouveau «monstre» imaginé par M. du Bousquet. C'est une immense locomotive destinée surtout à tramer d'énormes charges sur les dures rampes de certaines parties du réseau, par exemple de Valenciennes à Hirson. Elle est en quelque sorte double, car ses essieux sont répartis en deux groupes formant ce qu'en terme de métier on appelle deux «bogies» moteurs. Les roues sont plus volumineuses (1m,45 de diamètre) que dans les modèles courants et au nombre de douze; en outre, entre les deux bogies, il y a quatre petites roues, qui supportent une couple d'essieux et, supprimant le porte à faux, donnent de la stabilité à l'ensemble. Les cylindres à haute pression sont placés sur la partie arrière de la locomotive, tandis qu'en avant se trouvent les cylindres à basse pression et les deux caisses latérales contenant l'approvisionnement d'eau de la machine. La longueur totale de la locomotive est d'environ 16 mètres; elle donne un effort de traction de 18.607 kilogrammes, pouvant atteindre 24.064 kilogrammes quand on marche en admission directe, ce qui est moins économique et n'est que momentané. Malgré sa grande longueur, grâce à ses larges roues, la locomotive peut cheminer sur des courbes assez étroites, de 90 mètres par exemple, mais, naturellement, à allure assez lente; sur les portions faciles du parcours desservi, elle marche néanmoins à 60 kilomètres à l'heure, une bonne vitesse pour un «poids lourd» de cette dimension imposante.

Un nouveau procédé d'éclairage scénique.

Un peintre espagnol, M. Marinno Fortuny, propose, pour l'éclairage des scènes de théâtre, un système original. Actuellement, la scène reçoit de la lumière directe projetée, en général, par des lampes à incandescence; quelquefois par des lampes à arc installées dans les coulisses ou dans la salle. Il en résulte des ombres portées d'un effet au moins désagréable à l'oeil, quand elles n'enlèvent as l'illusion de la perspective. A cette lumière directe, M. Fortuny substitue la lumière diffuse. Le plafond de la scène est formé par une voûte en toile blanche, sur laquelle on projette la lumière de l'arc voltaïque réfléchie d'abord par une bande où est imitée la couleur du ciel. Cette bande étant mobile, il suffit d'y peindre des gammes différentes et de la faire glisser sous le faisceau lumineux pour produire une succession de nuances aussi variées et aussi graduées qu'on le désire. En utilisant à la fois deux ou trois bandes placées en des points plus ou moins distants, on réaliserait sur la voûte céleste des effets de coloration inconnus jusqu'à ce jour. Enfin, on pourrait opposer aux rayons de certaines lampes des miroirs où l'on aurait peint des nuages qui se trouveraient eux-mêmes projetés sur le ciel et dont la marche serait obtenue par un simple déplacement du miroir.

La lumière ainsi réfléchie enveloppant toute la scène, les décors et les personnages se trouveraient dans des conditions naturelles d'éclairage et l'illusion scénique y gagnerait beaucoup. En théorie, le procédé semble parfaitement rationnel; l'expérience seule nous fixera sur sa valeur pratique.

Un gaz réfractaire.

On sait que, par l'application simultanée du froid et de la pression, les physiciens sont arrivés à liquéfier et même à solidifier tous les gaz. Un seul résiste de façon désespérée à tous leurs efforts: c'est l'hélium. D'après ce que l'on sait jusqu'ici, par les expériences que vient de faire M. Olszewski, l'hélium est le corps qui exige la température la plus basse pour pouvoir exister sous forme solide. Ce solide deviendrait liquide à des degrés de chaleur extrêmement bas. La glace devient eau à 0° C et l'eau devient vapeur par l'ébullition à 100° C (et avant). L'hélium, lui, entrerait en fusion à une température qui est dans le voisinage de 300 ou 350° au-dessous de zéro, et l'hélium liquide se mettrait à bouillir à 275° au-dessous de zéro, environ. On n'a pas encore pu réaliser cette température: M. Olszewski a obtenu celle de--259° C, c'est-à-dire 14° absolus--le zéro absolu est à 273° au-dessous de zéro centigrade--mais l'hélium est resté gazeux; il n'a pas témoigné de la moindre velléité de se liquéfier. On en est à se demander si l'hélium ne serait pas un gaz permanent, le seul de son espèce, probablement.

Le prix de revient du cheval hydroélectrique.

Partout où l'on peut utiliser la chute des torrents ou des rivières, l'industrie moderne s'efforce de se procurer la force au plus bas prix. Mais ce «plus bas prix» est très variable.

Une revue d'électricité s'est occupée d'établir ce prix pour un certain nombre d'installations et arrive à des résultats dont la diversité étonne. Ainsi, à l'usine de la Praz, sur le torrent de l'Arc, le cheval revient à 212 francs. A Saint-Michel-de-Maurienne, sur la Valoirette, il ne coûte guère plus: 220 francs. Mais à la chute de Jonage (Société des Forces motrices du Rhône), le prix est très élevé, étant de 1.800 francs.

Les chiffres que nous venons d'indiquer sont les extrêmes. A Hauterive, en Suisse, le cheval revient à 600 francs; à Méran, dans le Tyrol, à 400 francs; à Dalf-Elf, qui alimente Stockholm, à 160 kilomètres de distance, à 760 francs; à Mansboe, en Suède, à 760 francs également; à Chedde, sur l'Arve, à 220 francs; à Saint-Béron, survie Guiers, à 270 francs. On compte encore 214 francs à la chute de Giffre;230 à Gavet-Livet; 235 à la chute du Rhin; 420 à Esparraguerra, en Catalogne; 400 à Grenade, et 800 à la chute de l'Ericht, en Écosse. De 212 à 1.800 francs, la différence est grande; elle s'explique par les variations de hauteur de chute et de débit d'eau et des dépenses d'aménagement.

Le prix de revient du cheval doit donc varier considérablement.

Un geyser à Hammam-Meskoutine.

Le petit village d'Hammam-Meskoutine, situé à 14 kilomètres de Guelma, dans un des sites les plus pittoresques de l'Atlas, est environné de sources thermales célèbres qui, en dehors de leurs sérieuses vertus thérapeutiques, présentent, au point de vue de leur formation et de l'aspect qui en est résulté, un intérêt exceptionnel. Il vient de s'y produire un phénomène assez rare.

Le squelette du terrain est tout entier le produit des eaux thermales qui, au contact de l'air, laissent déposer une certaine quantité de matières minérales en dissolution.

Il y a plusieurs siècles, l'eau jaillissait par des trous isolés, autour desquels les dépôts calcaires formèrent des cônes jusqu'à la hauteur que la pression de l'eau ne pouvait plus vaincre. Ces cônes se sont alors bouchés; ils subsistent près de l'établissement thermal, au nombre d'une centaine, d'une hauteur de 1 à 15 mètres. On en voit un dans le fond d'une de nos gravures.

Aujourd'hui, l'eau sort encore par des griffons isolés qui se déplacent de temps à autre; mais, au lieu de s'élancer en gerbe, elle s'épand en magnifiques cascades dont le débit atteint 200.000 litres par heure, avec une température de 72 à 96° C. C'est l'eau la plus chaude connue après celle des geysers d'Islande (109°) et d'un groupe de sources des Philippines (98°).


La grande cascade d'eau chaude.

Le 13 novembre dernier, à 11 heures du matin, les touristes déjeunant à Hammam-Meskoutine entendirent soudain une forte détonation et aperçurent un jet de vapeur considérable sortant du sol, à une dizaine de mètres d'un ancien cône. On distingua bientôt une colonne d'eau qui, depuis lors, jaillit sans intermittence, avec accompagnement d'un bruit sourd, à une hauteur variant, suivant l'heure, de 3 à 6 mètres. Ce geyser sort du roc; mais, tout autour, à une dizaine de centimètres sous terre, on trouve du soufre en cristaux et en poudre. Le débit est de 450 litres par minute. L'eau, très sulfureuse, d'une limpidité de cristal, a une température de 97 degrés, supérieure d'un degré à celle des sources les plus chaudes du groupe.


Un geyser jailli le 13 novembre dernier. Dans le fond, «cône» d'un ancien geyser.

LES SOURCES THERMALES D'HAMMAM-MESKOUTINE (ALGÉRIE)



LE GÉNÉRAL SAUSSIER

Le général Saussier, ancien généralissime de l'armée française, est mort, le 19 décembre, dans sa soixante-dix-huitième année.


  Le général Saussier, mort le 19 décembre.

Né à Troyes, le 16 janvier 1828, il était sorti de Saint-Cyr en 1850. Après avoir pris part aux campagnes d'Afrique, de Crimée, d'Italie, du Mexique, colonel à quarante-deux ans, il commandait, au moment de la guerre de 1870, le 41e régiment d'infanterie, qui combattit à Borny, à Gravelotte, à Saint-Privat. Lors de la capitulation de Metz, il signa avec ses officiers une énergique protestation, fut emmené prisonnier en Allemagne, mais réussit à s'évader et à rejoindre l'armée de la Loire, où il reçut le commandement d'une brigade. En 1871, il allait en Algérie contribuer à la répression de l'insurrection arabe.

En 1873, le département de l'Aube l'ayant élu député à l'Assemblée nationale, il y siégea au centre gauche et intervint utilement dans la discussion des projets de loi relatifs à notre réorganisation militaire.

En 1876, à l'expiration de son mandat législatif, il reprenait dans l'armée la position d'activité, pour se consacrer exclusivement désormais à sa carrière de soldat. Promu divisionnaire en 1878, il était placé à la tête de la 11e division d'infanterie, dite la «division de fer», à Nancy, puis, au bout de quelques mois, appelé au commandement du 19e corps, à Alger; il le quittait en 1880 pour celui du 6e corps; mais, l'année suivante, il était renvoyé en Afrique, où les événements de Tunisie nécessitaient la présence d'un chef éprouvé.

Il fut, en 1884, nommé gouverneur militaire de Paris, poste qu'il occupa pendant plus de treize ans. En outre, comme président du conseil supérieur de la guerre, il devint le généralissime désigné, en cas de mobilisation.

A la fin de 1887, lorsque M. Grévy donna sa démission de président de la République et fut remplacé par M. Sadi-Carnot, le général Saussier obtint, au Congrès, sans avoir posé sa candidature, 188 voix.

Lorsqu'il fut, le 15 janvier 1893, atteint par la limite d'âge des divisionnaires, le gouvernement le maintint en activité comme ayant commandé en chef devant l'ennemi. Toutefois, à soixante-dix ans, en 1898, il dut résigner son haut commandement, pour rester seulement membre hors cadre du conseil supérieur de la guerre. Enfin, le 15 janvier 1903, âgé de soixante-quinze ans, il demanda à être relevé aussi de ces dernières fonctions et vécut depuis dans la retraite, à Luzarches (Seine-et-Oise), où il vient de s'éteindre.

Le général Saussier était grand-croix de la Légion d'honneur et décoré de la médaille militaire; il comptait 54 ans de service effectif, 24 campagnes, 3 blessures et 5 citations à l'ordre de l'armée.

LA GRÈVE DES POSTES ET TÉLÉGRAPHES EN RUSSIE

La grève qui a éclaté parmi les employés des postes et télégraphes de plusieurs des grandes villes de la Russie, à commencer par Saint-Pétersbourg et Moscou, a donné lieu à certains épisodes assez pittoresques. Nulle autre ne pouvait avoir d'inconvénients aussi graves. Il fallut en toute hâte s'efforcer de les atténuer dans la mesure du possible. Des télégraphistes militaires assurèrent, tant bien que mal, le service des appareils télégraphiques. Pour les besognes plus aisées, la distribution des lettres, la confection des plis, on eut recours aux garodovoïs, ou gardiens de la paix, aux dvorniks, ou portiers, qui sont aussi sous la dépendance de la police. Le service, comme on pense, laissa quelque peu à désirer, ainsi confié à des gens privés de toute expérience professionnelle. Mais le plus curieux, ce fut de voir des personnalités appartenant à la meilleure société, au monde de la cour, venir, avec une jolie crânerie, mettre à la disposition de l'administration leur bon vouloir et tout leur temps libre.

Et c'est ainsi que Mlle Zinovief, fille de l'ancien adjoint au ministère de l'Intérieur, précisément chargé de la direction de l'administration postale, le prince Obolensky, le prince Kotchoubey, le comte Mordvinof, bien d'autres encore, des officiers, de hauts fonctionnaires, vinrent prendre, dans les bureaux ou aux guichets, la place des employés défaillants.




(Agrandissement)



NOUVELLES INVENTIONS

(Tous les articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)

LE SUDROPHONE

Voici un nouveau type d'instruments de cuivre qui marque un progrès incontestable, presque une révolution, dans l'art musical.

Ce type comprend toute la série des instruments de cuivre, c'est-à-dire les saxhorns, du bugle à la contrebasse, ainsi que les cornets, cors, trompettes et trombones. Semblables à tous les instruments à pistons connus, ils se jouent de la même façon, avec les mêmes embouchures et le même doigté; la forme en est un peu différente, mais elle paraît plus gracieuse. L'instrument, d'ailleurs très doux à jouer, est plus portatif; de plus, il se démonte avec une extrême facilité, pour se placer dans des sacs ou étuis petits et maniables.

Mais ce qui fait du Sudrophone un instrument nouveau et qui lui vaut d'être signalé à l'attention de tous les musiciens, de tous les chefs d'orchestre, c'est l'adaptation d'une membrane vibrante fixée dans un petit tube appliqué sur le pavillon et que l'exécutant peut mettre, sans quitter l'embouchure des lèvres, en contact avec la colonne d'air sonore. Les vibrations propres de la membrane vibrant à l'unisson de la colonne d'air modifient le timbre de l'instrument. Selon que la membrane, au moyen d'une clef, est plus ou moins tendue, le timbre change instantanément, en restant toujours d'une pureté de sons remarquable. De sorte que l'on peut donner avec ce seul instrument la sensation d'instruments de cuivre, de bois ou à cordes (violoncelle); et émettre, dans le cuivre ou dans le bois, des timbres différents.

Ce qui revient à dire que l'on peut, avec cet instrument à embouchure, jouer les parties d'instruments à cordes et à anches, et les suppléer d'une façon parfaite. C'est la possibilité de corser par les sons du violoncelle, les fanfares, orphéons jouant en marchant.

Cette nouvelle invention permet, par conséquent, aux fanfares et harmonies de s'enrichir, sans aucune dépense, de sonorités correspondantes à celles des grands orchestres. Les chefs de musique disposent ainsi d'éléments nouveaux, leur permettant, par leur richesse instrumentale, d'aborder des compositions qui leur étaient jusqu'à présent inaccessibles.

Ajoutons que la membrane des Sudrophones est d'une parfaite solidité et susceptible d'un très long usage: elle peut du reste se changer aussi facilement qu'une anche de clarinette.

S'adresser à MM. F. Sudre et Cie, 13, boulevard Rochechouart, Paris.




Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés
en titre ne nous ont pas été fournis.








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1905, by Various

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