The Project Gutenberg EBook of L'A. B. C. du libertaire, by Jules Lermina This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: L'A. B. C. du libertaire Author: Jules Lermina Release Date: January 31, 2007 [EBook #20490] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'A. B. C. DU LIBERTAIRE *** Produced by Carlo Traverso, Chuck Greif and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) PHILOSOPHIE LIBERTAIRE Jules Lermina L'A. B. C. DU LIBERTAIRE PRIX: 10 CENTIMES PUBLICATIONS PÉRIODIQUES DE LA COLONIE COMMUNISTE D'AIGLEMONT (ARDENNES) FÉVRIER 1906 [Illustration: communisme expérimental «L'ESSAI» colonie d'Aiglemont. (Ardennes)] Au Lecteur, _Les idées libertaires sont peu connues ou faussées à dessein par ceux contre lesquels nous luttons et dont l'égoïste intérêt maintient l'erreur et l'ignorance au prix des pires mensonges._ _La série de publications que nous commençons aujourd'hui avec l'aide de camarades qui trouvent tout naturel d'exprimer ce qui leur semble juste et vrai est un complément à l'oeuvre que nous avons commencée à Aiglemont._ _Nous estimons que la diffusion des principes anarchistes, que le libre examen et la juste critique de ce qui est autour de nous ne peuvent que favoriser le développement intégral de ceux qui nous liront._ _Montrer combien l'autorité est irrationnelle et immorale, la combattre sous toutes ses formes, lutter contre les préjugés, faire penser. Permettre aux hommes de s'affranchir d'eux-mêmes d'abord, des autres ensuite; faire que ceux qui s'ignorent naissent à nouveau, préparer pour tous ce qui est déjà possible pour les quelques-uns que nous sommes, une société harmonieuse d'hommes conscients, prélude d'un monde de liberté et d'amour._ _Voilà notre oeuvre; elle sera l'oeuvre de tous si tous veulent, animés de l'esprit de vérité et de justice, marcher à la conquête d'un meilleur devenir._ LA COLONIE D'AIGLEMONT. Mon jeune Camarade, tu m'as demandé, non sans quelque intention ironique, de t'expliquer ce qu'est, ou plutôt ce que doit être un libertaire; te sachant de bonne volonté, quoique avec une tendance atavique à railler ce que tu n'as pas encore compris, je vais tenter de satisfaire ta curiosité. Seulement garde-toi de croire que je me pose, vis-à-vis de toi, en docteur et en prophète; et dès le premier moment, prépare-toi non à accepter mes affirmations comme des dogmes contre lesquels rien ne prévaut, mais au contraire à les discuter, à les passer au crible de ta propre raison et à ne les admettre comme vérités que lorsque tu te seras convaincu, par tes propres lumières, qu'elles ont droit à ce titre. Il n'est d'éducation sérieuse et profonde que celle qu'on se donne à soi-même. Chacun doit être son propre maître et la mission de ceux qui croient savoir est non pas d'imposer leurs opinions, mais de proposer à autrui avec arguments raisonnés, les idées-germes qui doivent fructifier dans son propre cerveau. Tout d'abord, remarque ceci: toutes les fois qu'un homme parle de bonheur universel, de bien-être général, de joie mondiale et de paix terrestre, un cri s'élève contre lui, fait de colère et de mépris. D'où vient cet importun, ce fou, qui croit à la possibilité du bonheur! À quel titre se permet-il de réprouver la lutte féroce des hommes les uns contre les autres? Le bien est une utopie, il n'est de réalité que le mal et le devoir de tout être raisonnable est d'aggraver le mal en livrant tous les biens terrestres à la concurrence, à la bataille, et en appelant à son aide la brutalité et la mort. Non seulement celui qui veut l'humanité heureuse est taxé de folie, mais bien vite on le qualifie de criminel, d'être essentiellement dangereux, on le poursuit, on le traque et, si l'on peut, on le tue. Donc, mon jeune Camarade, commence par t'interroger, demande-toi si tu te sens prêt à subir toutes les avanies, toutes les persécutions, sans te décourager et sans reculer. Sache bien que pour vouloir le bonheur d'autrui, tu seras traité en ennemi, en paria, tu seras mis au ban de toutes les civilisations, tu seras chassé de frontière en frontière jusqu'au moment où des exaspérés t'abattront comme bête puante. Si au contraire tu suis les errements ordinaires, si, t'emparant de toutes les armes matérielles et immorales que la civilisation a forgées, tu te jettes résolument dans la vie dite normale, si tu essaies d'écraser les autres pour te faire un piédestal de leurs corps, si tu parviens à ruiner, à affamer le plus d'êtres humains possibles pour te constituer de leurs dépouilles une fortune opulente, si tu prends pour objectif glorieux la guerre des hommes contre les hommes, si tu rêves victoire, gloire et domination, si tu rejettes tout scrupule, tout enseignement de conscience, si tu pars de ce principe: «Chacun pour soi!» et que tu le développes jusqu'à parfaites conclusions... Alors tu deviendras riche--en face de la misère des autres--puissant par l'abaissement et l'humiliation de tes congénères, tu jouiras de leurs souffrances et vivras de leur mort, tu collectionneras les titres, les privilèges, tu te chamarreras de décorations et tes complices te feront de splendides funérailles... Seulement tu seras un égoïste, un méchant, un véritable criminel... Justement le contraire de ce qu'est et ce que doit-être un libertaire. * * * Car le libertaire est un juste, c'est-à-dire un homme qui est au-dessus et en dehors de la Société, qui ne se paie pas des mots mensongers d'honneur et de vertu, banalités qu'inventèrent les civilisés pour dissimuler leurs tares et leurs vices, qui renie tous les faux enseignements des philosophes menteurs et des théoriciens hypocrites, qui n'accepte aucun compromis, aucun marché, aucune concession, qui en un mot veut la justice, la seule justice, pour lui-même et pour tous, contre tous et contre lui-même. Défie-toi de toi-même, Camarade. Voici pourquoi. Tu es venu sur cette terre avec les instincts de l'animalité dont tu procèdes; tu descends d'êtres brutaux, ignorants, violents et ton atavisme est fait de brutalité. Chez ceux qui se croient les meilleurs, le fond est mauvais, d'abord parce que l'homme est un animal en voie de perfectionnement, mais non point parfait, mais encore et surtout parce que, dès ta naissance, tu as respiré l'air empoisonné des civilisations, que tes yeux à peine ouverts ont vu le mal, que tes oreilles ont entendu l'injustice et que, malgré toi, et sans que, jusqu'ici, on puisse te déclarer tout à fait responsable, tu es pénétré des vices sociaux, jusqu'au fond de tes moelles. On ne naît pas, on se fait libertaire. Ne pas croire que soit facile ce travail de régénération personnelle. On ne s'élève pas à la notion de justice par une sorte d'inspiration miraculeuse, par une révélation d'en haut. C'est par un effort constant, par une critique perpétuelle de soi-même, par un examen toujours plus attentif des faits ambiants que peu à peu on parvient à se débarrasser de la gangue de préjugés et de mensonges formée par l'alluvion des siècles. Un jour vient alors où soudain jaillit devant les yeux la lueur directrice. Remarque bien ceci, Camarade, tu ne seras dans la bonne voie que lorsque tu verras ta conscience. Cherche-la, trouve-la, ne te contente pas d'un à peu près et alors même qu'elle te paraîtra pure et juste, aie le courage de l'étudier toujours de plus près; et tu constateras qu'il est encore bien des défauts à corriger, bien des fanges à nettoyer. * * * Débarrasse-toi de l'égoïsme. Certes il est bon de se sentir heureux, il est bon de jouir de la vie. Mais aie toujours présente à la pensée cette vérité que nul ne peut être complètement heureux tant qu'il existe un seul être malheureux. C'est là un de ces préceptes qui provoquent les haussements d'épaules des philosophes sociaux; il semble que le bonheur individuel suffise à satisfaire toutes les aspirations humaines. Meurent les autres, pourvu que je vive. Le raisonnement est à la fois inique et absurde. Le malheur des uns constitue toujours un danger et une menace pour les autres; une situation déséquilibrée est génératrice de réaction et l'être le plus profondément, le plus insolemment égoïste doit compter avec les revanches possibles et les retours offensifs des déshérités. D'où une perpétuelle inquiétude, une sensation d'instabilité qui gâte la jouissance... Sans parler du sentiment de compassion dont on cherche à se défendre par la charité mais qui subsiste au fond des consciences les plus fermées en apparence aux émotions généreuses. En réalité, dans l'état social actuel, nul ne peut, en parfaite sincérité, se tenir pour sûr du lendemain; la lutte quotidienne produit de terribles jeux de bascule et les plus hauts placés sont à la merci des chutes les plus profondes. Le libertaire veut un état social où l'envie, la jalousie, les pensées de reprise n'aient plus de place, c'est-à-dire où tous, vivant dans la plénitude de leur liberté, dans l'épanouissement total de leurs facultés, dans la satisfaction intégrale de leurs besoins, n'aient plus à se disputer les uns aux autres les moyens de vivre. Ceci, cher Camarade, est l'antithèse absolue des doctrines autoritaires et religieuses. L'autorité n'est établie que pour sauvegarder, défendre et perpétuer les inégalités sociales; la législation propriétaire, l'armée, la police, la magistrature, les codes et les règlements n'ont été instituées que pour cautionner l'état de déséquilibre qui a été imposé aux hommes par la Société, pour enchaîner la liberté des uns au profit de celle des autres, pour éterniser les mesures de spoliation qui ont créé la misère du plus grand nombre. D'où cette conclusion que le libertaire, ne s'arrêtant à aucune considération de tradition, entend modifier de fond en comble le système social en détruisant ces bases iniques qui s'appellent l'autorité et la propriété, les autres réformes venant ensuite par surcroît en vertu de conséquences inéluctables. * * * Si tu m'as bien compris, cher Camarade, tu vois déjà poindre la lumière; tu commences à savoir que ton premier effort, le plus utile de tous, doit être de rejeter tous les dogmes sociaux dont ta mémoire et te conscience sont encombrés. Aie d'abord la notion de l'insoumission aux maximes banales, aux préceptes qui n'ont de la vérité que l'apparence menteuse. Délivre-toi de toute croyance irraisonnée, de toute foi. Quelle que soit l'idée qui est émise devant toi, quelque affirmation péremptoire, quelque impératif catégorique que tu lises dans les livres, ne t'arrête ni à l'autorité de la tradition ni à la prétendue valeur d'un mot ou d'un nom. Prends le dogme et regarde-le de près; et toujours tu le verras s'amoindrir, s'effriter comme une pelote de neige que pressent les doigts d'un enfant. Ainsi du dogme de Dieu, encore aujourd'hui le plus vivace. En la majorité, on pourrait presque dire en l'unanimité de ceux qui s'intitulent libres penseurs, cette idée est si profondément imprimée que, se déclarant incrédules à tous les mystères, dédaigneux de tous les rites, opposés à toutes les manifestations religieuses, ils émettent, dès qu'on les presse dans leurs derniers retranchements, cette restriction qu'ils n'admettent rien, mais qu'ils ne nient pas expressément l'existence de Dieu. Ils ne comprennent pas que cette simple acceptation suffit aux exploiteurs de religions. Car Dieu, c'est l'autorité, c'est la hiérarchie, c'est la nécessité de la prière, c'est le temple, c'est le prêtre. On ne crée pas un dieu de fantaisie, perdu dans les brumes de l'inconnaissable, pour ne point, très promptement, chercher à le rapprocher de soi. Bien vite, on parlera de sa bonté, de sa justice, et comme tout autour de nous n'est que déséquilibre et injustice, le pas sera vite franchi vers des compensations paradisiaques tenues en réserve par son infinie miséricorde. Et toujours cette antienne: Dites tout ce que vous voudrez, l'idée de Dieu est nécessaire. En effet, elle est nécessaire pour tous ceux qui n'ont pas le courage d'envisager la situation réelle, à savoir que nous sommes le produit d'une évolution cosmique dont le secret jusqu'ici nous échappe, mais qu'en même temps, il est un fait certain, positif, c'est que, dans la mesure de nos forces, la terre nous appartient et que notre devoir est de tirer le meilleur profit possible de l'habitat qui nous a été dévolu, de le transformer, par l'emploi de toutes nos énergies vitales, en un séjour de bien-être et de moindre souffrance possible. Si tu te places à ce point de vue, le seul digne de ta raison, immédiatement s'éloigne et s'efface l'idée de Dieu. En quoi un Dieu nous est-il nécessaire pour que nous défrichions la terre, pour que nous développions ses productions, pour que la vie devienne meilleure et plus facile? Nous sommes en possession d'un appareil qui, en vertu de certaines dispositions constitutives, peut fournir à nos besoins, et au-delà. Nous constatons scientifiquement que rien ne s'obtient sans travail; nous savons que si l'homme ne fait effort, la terre reste inculte et cruelle à ses fils. Elle les empoisonne par ses méphitismes, elle les écrase sous ses écroulements, elle leur refuse le fruit de son sein qu'il faut violer pour qu'il nous réconforte. Où intervient Dieu en cela? On nous dira qu'il est la force latente. Alors, cette force ne s'exerçant, en dehors du travail de l'homme, que pour produire la peste ou la famine, avouez toutefois qu'il n'est aucun motif de le vénérer. Oui, cette force existe, c'est la poussée vitale. Nous la constatons, mais en quoi est-il nécessaire de l'adorer, puisque nous avons à la diriger et à l'améliorer. Il nous faut l'étudier en ses effets, en ses causes immédiates et la contraindre à donner le maximum de résultats qu'elle contient en elle-même. Dieu te sert-il en ce labeur? En es-tu à croire que des prières amènent la pluie et qu'un quartier de roc s'écarte parce que tu le barres d'un signe de croix? Tu sais bien que les prétendus miracles sont autant de mensonges et à mesure que l'instruction se répand, à mesure que disparaît la folie du mysticisme, pas un fait ne se produit qui soit contraire aux lois de la gravitation ou des transformations chimiques. Dieu est-il nécessaire pour que le blé pousse? Quand nous a-t-il prêté son aide pour détourner un torrent? Où est sa part dans la construction des chemins de fer, des paquebots ou des appareils télégraphiques? Est-ce que, dans les actes quotidiens de la vie, tu éprouves la nécessité de l'existence d'un Dieu? Tu vis sans lui et en dehors de lui, et n'y songerais jamais si certains n'avaient intérêt à sans cesse te rappeler son nom et à affirmer son existence. Et ceux-là sont les exploiteurs de tes faiblesses et de tes lâchetés. Oui, Dieu est nécessaire pour établir le dogme de l'autorité et de la hiérarchie. C'est sur l'idée de son existence qu'est basée toute l'organisation anti-égalitaire de la Société. L'idée de Dieu est le substratum de toute domination qui, ne pouvant se justifier par aucun autre titre, s'en réfère à une sorte d'investiture céleste. Pour le roi, pour le chef, pour le possédant, pour l'accapareur, l'idée de Dieu est nécessaire parce que c'est d'elle seule qu'ils tiennent l'apparence d'un droit. Ils ont inventé le maître pour pouvoir s'en déclarer les délégués et opprimer les masses en son nom. Dieu est nécessaire pour le propriétaire: car s'il n'avait pas inventé cette fiction d'un Dieu répartiteur du sol, il n'aurait pu imaginer cette sinistre fantaisie de l'appropriation perpétuelle, fondée sur la conquête, c'est-à-dire sur le vol. C'est la Force qu'ils ont acclamée Dieu, et toutes leurs énergies se sont concentrées sur la défense de ce mensonge, qu'ils utilisèrent à leur profit. L'idée de Dieu n'est nécessaire que pour les oppresseurs, pour les envahisseurs, pour les négateurs du droit collectif. Pour l'inculquer aux masses, on a eu l'infernale habileté de la compliquer de l'idée de compensation. Qui a souffert sur la terre jouira d'un bonheur éternel. Plus vous aurez été malheureux ici-bas, et plus vous serez heureux dans le ciel. D'où la résignation, d'où l'abandon par l'homme du bien qui lui appartient, la terre, au profit des brutaux et des aigrefins. À ceux-là, l'idée de Dieu est nécessaire parce que, grâce à elle, ils ont pu, pendant des siècles, arrêter les revendications du droit humain, parce que les ignorants, les humbles, les faibles ont été courbés sous la violence, et ont baisé la main qui les frappait et les dépouillait, dans l'espoir insensé d'une revanche céleste. Libère-toi de l'idée de Dieu, et, ne t'hypnotisant plus dans la contemplation du ciel, regarde la terre. C'est là ton outil de bien-être. Tu n'admettras plus que quelques-uns détiennent les biens qui sont à tous, tu n'admettras plus d'être soumis, pour toutes les nécessités de la vie, aux spéculations qui sont des meurtres organisés. Tu sentiras que la charité qui est faite au nom de Dieu n'est en réalité que la perpétuation de la misère. Tu sentiras la vérité de cette parole trop tôt proférée pour qu'elle fût bien comprise: Dieu, c'est le mal. Car Dieu, c'est la tyrannie sous toutes ses formes, c'est la propriété avec tous ses accaparements, c'est la divinisation de la souffrance, c'est la négation du droit au bien-être, au bonheur, à la jouissance des biens terrestres. C'est la souillure de nos aspirations physiques, de l'amour, de la génération. C'est la déshumanisation de l'humanité. Et cette idée, qui ne produit que de la souffrance, de la haine, de l'iniquité, serait nécessaire, fatale! Ceux qui disent cela et se croient de pensée libre sont des pusillanimes qui n'osent point user de leur raison. Il est au contraire nécessaire que l'idée de Dieu s'efface et disparaisse. Alors seulement, l'homme sera maître de sa force cérébrale tout entière et appliquera son effort à la réalisation du bien-être général, par l'exploitation solidaire du seul domaine qui soit à sa portée, la terre. L'esprit désobscurci du préjugé religieux, l'homme exercera sa pensée réellement libre, et pour lui, la vie changera de face. Cette liberté reconquise, il en usera dans toutes les circonstances, les préjugés engourdisseurs disparaîtront un à un et la vraie lumière éclatera. Voyons maintenant le penseur--déjà libéré du mensonge divin--aux prises avec les autres faux axiomes qui n'en sont d'ailleurs que des résultantes. * * * Te voilà au milieu des hommes, tes semblables, et en face de la terre dont, eux et toi, vous devez tirer votre subsistance. Les hommes sont tes égaux, tu es leur égal. Ici je te demande un peu d'attention. Quand tu parles d'égalité, aussitôt on te rabroue, en affirmant que l'égalité est une utopie, que la nature même la dénie, que les hommes viennent sur la terre avec des organismes dissemblables, les uns plus forts, les autres plus débiles; les uns, très intelligents, les autres, de faible cerveau, et de ces prémisses, on part pour justifier les inégalités sociales, la misère en face de la richesse, le salariat et le capitalisme, l'ignorance et l'éducation supérieure, et par suite, la bataille humaine avec ses égorgements et ses épouvantes. Et l'égalitaire se trouve pris de court et hésite à répondre. C'est qu'en ce point, comme dans toutes les discussions sociales, nous nous laissons tromper par une définition fausse, passée à l'état de dogme. L'égalité existe entre les hommes, au point de départ, c'est-à-dire que tous les hommes viennent sur la terre avec la volonté de vivre, avec des besoins matériels et moraux qui sont égaux en principe: l'homme qui a faim est l'égal de l'homme qui a faim. Les nécessités primordiales de l'existence sont les mêmes, et il y a égalité parfaite et complète dans cette formule indiscutable: --Tous les hommes, sans exception, ont la volonté et le droit de satisfaire leurs besoins et d'utiliser leurs facultés, physiques et morales. La mesure individuelle de ces besoins et de ces facultés est accessoire. Le fait mathématique--la volonté et le droit de vivre--est égal pour tous. En cela et en cela seul consiste vraiment l'égalité, et c'est elle qui doit être respectée par l'exercice--appartenant à tous--de ce droit de vivre. * * * Ici, Camarade, tu trouves sous tes pieds un terrain solide: fils de la nature, tu as--comme tous tes congénères, ni plus ni moins, mais autant qu'eux--le droit de vivre et ce droit nul ne peut t'empêcher--ni empêcher autrui--de l'exercer. Or d'où peuvent te venir les moyens de vivre, sinon de la terre. Donc la terre est à toi, comme à tous tes semblables. La faculté de l'exploiter et d'en tirer subsistance est inhérente à ton être, et nul n'a droit de la supprimer. Donc quiconque s'approprie une partie de cet instrument collectif de travail qu'est la terre commet un acte contraire au principe humain, donc la propriété, c'est-à-dire la main-mise de qui que ce soit sur une portion de terre, est un vol commis au préjudice de la collectivité. Et voici que la propriété--sacro-sainte--t'apparaît avec son véritable caractère d'accaparement et de spoliation, voici que ce dogme intangible se révèle en son évidence de brutalité et de crime antisocial. La terre est l'instrument de travail--c'est-à-dire de vie--de tous les hommes. Quiconque se l'approprie vole l'humanité, et quand il prétend donner à ce vol la sanction de la perpétuité, il commet un acte à la fois si illogique et si monstrueux qu'on s'étonne à bon droit qu'il ait pu être perpétré. Mais pour autoriser, pour éterniser cette iniquité, la Société, depuis des siècles, a créé cette autre iniquité, l'autorité, c'est-à-dire l'appel à la force contre le droit, le recours à la violence contre les justes revendications. En s'appuyant sur l'idée de Dieu, créateur et propriétaire universel, elle a imaginé, par un habile procédé d'escroquerie, la concession faite par cette puissance mystérieuse au profit de quelques-uns de la terre divisée en parcelles, et de cette injustice première, toutes les injustices ont découlé. Donc, Camarade, nie la propriété du sol comme tu as nié Dieu, comme tu vas nier tout à l'heure toutes les fantaisies criminelles et persécutrices dont la propriété est la source. * * * Par la propriété, la liberté a disparu, depuis le droit d'aller et de venir arrêté par des murs et barrières que défendent des gendarmes et des magistrats, jusqu'à la liberté du travail, le propriétaire étant maître de laisser ses terres en friche et de refuser à quiconque la faculté d'en extraire les éléments nécessaires à l'existence. La propriété n'est pas seulement le vol, elle est le meurtre, car c'est d'elle que procède l'exploitation de l'homme par l'homme, le droit mensonger du possédant à ne concéder le droit au travail qu'à son profit, en échange d'un salaire dérisoire; elle est la créatrice du prolétariat, la faiseuse de misère, la manifestation atroce et cruelle de l'égoïsme, de l'avidité et du vice, elle est la grande tueuse d'hommes. La propriété est le meurtre, car c'est en vertu de ce droit prétendu, appuyé uniquement sur la spoliation, sur la conquête et par conséquent sur la force, que des groupes d'hommes se sont déclarés seuls jouisseurs d'une portion plus ou moins vaste du sol, s'en sont prétendus les maîtres absolus, élevant entre leurs territoires respectifs des barrières sous le nom de frontières, et ont créé chez ces groupes, décorés du nom de nations, des sentiments de haine, de rivalité qui se traduisent perpétuellement par les pires violences, assassinats en nombre, incendies, viols et autres manifestations de la bestialité humaine. C'est le mensonge: car, alors qu'il est inscrit dans les constitutions particularistes que nous subissons que le droit de propriété est sacré et que nul n'en peut être privé, des millions d'hommes sont dépouillés de leur droit à la terre, au profit d'une caste dominatrice et exploiteuse. La propriété est l'expression de l'égoïsme à sa plus haute puissance: c'est l'usurpation brutale du bien de tous, de la terre qui appartient à la collectivité et sous aucun prétexte légitime ne peut être féodalisée au profit de quelques-uns. C'est d'elle que naissent toutes les injustices, tous les crimes, tous les forfaits dont l'histoire s'ensanglante... Elle se perpétue par l'héritage qui n'est que la continuation dans le temps d'une première iniquité commise. * * * La propriété a double forme, elle s'impose encore sous le nom de capital, et le capital est comme la propriété le vol, le meurtre et l'injustice. La terre appartenant à l'humanité toute entière, à la collectivité, aussi à l'humanité et à la collectivité appartiennent ses produits. C'est l'humanité, la collectivité qui mettent en valeur l'instrument terrestre que nous tenons de la nature, et le produit du travail nécessaire, général et collectif, appartient à tous les hommes, sans individualisation possible. Sur les ressources--richesses de toute nature--que fait jaillir du sol le travail humain, tous les hommes ont un droit équivalent, pour la satisfaction aussi complète que possible de leurs besoins matériels et moraux. * * * Tu auras beaucoup entendu parler, mon Camarade, de la prise au tas et de bon bourgeois se seront esclaffés devant cette expression quelque peu vulgaire. Il faut que le tas--collectif--des richesses produites soit assez considérable pour que tous y trouvent leur part légitime. Or que se passe-t-il aujourd'hui? Des gens, s'appuyant sur ce droit de propriété et sur la constitution illégitime d'un capital, amassent pour eux--des tas--dans lesquels ils puisent au gré de leurs caprices, tandis que des millions d'hommes sont dénués de tout. Ils sont entourés d'une horde de parasites qui repoussent, à coups de lois et à coups de fusil, ceux qui, mourant de faim, font mine de toucher à ces provendes monstrueuses. Ces capitalistes s'arrogent le droit de laisser pourrir des denrées--c'est leur pouvoir absolu--alors que des centaines d'hommes en vivraient; ils sont les rois, ils sont les maîtres, leur caprice est souverain, ils peuvent, quand ils le veulent, à l'heure choisie par eux, déchaîner la misère et la famine sur la collectivité. Ce sont des propriétaires qui, de par des coutumes admises appuyées sur la force, décident de la vie ou de la mort des masses prolétariennes. On a voulu nier que ce fussent les capitalistes et eux seuls qui déchaînent la guerre: quel intérêt eût le peuple allemand à la guerre de 1870? La victoire a augmenté ce qu'on appelle les forces industrielles du pays, c'est-à-dire que se sont constitués un plus grand nombre de groupes capitalistes, fondant d'immenses ateliers, des docks, des usines où les matières nécessaires à la vie, pour ne parler que de celles-là, sont l'objet de tripotages commerciaux qui en décuplent le prix et en rendent l'usage impossible aux prolétaires, parce que l'usinier, le grand industriel, loin de travailler pour la collectivité, ne songe qu'à s'enrichir lui-même--lui et ses actionnaires--au détriment des consommateurs, c'est-à-dire de la grande masse. Ces entreprises, nous dit-on, fournissent du travail à des millions d'ouvriers: c'est réel, seulement ce travail même auquel on est forcé d'avoir recours donne lieu à une rémunération calculée si avarement que l'ouvrier y trouve à peine de quoi ne pas mourir. Que lui importe la prospérité d'un pays qui ne se traduit que par des budgets impériaux ou des bilans de fortunes particulières, alors que lui-même est toujours pauvre, misérable et sacrifié? * * * Qu'il se révolte, qu'il s'empare des matières premières, des usines, qu'il les emploie au bénéfice de la collectivité, c'est la justice. Mais la propriété, mais le capital ont de longue date pris leurs précautions. Donnant au groupement des propriétés le nom de patrie, ils ont su inspirer à la foule une sorte de religieuse passion pour une entité invisible qu'ils abritent sous un symbole ridicule, le drapeau. Le troupeau humain, bête et sentimental, abruti depuis des siècles par l'idée de providence et de droits acquis, s'est laissé prendre à cette fantasmagorie de mensonges, et il admire les armées, brillantes, bruyantes, violentes, qui ont pour mission de défendre les propriétés et les capitaux des accapareurs contre d'autres accapareurs non moins déshonnêtes qu'eux-mêmes. On invoque pour justifier l'idée de patrie et l'existence des armées la nécessité de la défense légitime: le raisonnement serait juste si les masses prolétariennes étaient appelées au service militaire pour défendre un bien-être acquis et satisfaisant. Mais en est-il ainsi? Que telle nation en écrase une autre, le régime propriétaire et capitaliste en sera-t-il modifié, et la collectivité recouvrera-t-elle ses droits confisqués par les individus? Point. Victorieuse ou vaincue, toute nation reste soumise au joug de l'exploitation capitaliste, et les arcs de triomphe qu'élèvent les satisfaits ne sont pour la masse que les portes de l'enfer capitaliste. Seule, la guerre sociale est juste. Comprends bien, Camarade, je dis sociale--et non civile--parce que la lutte de la justice contre l'iniquité ne se renferme pas dans les limites d'un territoire défini: les exploités du capital--à quelque nation qu'ils appartiennent--sont les adversaires des capitalistes de toutes les nations, sans exception. La guerre qui a pour but la propriété d'une ville, d'une province, d'un royaume est inique: est juste la guerre qui a pour but l'abolition des privilèges, des exploitations et des spéculations, la reprise de la terre et de ses produits pour la collectivité. Des alliances peuvent et doivent être conclues entre les exploités de tous les pays--sans souci du nom géographique dont on les affuble--pour jeter bas l'immense et formidable Bastille qui, sous des milliers de formes diverses, symbolise la puissance propriétaire; la patrie du travailleur est partout où le droit règne, elle n'est pas là où l'iniquité est toute-puissante. Il ne s'agit plus ici d'un territoire quelconque; la patrie a une signification plus haute et profondément humaine. Car la patrie de l'homme, c'est la terre toute entière et elle sera digne de ce titre, c'est-à-dire paternelle à tous, quand, à la suite d'efforts dont le succès ne rentre pas, quoi qu'on en ait dit, dans le domaine des utopies, la terre toute entière sera régie par la justice. * * * On te dira encore, Camarade, que tel pays est plus digne que tel autre d'être défendu parce que déjà on y a conquis de vaines libertés politiques qui sont des instruments de progrès, ne te laisse pas troubler par les grands mots. De par l'organisation propriétaire et capitaliste, les libertés sont employées contre la masse comme outil d'asservissement, et l'habileté des maîtres est telle qu'ils savent défigurer les choses et les mots pour leur attribuer une signification favorable uniquement à leurs intérêts. Le suffrage universel! Est-ce que tu peux lui proposer le seul problème dont la solution te touche, la reprise de la propriété et l'abolition du capitalisme? Défie-toi de tous ces vocables ronflants: syndicalisme, retraites ouvrières, fixation des heures de travail. En tout cela, il n'y a que des palliatifs, destinés à laisser subsister la grande iniquité sociale. Syndicats--groupements des ouvriers qui défendent leurs intérêts contre les patrons--pourquoi des patrons? Pourquoi des parasites? Un seul syndicat, la collectivité travailleuse par elle-même et pour elle-même. Les retraites ouvrières! C'est l'os qu'on jette aux travailleurs pour que, satisfaits de ne plus mourir d'épuisement et de misère, ils acceptent de, pendant toute leur vie, rester à l'état d'esclaves attachés à la glèbe industrielle. Pas de retraites, mais la répartition équitable et légitime de toutes les ressources terrestres entre ceux qui les produisent. * * * Peut-être, Camarade, qui veux travailler au progrès, es-tu surpris de cette franchise. Tu dis que ce qui est acquis est acquis, et que la diminution de souffrance n'est pas à dédaigner. D'accord, mais n'oublie pas que le libertaire conscient a une mission plus large; assez d'autres opportunistes, qui ont intérêt à la perpétuation de l'état social actuel, sont tout prêts à servir inconsciemment de complices à la malice des politicailleurs. Tu dois voir de plus haut et plus loin. Un exemple: Suppose que les socialistes arrivent à obtenir la journée de huit heures. Quelles batailles ne faudra-t-il pas livrer pour que la question soit posée sur son véritable terrain, c'est-à-dire que, tout en ne travaillant que huit heures, l'ouvrier gagne autant qu'aujourd'hui, en ses dix, douze et quatorze heures de labeur. Admettons même que le capital, s'arrachant un lambeau de ses bénéfices, consente à ce sacrifice et organise le travail par équipes, augmentant ainsi le nombre des salariés et diminuant, à son grand regret, celui des meurt-de-faim... Est-ce que pour cela le salariat sera plus légitime, est-ce que plus légitime le bénéfice prélevé par un individu ou une société sur la collectivité des travailleurs, est-ce que plus légitime l'opulence des uns en face de la misère des autres, le gavage en face de la privation? Songes-y bien, dût ton salaire se décupler et ta fatigue diminuer dans les mêmes proportions, la situation n'en serait pas moins injuste, parce qu'elle aurait toujours pour base première le privilège des uns et la soumission des autres. Et toi, libertaire, tu ne peux être que l'homme de la justice. Sinon, tu n'as pas de raison d'être, reste jacobin, radical, socialiste: tu seras un des défenseurs de l'ordre de choses existant et quand tu voudras le critiquer et verser sur les vices de l'humanité des larmes de crocodile, tu seras un hypocrite et un tartufe. * * * La propriété--fondement de l'autorité--a créé tous les vices. Elle est productrice de paresse, car, sans parler des riches qui s'abstiennent de tout travail et vivent de celui des autres, elle a donné à la masse la haine de l'effort et la volonté de s'y soustraire. Ne le nie pas, Camarade. Tu ne travailles que parce que tu y es forcé, et tu cherches à tromper ton patron en lui fournissant le moins possible d'huile de bras. Pourquoi, sinon parce que, sans que tu en aies peut-être la notion positive, tu sens que ton effort profite à un égoïste et à un exploiteur. Il n'en serait pas de même si tu travaillais pour la collectivité, car tu comprendrais que, de ton effort entier, le bénéfice revient à tous, c'est-à-dire à toi-même. Que t'importe de bâtir des palais que tu n'habites pas et d'où les laquais te chassent à coups de trique! Mais si tu apportais ta pierre aux édifices collectifs devant abriter tous les hommes et toi-même, avec quel amour tu consacrerais ton énergie à leur beauté, à leur spaciosité, à leurs conditions hygiéniques. Travailler pour l'humanité avec la conscience qu'on fait partie des bénéficiaires de tout travail, c'est la justification et on pourrait dire la purification de l'effort quel qu'il soit; et avec quelle placidité chacun, sa tâche accomplie, jouirait du bien-être dont il a été l'artisan. * * * La propriété a créé le vol: car elle est génératrice de jalousie, d'envie et de haine, avec volonté de revanche. Pourquoi celui-ci est-il favorisé plutôt que celui-là? Pourquoi, parce que le grand-père ou le père de cet enfant ont amassé des capitaux, le nouveau venu se trouvera-t-il délié de l'obligation que la nature impose à tout homme d'arracher à la terre les ressources nécessaires à sa vie? Alors celui qui n'a pas rongé son frein s'irrite à voir passer les oisifs qui le narguent; l'éblouissement que lui met aux yeux l'étincellement des richesses auxquelles il n'a aucune part, se mue en lueurs rouges dans son cerveau, et c'est lui que la Société appelle criminel, lorsqu'elle l'a incité, provoqué, bravé!... Sous tout crime, quel qu'il soit, il y a, à la base, une crime de la société, et pour qu'elle s'arrogeât le droit de punir, il faudrait tout d'abord qu'elle se châtiât elle-même. La propriété crée l'assassinat: le grand industriel est un dévoreur d'hommes, et il se soucie de leur vie comme de leurs revendications. Dans les hauts-fourneaux, dans les mines, le bétail humain peine et meurt; et chaque goutte de sueur qui tombe, chaque goutte de sang qui coule est par lui monnayée et entassée dans ses coffres. Elle crée l'assassinat: car à qui lui prend sa vie, le sacrifié rêve de lui prendre la sienne. C'est la propriété, c'est le capital qui ont assassiné le malheureux Watrin, c'est l'égoïsme et la férocité capitalistes qui ont chargé les fusils de Fourmies et de Limoges; et les soldats tueurs ne sont que les exécuteurs des décrets de mort rendus par le capital. Supprimer la propriété individuelle, c'est régénérer l'humanité, c'est rendre impossibles--parce qu'inutiles--toutes les révoltes dont les manifestations sont qualifiées de crimes: vols et meurtres. Le jour où, la propriété étant collective, tout sera à tous, pourquoi voler autrui, puisque c'est se voler soi-même? Pourquoi exercer une reprise individuelle par la violence, meurtre ou assassinat, puisque cette reprise s'exercerait sur son propre bien? Pourquoi envier autrui, puisque les ressources individuelles étant à la disposition de tous, il suffira de vouloir pour avoir? Et n'oublie pas, Camarade, que ces désirs, ces passions dont l'explosion est au principe de tous les crimes, sont réellement créés, développés, entretenus par l'état de privation qui résulte pour la majorité de l'organisation propriétaire de la Société. Suppose que tes besoins soient légitimement satisfaits, que tu aies--comme on dit--ton compte, crois-tu que ne diminueraient pas en toi ces appétits, parfois excessifs, que crée la souffrance de la perpétuelle pénurie? Celui qui n'a pas faim, qui ne subit pas l'angoisse quotidienne du lendemain, celui qui est entouré, non point de luxe--on y viendrait plus tard--mais du confortable relatif sans lequel la vie est un supplice, celui-là n'est plus un envieux, ni un haineux. Il jouit de la vie et est heureux que les autres en jouissent comme lui. * * * La propriété crée la dépravation; ceci peut te paraître étrange, parce que tu n'as peut-être jamais réfléchi que l'amour est gangréné jusqu'au fond par le sentiment propriétaire. L'orientation générale des idées est faussée à ce point que la Société a inventé tout un code--de lois ou d'usages--en vertu duquel l'être humain n'est plus maître de lui-même, de son corps, de ses désirs. L'homme, affolé par le virus propriétaire, en est arrivé à ce degré d'erreur qu'il admet le droit de propriété d'un être sur un autre être, de l'homme sur la femme, de la femme sur l'homme; et la Société défend l'union de ces deux êtres si n'est intervenu un pacte de vente et d'achat, qu'elle appelle contrat de mariage. Et de ceux qui l'ont signé, chacun devient le propriétaire de l'autre, avec interdiction sous peine de prison--et même de mort--contre celui qui prétend rester maître de sa personne, de sa chair, de son coeur. En dehors même du mariage, l'amant s'affirme le maître de sa maîtresse et la tue si, lasse de lui, elle entend se donner à un autre; la maîtresse poignarde ou défigure celui qui l'abandonne. La Société nouvelle, te dira-t-on, sera impuissante contre les crimes passionnels. Non, Camarade. Elle les atténuera, jusqu'au jour où ils disparaîtront tout à fait. Comment? En proclamant le principe de la liberté dans l'amour comme dans les autres actes de la vie. C'est l'esprit d'égoïsme, exploité par les religions, qui a souillé les manifestations de l'amour en les entourant d'on ne sait quelle apparence repoussante d'indécence et d'obscénité; dès que l'amour ne sera plus classé au nombre des choses défendues, le prurit malsain que les prohibitions développent et surexcitent diminuera de lui-même, et l'amour redeviendra ce qu'il aurait dû toujours être, l'exercice normal d'une faculté légitime. Les enfants ne seront plus la propriété des parents--qui ont déguisé leur tyrannie sous le nom de droit paternel, maternel, familial,--mais seront les membres de la collectivité et par conséquent investis, de par leur naissance même, du droit absolu à la vie, à la richesse, au bien-être universels. * * * Il n'est pas une seule des bases--c'est le mot consacré--de la Société qui ne soit étayée sur un tuf d'illusion ou de mensonge. Ne te dissimule pas qu'à les saper on court des risques; les uns, par conservatisme intéressé, les autres par incompréhension les défendent avec acharnement, avec brutalité. Prêtres, soldats, magistrats sont au service de ces ennemis de la vérité, jusqu'ici tout-puissants. Demande-toi si tu possèdes l'énergie nécessaire pour leur tenir tête; garde-toi cependant de toute rodomontade. Sois froid, sois calme, sache ce que tu veux et ce que tu fais. Défie-toi de la fausse poésie de l'agitation stérile. Sois précis dans tes desseins et dans tes actes. Que tes résolutions, si tu en as à prendre quelqu'une, soit le résultat si net de tes méditations que rien ne t'en puisse détourner; garde-toi de l'enthousiasme qui n'est le plus souvent qu'une fièvre. Libertaire, sois libre de passions, sois l'égal de ta raison. Travaille pour toi-même en travaillant pour tous. * * * Je ne te dis pas ce qui sera--car c'est là le secret de l'avenir et nul aujourd'hui ne peut, sans ridicule forfanterie, prévoir la forme des Sociétés futures--mais ce que tu dois être toi-même, pour que le progrès nécessaire se réalise. En tout temps, en tout lieu, soit le négateur de l'autorité: donc garde-toi bien toi-même d'être autoritaire. Sache vivre avec tes semblables sans désir de domination; sois d'âme solidaire, communiste, libertaire et prêche d'exemple en toutes les circonstances de la vie. Étant obligé de vivre dans un milieu où toutes les idées de justice sont bafouées, ou tout au moins tenues pour négligeables, ne perds pas une seule occasion de rappeler ce qui devrait être à la place de ce qui est. Te connaissant d'esprit moyen, mais de bon vouloir complet, je ne te demande ni l'héroïsme ni le martyre. Débats-toi comme tu le pourras pour vivre ta maigre vie, mais en même temps agis en homme qui sait ce qu'il fait, pourquoi il le fait et qui guette toutes les occasions de se libérer du carcan social, en aidant les autres à s'en libérer avec lui. Surtout ne croie pas à ta supériorité, répète-toi cent fois le jour que tu n'es qu'un apprenti de l'atelier social et que les progrès se réaliseront non par un individu, mais par le groupe sans cesse plus étendu. Cherche toute ta vie et ne suppose jamais que tu as trouvé; ennemi de toute autorité, n'en crée pas une au dedans de toi-même, car celle-là est la plus tyranique et la plus dangereuse. Écoute tout, même des plus sots ou des plus criminels, il y a toujours quelque chose à apprendre, ne fut-ce que par le conflit avec la réalité. * * * Je conclus, cher Camarade, en te recommandant de ne pas te laisser aller à considérer ce petit manuel comme un évangile. On est beaucoup trop disposé à attribuer à la lettre imprimée un caractère en quelque sorte sacré. Je n'ai voulu, en soulevant ces questions, que t'inciter à les étudier: n'est un véritable libertaire que celui qui s'est fait lui-même. Je t'ai simplement montré l'outil de ta rénovation mentale; tous les dogmes se résument en un seul, c'est qu'il n'y a pas de dogmes. Et là dessus, Camarade, je te souhaite la conscience bien équilibrée, la santé physique et le bien-être conquis par toi en même temps que celui des autres. Tout pour et par la justice. * * * * * EN VENTE À la Colonie d'AIGLEMONT (Ardennes) Au «Libertaire», 15 rue d'Orsel, PARIS 18e * * * =L'A. B. C. du Libertaire= (Jules Lermina) 0 10 (par la poste) 0 15 (les 100, franco) 7»» (les 50, franco) 3 80 (les 25, franco) 2 25 =Cartes posta= les illustrées de la Colonie d'Aiglemont _1re série_ de 6 cartes 0 30 (par la poste) 0 40 =Cartes postales illustrées= de la Colonie d'Aiglemont _2me série_ de 6 cartes 0 30 (par la poste) 0 40 POUR PARAÎTRE _en Mars 1906:_ =L'Enseignement= (Sébastien Faure) _en Avril:_ =Communisme= (Fortune Henry) _en Mai:_ =La Colonie d'Aiglemont= (André Mounier) =etc., etc.= * * * Prix annuel de l'ABONNEMENT: 2 francs. Adresser Lettres et Communications, Demandes de Renseignements à la Colonie l'ESSAI, à Aiglemont (Ardennes) Le Gérant: Fortuné HENRY. Imprimerie spéciale de la Colonie d'Aiglemont (Ardennes) End of Project Gutenberg's L'A. B. C. du libertaire, by Jules Lermina *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'A. B. C. DU LIBERTAIRE *** ***** This file should be named 20490-8.txt or 20490-8.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/2/0/4/9/20490/ Produced by Carlo Traverso, Chuck Greif and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. They may be modified and printed and given away--you may do practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. *** START: FULL LICENSE *** THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase "Project Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg-tm License (available with this file or online at http://gutenberg.org/license). Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. 1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be used on or associated in any way with an electronic work by people who agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is in the public domain in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily comply with the terms of this agreement by keeping this work in the same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. 1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in a constant state of change. If you are outside the United States, check the laws of your country in addition to the terms of this agreement before downloading, copying, displaying, performing, distributing or creating derivative works based on this work or any other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning the copyright status of any work in any country outside the United States. 1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: 1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, copied or distributed: This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org 1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived from the public domain (does not contain a notice indicating that it is posted with permission of the copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in the United States without paying any fees or charges. If you are redistributing or providing access to a work with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted with the permission of the copyright holder, your use and distribution must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the permission of the copyright holder found at the beginning of this work. 1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm License terms from this work, or any files containing a part of this work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. 1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this electronic work, or any part of this electronic work, without prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with active links or immediate access to the full terms of the Project Gutenberg-tm License. 1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any word processing or hypertext form. However, if you provide access to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1. 1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided that - You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has agreed to donate royalties under this paragraph to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid within 60 days following each date on which you prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty payments should be clearly marked as such and sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." - You provide a full refund of any money paid by a user who notifies you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm License. You must require such a user to return or destroy all copies of the works possessed in a physical medium and discontinue all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm works. - You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the electronic work is discovered and reported to you within 90 days of receipt of the work. - You comply with all other terms of this agreement for free distribution of Project Gutenberg-tm works. 1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. 1.F. 1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread public domain works in creating the Project Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic works, and the medium on which they may be stored, may contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. 1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGE. 1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a written explanation to the person you received the work from. If you received the work on a physical medium, you must return the medium with your written explanation. The person or entity that provided you with the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a refund. If you received the work electronically, the person or entity providing it to you may choose to give you a second opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy is also defective, you may demand a refund in writing without further opportunities to fix the problem. 1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. 1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any provision of this agreement shall not void the remaining provisions. 1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit http://pglaf.org While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: http://pglaf.org/donate Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.