The Project Gutenberg EBook of Phénissa, by Remy de Gourmont This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Phénissa Author: Remy de Gourmont Release Date: January 18, 2006 [EBook #17542] Language: French Character set encoding: UTF-8 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PHÉNISSA *** Produced by Carlo Traverso, Pierre Lacaze and the Online Distributed Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) LE PÈLERIN DU SILENCE REMY DE GOURMONT LE PÈLERIN DU SILENCE ORNÉ D'UN FRONTISPICE D'ARMAND SEGUIN PARIS SOCIÉTÉ DV MERCVRE DE FRANCE XV, RVE DE L'ÉCHAUDÉ-SAINT-GERMAIN, XV M DCCC XCVI [Illustration] PHÉNISSA HISTOIRE TRAGIQUE DE LA PRINCESSE PHÉNISSA * EXPLIQUÉE EN QUATRE ÉPISODES * Le prince PHÉBOR. La princesse PHÉNA. PHÉNISSA, fille de Phéna et femme de PHÉBOR. LE MESSAGER. LES SUIVANTES. LA PETITE. LE PAUVRE. Soldats et valets. _Cela se passait autrefois._ PREMIER ÉPISODE (Phéna est assise au seuil du palais. Ses femmes l'entourent. Quelques-unes causent deux à deux. Les plus jeunes, avec des rires et des cris, jouent à colin-maillard. Une petite, agenouillée sur le coussin où Phéna pose ses pieds, assemble un bouquet de jasmins, d'œillets et de diverses fleurs.) PHÉNA Suis-je belle? Regarde-moi bien. LA PETITE Oh! oui, tout à fait belle. PHÉNA Comme quoi? LA PETITE Je ne sais pas, moi. Oh! oui, comme un verger d'automne, comme les belles pommes rouges et bien mûres qui tombent, qui tombent, et qu'on emporte au pressoir. PHÉNA Petite, regarde-moi bien. Suis-je belle? LA PETITE Prenant la main de Phéna et la baisant cordialement. Oh! oui, tout à fait belle. PHÉNA Belle comme quoi encore? LA PETITE Belle comme tout! PHÉNA Que tu es sotte! Sais-tu à quoi je me compare, moi? A une louve, à une belle louve aux yeux sanglants, aux dents aiguës et blanches,--oui, à une louve! LA PETITE Vous me faites peur! PHÉNA Si tu as peur, tais-toi! Pour qui ces fleurs? LA PETITE Pour Phénissa. PHÉNA Donne-les moi. LA PETITE Oh! non, c'est pour Phénissa. D'autres, si vous voulez, toutes les autres, mais celles-là, c'est pour Phénissa. PHÉNA Insupportable petite mauvaise tête! Tiens, va-t'en, toi et tes fleurs. (La petite s'éloigne. Au même instant, la trompe du guetteur se fait entendre au haut de la tour: Phéna sursaute, les conversations et les jeux se taisent; toutes les femmes s'avancent et bientôt crient:) Le voilà! Le voilà! Oh! comme il court! Il court comme le vent. (Phéna se lève, puis se rassied, quand le messager paraît. Deux femmes descendent vers lui, essuient la sueur de son front, lui font boire un cordial, puis l'amènent devant Phéna.) PHÉNA Tu les as vus? LE MESSAGER Je les ai vus. Ils ne sont pas loin maintenant, mais les chemins sont mauvais, leurs chevaux sont fatigués et la chaleur les incommode. PHÉNA Phénissa doit être bien lasse. Un si long pèlerinage! Des bords du Rhin à Saint-Jacques de Compostelle! Elle doit être pâle, malade, peut-être? Elle doit être devenue laide. Le soleil l'aura hâlée; je la vois, le visage tout couvert de taches de son, la peau brûlée... LE MESSAGER Nullement. Elle est fraîche comme la rosée. PHÉNA Ah! Et le prince Phébor? Il doit être vaillant comme au premier jour! LE MESSAGER Nullement. C'est lui qui est pâle et las; son regard a été un peu triste, mais sa bouche m'a souri. PHÉNA Sa bouche doit être amère. Les fruits verts sont amers... Enfin, tu l'as vu et il va revenir. Maintenant, répète-moi ses paroles, les paroles de salutation qu'il m'adresse. LE MESSAGER Il n'a rien dit. PHÉNA Ah! LE MESSAGER Il m'a souri, et voilà tout. Mais Phénissa m'a dit: «Tu baiseras pour moi la main de ma mère.» PHÉNA Voici ma main, fille révérentieuse. _(Le Messager s'agenouille et baise la main que lui tend Phéna.)_ Qu'on traite le messager comme un favori. Allez, toutes, j'attendrai seule l'arrivée de mes enfants. LE MESSAGER Ils seront ici avant le coucher du soleil. (Les femmes de Phéna s'emparent du messager et amoureusement lui font fête. Elles chantent, en se retirant avec lui:) Les sirènes Etaient trois reines, Chacune a choisi son roi. Les sirènes Etaient trois reines, Choisis ta reine, ô messager! Les sirènes Etaient trois reines, Choisis ta reine, ô messager! Les sirènes Etaient trois reines, O messager, sois notre roi! PHÉNA Prince Phébor sois mon roi! Sois toujours mon roi, comme jadis! Jadis! Quelques semaines ont fait du glorieux passé un jadis... (_Elle se dresse, inquiète_.) Non, je suis bien seule et nul n'a pu m'entendre, nul que lui, peut-être, à travers les champs, les vergers et les prés, à travers les arbres, à travers les rochers, à travers tout l'obstacle que j'érigeai moi-même entre nous deux,--l'autre, elle, Phénissa, ma fille! Si son oreille, pendant qu'il approche, se tend vers mes paroles; si sa bouche est amère d'avoir mâché le fruit vert; si son cœur est las d'un amour trop léger; s'il n'a pas osé envoyer à cette main qui tremble d'amour et du souvenir des anciennes caresses le baiser du retour, le rêve de l'absent, le signe qui exorcise la largeur des espaces et la lenteur des heures, si ses yeux ont la gaieté un peu triste des yeux qui désirent leur vraie lumière et qui la craignent; si sa bouche tant amère a souri tout de même,--oui, peut-être qu'il a entendu mon cri, le prince Phébor! (Un mendiant s'approche, ôte son bonnet, et en bas du perron s'agenouille, humble et accablé, la main tendue. Mais à mesure que Phéna parle et s'encolère, le Pauvre se redresse.) PHÉNA Des pauvres, ici? Va-t'en aux cuisines, misérable! Des pauvres, ici, dans la richesse de mon domaine, la robe pouilleuse séparée de ma robe princière par douze marches de marbre, douze, seulement! Des pauvres! Il n'y a pas de pauvres. _(A ce moment, le mendiant est debout et il se couvre.)_ Les pauvres insultent à ma domination et à la paix de mon opulence. Je ne veux pas régner sur des pauvres! Qu'ils crèvent de faim, et hors du cercle de mon regard! Va-t'en, misérable, tu me fais honte. Tu sais qui je suis, mais sais-tu bien ce que je suis? Les hommes et les siècles, les éléments et les forces, la nature et les lois travaillent pour moi depuis le commencement du monde et ne travaillent que pour moi. Je suis le résumé de toutes les larmes, de tous les efforts et de tous les cris. Tout converge vers moi, reine et maîtresse des hommes et des choses. Je suis parfaite et rien d'imparfait ne doit vivre, sous moi. Les pauvres contredisent mon harmonie, ils sont coupables. Va-t'en crever et que je ne te voie plus ramper, pou, sur la robe de soie et sur la nacre de la peau élue pour les amours royales... Mais, tiens, je suis bonne aujourd'hui, parce que ma joie est en route, je te l'ai dit, va-t'en aux cuisines. C'est l'heure de la pâtée des chiens... LE PAUVRE Il s'éloignait. Il s'arrête, se retourne, fixe un instant les yeux sur Phéna, puis s'en va, agitant son bâton et fredonnant: Quand les rats mangèrent la louve, La lune fut couleur de sang, Couleur de sang, Et les crapauds dansaient en rond. Dansaient en rond, Quand les rats mangèrent la louve, La louve! PHÉNA Quel sale pauvre! Il doit être dangereux... _(A ce moment, la trompe sonne encore au haut de la tour.)_ C'est lui, c'est mon Phébor! _(Elle se lève, agitée, criant:)_ Venez! Venez! (Les suivantes arrivent, se disant les unes aux autres:) Les voilà! Les voilà! (Toutes portent des fleurs, des couronnes, des chapels de roses, mais c'est la Petite qui tient, très fière, le plus gros bouquet. En même temps, des hommes d'armes et des valets se rangent au pied du perron, et Phébor paraît, à cheval, tenant en main la bride d'un autre cheval, houssé de blanc et sellé d'une selle du femme, une sorte de panier.) PHÉNA Se précipite à la rencontre de Phébor, lui saisit la main qu'elle baise avec passion. Te voilà donc, ô Phébor! Je défaille de joie. Tu es seul? Tu es donc seul? PHÉBOR Il descend de cheval et s'agenouille pour porter à ses lèvres le bas de la robe de Phéna. Puis tous deux montent les degrés du perron. Je n'ai pas perdu votre fille en route, Madame. Je l'aime trop pour cela. Tenez, la voici. (Paraît Phénissa, menant le pauvre par la main.) PHÉNISSA Je l'ai trouvé près des cuisines, mère, et les chiens aboyaient après lui. Alors je l'ai fait boire et je lui ai donné de quoi vivre un jour. Quelle bénédiction pour mon retour! Je suis contente. (_Au mendiant_:) As-tu assez? Tiens, voilà de l'argent, tiens!... Ah! je n'ai plus rien, tu reviendras. Tu seras mon pauvre, à moi, à moi toute seule, et tous tes frères sont mes frères. PHÉNA Elle aime donc toujours les pauvres? PHÉBOR Oui, elle aime les pauvres. (Les suivantes descendent empressées vers Phénissa, en répandant sur les marches des fleurs effeuillées, puis la conduisent à Phéna, qui la baise au front, selon le cérémonial.) DEUXIÈME ÉPISODE (Une salle du palais.) PHÉNA Eh bien, elle est ta femme? PHÉBOR Le rôle d'un mari n'est pas celui d'un gardien de la virginité. PHÉNA Elle est ta femme et tu l'aimes? PHÉBOR Me l'as-tu donnée pour l'aimer ou pour la haïr? PHÉNA Pourquoi donne-t-on un joujou à un enfant? PHÉBOR Pour qu'il s'amuse avec. C'est ce que j'ai fait. Et le joujou s'est amusé autant que l'enfant. Innocente, mais sans pudeur. Vous ne lui avez donc pas appris la pudeur? PHÉNA Je comptais sur vous. PHÉBOR Rien n'est fatigant comme une femme sans pudeur. Vous auriez dû la dresser. PHÉNA C'est bien assez de l'avoir mise au monde. PHÉBOR Mauvaise mère! PHÉNA Mauvais amant! PHÉBOR Je ne suis plus votre amant. PHÉNA Tu es mon amant--pour l'éternité. Les forts aiment les forts. Les riches aiment les riches. Les princes aiment leurs égaux. Tu ne peux aimer que moi tant que ton désir sera royal et tant que tu seras Phébor. Les enfants aiment les enfants. Laisse donc Phénissa choisir un page. PHÉBOR Quand je serai fatigué. PHÉNA Mais c'est à moi que tu dois ta force! Vous tirez vos flèches sur les mouches, pendant que le cerf vient boire à vos pieds. Phénissa! Il te faut bien longtemps pour manger deux prunes vertes! Reviens donc à l'arbre fécond en fruits mûrs et à la femme féconde en plaisirs. La joie d'aimer et de mordre pend à toutes mes branches et le parfum des fleurs s'y mêle à l'odeur des vendanges. Je suis le luxe d'une éternelle luxure et ma vie est un perpétuel épanouissement. Je te l'ai donnée, elle, pour que tu la manges en intermède, repos au milieu du repas, mais c'est à ma chair que tes dents appartiennent et seul mon sang a le droit d'apaiser ta soif de mâle, et seul il en a le pouvoir! PHÉBOR Laisse-moi m'amuser encore un peu! PHÉNA Non, tu as joué assez avec ce néant. Tu n'entreras pas plus avant dans l'obscurité de l'avenir et tu n'iras pas semer dans le champ de demain des herbes qui fleuriraient peut-être. Demain ne te fait donc pas horreur que tu en peux supporter l'image et aimer le symbole? Tu veux donc qu'après t'avoir arraché la langue on boive dans ton verre? Tu veux léguer tes joies, en les pleurant? Donne-les, maintenant, en les méprisant. Jette l'agnelle à peine dépucelée au naïf baiser d'un jeune loup et qu'il crève en la dévorant,--mais n'attends pas que, riche de ta vie, elle se couche sur ta tombe pour y ouvrir au railleur funèbre la somptuosité de son sexe. Tu ne hais donc plus ceux qui te survivront? PHÉBOR Je les hais. Je veux que tout finisse avec moi,--mais pas encore! PHÉNA Non, pas encore. Pas encore! Tu consens donc à mourir,--comme si je n'avais pas le secret de la vie? PHÉBOR Nul n'a le secret de la vie. PHÉNA Les jeunes herbes étouffent leurs mères. Si les jeunes herbes étaient détruites dans leurs graines, ou les graines dans la terre, ou si les jeunes pousses étaient rasées à mesure que pointe leur insolence,--les mères seraient éternelles. Nous sommes les mères, Phébor, et plus que des herbes, hautes et mûres. Nous sommes des êtres volontaires et libres,--et nous pouvons étrangler l'avenir. PHÉBOR Etrangler l'avenir! PHÉNA Donnons l'exemple à nos pareils. PHÉBOR Je ne suis pas prêt. PHÉNA Que te manque-t-il? PHÉBOR La puissance d'un motif capable d'exalter mon bras. PHÉNA C'est la haine qui te manque? Je te plains. PHÉBOR Ce n'est pas la haine qui me manque,--mais j'ai pitié. PHÉNA De toi-même? PHÉBOR De Phénissa. PHÉNA Je ne te l'ai pas donnée pour que tu en aies pitié. PHÉBOR Pourquoi donc me l'as-tu donnée,--ta fille? PHÉNA Pour que, l'ayant aimée, tu aies le droit de la tuer. (Elle sort.) PHÉBOR La tuer? Il y a des mots que je n'aime pas. Ils sont trop clairs. Tuer! Oui, tuer, c'est vivre. On ne peut vivre sans tuer,--et peut-être qu'à force de tuer on gagne la vie. Mon corps et tous mes membres, et mes yeux, et ma bouche, et mes oreilles, c'est du sang qui les a faits,--et je sens qu'en mes veines il me coule une âme de sang, une pensée de sang. A boire! J'ai soif de toute l'essence de la vie et de la pourpre de toutes les artères! Triste vampire, à quoi bon? Non, mais si c'était vrai qu'en écrasant les petits on fortifie les mères,--qu'en étouffant l'avenir, on éternise le présent? Peut-être. J'aime à croire cela, car l'avenir me cause une telle horreur qu'il m'empêche de jouir de la bénédiction des choses. L'avenir: que l'indignité d'autrui se roule sur le tapis de mes plaisirs, et savoir monnayée en de sottes mains la gloire de mon égoïsme royal! Ah! l'avenir, si on pouvait le tenir et le percer au cœur ou l'étrangler, sans bruit,--pour que Dieu ne s'en aperçoive pas. (Entre Phénissa.) L'avenir, la jeunesse, l'enfance, la perpétuité! L'avenir,--le voilà. PHÉNISSA Oui, la voilà! (Elle court à Phébor, saute sur ses genoux, le caresse, enfantine et amoureuse.) Vilain, qui m'a laissé dormir si tard! J'ai les yeux rouges. Baise-les, mes petits yeux. Un--deux! Encore! Non! Je suis fâchée. PHÉBOR Phénissa, quel âge as-tu? PHÉNISSA Sot, est-ce que j'ai un âge? Est-ce que les fleurs ont un âge? Est-ce que les lys ont un âge! Ils sont fleuris ou défleuris, voilà tout. Moi, je suis fleurie. Je me sens fraîche comme un lys, parfumée comme un lys. Je suis un lys plein de rosée qui s'ouvre au soleil du matin. Oh! que je suis donc bien fleurie. PHÉBOR Illusion! Tu n'es qu'une feuille verte. PHÉNISSA Jaloux! Oui, tu as l'air jaloux de ma jeunesse. Pourtant elle est à toi. Toute ma blanche peau est à toi. Oh! J'ai envie de me mettre nue! Je t'aime! (Elle ouvre sa robe et, demi-dévêtue, recule en tendant les bras à Phébor, qui la poursuit jusqu'au fond de la salle.) Toute nue, toute! Mets-moi toute nue. Le lys n'a d'autre robe que sa beauté. * * * * * (Elle pousse une petite porte et se sauve en rattachant sa ceinture.) PHÉBOR Je me suis encore laissé prendre à l'odeur de la feuille verte. Phénissa! Sa jeunesse est peut-être un cordial. Elle me réconforte comme du vin frais,--elle me réconforte jusqu'à l'ivresse. Ah! mais j'en ai trop bu! Mes jambes fléchissent. Cordial, d'abord; ensuite, corrosif. Mon cerveau bouillonne comme de la craie dans du vinaigre. Tout ce voyage, toute cette fatigue... Moi, j'ai un âge. Quarante ans? Et combien avec? Et beaucoup avec. On ne peut pas savoir. Il n'y a pas de calendrier, ici. Phéna les a brûlés, tous, et elle fait chasser les colporteurs... Singulier cordial qui empoisonne ma force!... Les jeunes herbes étouffent leurs mères,--à moins que les mères n'étouffent les jeunes herbes. Ma pareille et ma sœur, Phéna, tu as dit vrai... Mais j'aime! Qui? J'aime Phénissa. Qui? J'aime Phéna. La petite, d'abord? Oui, dans l'incohérence de ma sénilité, hâtive. Poison nouveau qui m'est plus cher que les vieilles habitudes de ma chair. Je t'aime, fillette,--mais pourquoi as-tu ce signe trop jeune sous l'étoffe de ton corsage, ces riens de seins que mon baiser écrase! et qui n'emplissent pas ma main? Et, surtout, cette impudeur d'enfant qui s'amuse, sans jouir, du plaisir donné? L'impudeur, libéralité de ceux qui n'ont rien, générosité de ceux qui promettent... Jolie, oui! jolis yeux, jolis gestes, élégance de la chevrette et fraîcheur de la couleuvre... Des promesses! Phéna donnait. Phéna donnera encore. Phéna doit donner toujours... Et pourquoi pas les deux, celle qui pose sur mes épaules ses pattes d'oiseau et celle qui m'enveloppe d'une chaleur d'ailes;--la génisse et la taurelle;--la fille et la mère!... Non, je m'épuise à trop vouloir. Il faut choisir, et qui? sinon ma sœur et ma pareille. Je veux jouir de mes pareils, c'est-à-dire de moi. Ni enfants, ni vieillards, ni pauvres, ni empereurs, ni valets, ni papes,--mais ceux dont l'âme, par son cri, fait vibrer en moi la même corde de viole... Ah! je m'entendais bien avec Phéna. Nous ne parlions ni d'hier, ni de demain,--ni surtout de demain. Nous étions l'heure présente qui se suffit à elle-même et qui évolue dans le cercle de la jouissance immédiate,--c'est-à-dire absolue. Demain? Demain, c'est la faiblesse, c'est le second balbutiement, c'est la mort. Je ne veux pas qu'on me survive. Phéna, tu as caressé l'endroit sensible, tu as chatouillé jusqu'à mes moelles! Tu as écrit ta pensée sur ma peau, ta pensée et ta volonté,--à l'endroit et à l'envers: que la fille meure, et vivons de sa vie,--nous, les mères. Nous, les mères! Il me semble que je suis mâle et femelle, quand j'ai dit: nous, les mères! Il me semble que je prédomine la vie et que je puis la jeter en pâture à la mort, comme un mauvais esclave. Il me semble que je puis écraser l'œuf éternel, comme un nid d'œufs de fourmis, et que je puis stupéfier la fécondité, fêler les matrices, et d'un de mes regards de haine pétrifier dans son canal le jet hideux du sperme. La Vie? non. Ma vie. Que rien ne reste de moi que mon inféconde pourriture,--et que rien ne me survive que le désespoir de vivre. Je voudrais abraser la terre et n'y laisser que des chaumes,--tondre le monde comme une brebis. L'avenir, l'herbe qui pousse sous les gerbes, l'herbe qui reverdit sous le foin fauché, le nid qui s'envole, le bourgeon qui se gonfle--avec une épouvantable certitude: mais si on coupe la branche? Il faut couper la branche. J'en ai sucé le miel nouveau. Il était doux, il était fort: il était trop fort pour moi. Les sucs jeunes ne valent rien: je couperai la branche. (Rentre Phénissa. Doucement, après avoir baisé Phébor, elle s'assied, les mains croisées sur ses genoux, le regard vague.) PHÉBOR Oh! ces yeux qui regardent on ne sait où, ces yeux qui semblent voir plus loin que les choses! Phénissa, que regardes-tu? PHÉNISSA Rien. PHÉBOR Où regardes-tu? PHÉNISSA Loin, loin, loin! Vers des années, vers des siècles où toutes les créatures seraient heureuses comme je suis heureuse, où les femmes ne connaîtraient que les sourires et les hommes que les caresses, où les fils des pauvres d'aujourd'hui marcheraient dans la vie tels que des seigneurs,--et où le fouet aurait changé de mains... PHÉBOR Charmant cœur!... Mais alors tous les hommes ne seraient pas heureux? PHÉNISSA Ceux qui le sont aujourd'hui ne le seront pas demain. PHÉBOR Ils seront morts. Tu seras morte. PHÉNISSA Je ne mourrai pas. J'ai de la vie, j'ai de l'éternité, là, dans mon ventre. PHÉBOR Un coup de faux tranche plus d'un épi. PHÉNISSA Un épi est la semence d'un sillon et un sillon est la semence d'un champ. Il y a un épi, il y a un sillon, il y a un champ de blé en moi: voilà pourquoi je suis heureuse. (A ce moment la trompette sonne au haut de la tour. En même temps entrent Phéna et les femmes de Phéna et de Phénissa.) PHÉNA Voici encore vos pauvres! ils auront appris votre retour. LA PETITE Ils y en a tant, ils couvrent les avenues et les cours, ils ont l'air joyeux, ils chantent. Les entendez-vous pas? (Elle ouvre la fenêtre. On entend:) Quand les rats mangèrent la louve, La lune fut couleur de sang, Couleur de sang, Et les crapauds dansaient en rond, Dansaient en rond, Quand les rats mangèrent la louve, La louve! PHÉNA Puisqu'il vous obéissent, allez les chasser! PHÉNISSA Ils m'obéissent et ils m'aiment. Je les renverrai quand ils auront mangé et quand ils seront contents. TROISIÈME ÉPISODE (La chambre de Phébor, la nuit.) PHÉBOR Elle dort et j'ai été tenté. Et déjà je l'étais pendant qu'elle me regardait avec ses yeux de songe, ces yeux qui cherchent la vie au-delà des tombes... Ah! enfant bonne à étrangler, ferme tes yeux! Elle les a fermés. Elle dort.--Tantôt elle me faisait presque peur, avec ses blasphèmes... Colère d'enfant ou d'esclave qui croit que la joie se promène dans les jardins ou sur les routes! Oui, peut-être, mais ni les enfants, ni les esclaves ne franchiront les murailles du présent.--Et ils périront, tels qu'ils sont nés, enfants ou esclaves, car il n'y a rien, il n'y aura jamais rien que le présent et les vivants écraseront à perpétuité les progénitures de l'Idée, ces larves. Nous, maintenant, et après nous le néant,--et tu ne jouiras pas de respirer après moi, Ironie! Délivre-moi de la peur, Phéna! Délivre-moi du futur, Phéna! Délivre-moi de la promesse, Phéna! Donne-moi un fruit mûr, donne-moi une rose épanouie, et coupons le rosier par le pied,--afin d'humilier le printemps. (Parée pour la nuit, la gorge et les bras nus, les reins ceints d'un voile qui retombe jusqu'à ses pieds, Phéna entre et s'arrête au seuil.) PHÉBOR Impérial succube, que me veux-tu? que viens-tu me demander? que viens-tu m'offrir? PHÉNA Tout le jadis et tout le présent. PHÉBOR Ah! Phéna! (Ils s'avancent l'un vers l'autre et se baisent sur la bouche.) PHÉBOR Oh! tu es vraie, toi! Tu es le maintenant, et non le demain, l'être et non le peut-être. Tu es l'immobile éternité. PHÉNA Je suis la honte du possible. PHÉBOR Oui, car tu es vraie. Oh! tu es vraie, toi! Là, le front qui domine les rêves morts comme un roi seul debout au-dessus du carnage des vaincus! Là, les nobles cheveux qui ont entravé les jambes du désir et qui l'ont enchaîné dans les étables de la joie! Là, les yeux dont l'ardeur a fondu comme un jet de foudre l'épée du prince futur! Là, les lèvres qui ont bu tout le calice, et la langue qui n'a pas oublié une parcelle de la vie, et les dents qui ont brisé comme un os, pour en arracher la moelle et l'abominable secret, le sceptre d'or du fastueux espoir! Là, le cou qui s'est gonflé de haine et qui a brisé son collier! Là, les épaules assez fortes pour assumer comme un jeu le poids du réel, où succombent les lâches! Là, les bras adorables qui ont captivé l'illusion et les courageuses mains qui lui ont arraché la langue! Là, les divines mamelles, dieux femelles, allégresse de mon humanité, indéniables plaisirs, évidences formelles, trésor de la sensualité animale, négation du rêve, certitude manuelle, ô beaux fruits, ô réconfort de ma bouche, chaleur de mon sang, fraîcheur de mon front, ô belles fleurs, fleurs ouvertes, parfum vital, roses! Là, les hanches et les reins, assises du monde, fondations de la vérité! Là, les genoux qui n'ont jamais plié, les jambes qui n'ont jamais reculé vers la prière, les pieds qui n'ont jamais marché vers l'espérance! Là, le centre même du monde et la vérité elle-même, la caverne redoutable et sacrée, l'abîme qui n'engendra qu'une fois pour engendrer la mort! * * * * * PHÉBOR Vraiment, je la hais, depuis que je t'ai retrouvée. PHÉNA Tu as puisé en moi: je suis un puits de haine. PHÉBOR Oui, je suis tout ruisselant de haine! PHÉNA Ah! la belle et tragique et somptueuse et douloureuse et consolante nuit où la délivrance fut conçue! Car j'ai conçu dans tes bras, Phébor! Un frisson spécial et unique me l'a dit. J'ai conçu, j'en suis sûre, et, en négation des lois de la nature, j'accoucherai quand tu voudras. PHÉBOR Mes mains seront le forceps! PHÉNA Ah! donne, que je les baise, ces mains qui vont étrangler l'avenir! PHÉBOR Oui, j'étranglerai l'avenir, les possibilités encloses dans l'espoir, les peut-être qui dorment dans la coquille de l'œuf. Nous assassinerons la Rédemption. Le sommeil ne se réveillera pas. Toute la lumière tombée dans les yeux violets de la jeune amoureuse, nous la dessécherons comme un marais trop noblement pestilentiel pour la délicatesse de notre haine. Nous la dessécherons comme un ruisselet, en la buvant; comme un fleuve, en la détournant vers l'océan de la nuit par une route sûre,--et nous creuserons ce lit nouveau dans le roc et dans l'imperméable glaise,--et la gloire de demain tombera de l'autre côté du monde! O joie de tuer la féconde et aimable bête! O joie d'écraser les innocents scarabées qui grimpent aux feuilles des fougères,--et de respecter les vipères et de s'en faire des bracelets! Elle n'est rien... PHÉNA Qui? PHÉBOR Phénissa. PHÉNA Rien? PHÉBOR Non, elle n'est rien, elle est le futur, la beauté de demain, l'amour de demain, la vie de demain! PHÉNA La vie de demain! Tue, tue! L'oblation de sa vie engraissera la genèse de mes fureurs. Nous l'enterrerons au pied de notre amour, sous les racines du chêne, et des glands nés de cette chair révolue, nous ferons de sacrilèges hosties, d'inimitables pains de réconfort, de puissance, de vie,--et peut-être d'éternité. PHÉBOR C'est le philtre qu'il nous fallait. PHÉNA Nous serons si forts que les siècles vaincus viendront nous baiser les pieds. PHÉBOR Je songe... Je songe... En elle je tue des générations... Comme elles sont nombreuses! Son fils, aux yeux volontaires et doux, avec un signe à la joue! Sa fille, aux cheveux blonds tout bouclés, avec une petite bouche rose et un joli sourire! Le fils de son fils, violent dès son enfance, avec le geste orgueilleux de relever le front! Le fils de son petit-fils, pensif et les yeux toujours ouverts vers le mystère,--comme elle!... Que de générations! Elles sont trop nombreuses: je ne vois plus qu'un champ de têtes blondes et une faux immense et sûre, qui fauche!... PHÉNA Que de vies en une seule, et quelle libération! Toutes ces puissances futures qui nous pressaient de vivre pour vivre à notre place, tous ces désirs obscurs qui comptaient nos heures et guettaient, pour s'y accoupler, le silence et le deuil de notre lit, toutes ces hideuses énergies, toutes ces hypocrites têtes blondes, tu les fauches, Phébor!--ô solide et invincible faucheur! Va, mon Phébor, ne rêve plus, agis! Etrangle-la doucement, comme lorsqu'on étouffe une conscience. QUATRIÈME ÉPISODE (Le soir.--Une salle du palais, éclairée par une faible veilleuse.--Entre Phénissa, les bras pleins de roses.) PHÉNISSA Oh! comme c'est noir, ici! Comme c'est froid! Comme c'est vide! Où sont-ils? Où est-il, lui? Il me délaisse, toutes les nuits, et je ne le vois pas de la journée. Il ne m'a pas embrassée une fois, depuis tel soir lointain où mon désir vainquit son ennui... Pourquoi est-il si sombre et si muet? Le remède? Il n'a qu'à m'aimer comme je l'aime,--surtout depuis que ses baisers ont fait fleurir ma chair! Ma jeunesse va s'épanouir, je vais être féconde, je vais donner au monde une vie nouvelle. Il me semble que je suis le premier anneau d'une longue chaîne d'amour, si longue qu'elle enlace les arbres et les montagnes, si longue qu'elle traverse les déserts, les fleuves et les mers,--une longue chaîne d'êtres heureux et fiers! Je me sens la créatrice d'une race inconnue et formidable, moi, toute petite, moi l'enfant initiée à peine, je me sens devenir la mère d'une lignée de géants. Sors de moi, fils prédestiné, et, fécond à ton tour, va féconder les matrices qui attendent leur maître! Je voudrais qu'il fût sorti, je voudrais qu'il fût grand déjà et déjà en toute sa force, car sa mission est lourde: il doit pacifier les hommes. Mais il affligera les cœurs durs et il réjouira les affligés. Fils de la charité, il sera la justice. Ils le savent bien, eux, les miens, ceux que j'ai choisis entre les plus laids et entre les plus affamés, et quand les pauvres me baisent la main, ils regardent mon ventre, et quand ils mangent leur pain, ils pensent à mon fils, l'Avenir! Oh! viens, créature de l'universel désir, réalise-toi par moi, et s'il te faut tout mon sang pour vivre, dessèches mes veines!... Quel bruit?... Non, rien. Quel silence! Comme je suis seule! Je me trouve mal... Quelle tristesse, quelle nuit! Je me trouve mal... Non, je suis lasse, seulement, mais si lasse qu'il me semble que je tombe, que je roule, que je m'en vais vers un abîme... J'ai cueilli trop de fleurs. Où sont-elles? Je ne vois plus rien. J'ai cueilli trop de roses... Il me semble qu'on me cueille aussi, comme une rose... Je sens un arrachement... (Entre le Pauvre) Qui est là? Toi? C'est vrai, je t'ai promis une aumône, je t'ai dit de venir ce soir... mais je ne sais plus... LE PAUVRE Viens, Reine, viens! ils t'attendent, ils sont là, tous. Ils veulent te voir, ils ont peur, ils ont des pressentiments, ils se disent des choses entre eux... Ils t'emmèneront, viens, tu seras leur Reine, viens! N'as-tu pas peur, toi aussi? N'as-tu pas peur de mourir? PHÉNISSA Oui, tout d'un coup j'ai senti cela, j'ai peur, j'ai peur de mourir... LE PAUVRE Viens vivre! Viens réaliser la prophétie! Ecoute ce qu'a dit la Voix: »En moi germe la haine des humiliés et j'ai des dents aiguës. »Je rognerai leur gloire et leur état d'être heureux: la certitude des mâles retombera dans la ténèbre des glabres. »Le sang illuminera mon étendard blanc.» Viens réaliser la prophétie. PHÉNISSA Oui, va leur dire que je suis leur Reine. Qu'ils viennent me chercher, qu'ils viennent tous! LE PAUVRE Tu réaliseras la prophétie: «Le sang illuminera ton étendard blanc». PHÉNISSA Non, pas de sang sur mon étendard, pas de sang sur mes mains! Je ne suis pas cruelle,--non! mais j'absous votre cruauté si elle sauve celui que je porte, le prince futur. Va leur dire qu'ils viennent, je suis leur Reine! (Le Pauvre s'en va.) Reine des Pauvres, Reine de ceux qui n'existent qu'en puissance et en volonté, Reine de ceux de demain, Reine de la forêt naissante qu'engraissera la pourriture des vieux troncs éventrés, Reine de la jeunesse, de la vie et de l'avenir! Peuple des misérables, mon cœur faible bat pour ta souffrance avec la force et la majesté d'un océan. Vogue sur l'océan de mon cœur, peuple triste, vogue parmi la tempête vers le continent que rougit la pourpre d'une aube adorable, vogue! Ta douleur est l'insubmersible radeau que nulle vague n'engloutira jamais,--d'entre l'écrasement des avalanches et d'écume elle resurgit, elle vogue vers l'avenir! Vogue, peuple des misérables! Phébor, mon maître, adieu! Père inconscient du futur, adieu! Présent qui as fécondé le lendemain, adieu! Que se passe-t-il en moi? Quelle est la voix qui parlait en moi? Où suis-je? J'ai peur! Oh! mes mains tremblent, mes jambes tremblent!... Il me semble qu'un vent froid passe sur moi... Où suis-je? Ah! le vent m'emporte, le vent m'emporte dans les espaces. (Entre Phébor.) Phébor, soutiens-moi! PHÉBOR Il la reçoit dans ses bras et l'étrangle. Là, là! Elle est morte bien doucement, comme une perdrix blessée qu'on achève... C'est fait... Elle est venue au devant du lacet... Où vais-je la mettre?... Dans ce coin-là... (Il la couche, puis la traîne par les cheveux.) Elle est lourde... Oh! oh! Son ventre est énorme!... Elle ne mentait pas, elle était grosse. De moi! Bien, je reprends mon sang, je bois le vin que j'avais versé dans son verre... Des fleurs! Pourquoi toutes ces fleurs? Des roses, des roses, des roses... Ainsi, je viens de la tuer... C'est fait. Quoi? Qu'ai-je fait? Rien. Elle était morte, quand j'ai serré son cou, un peu trop fort... Ce n'est pas moi... Pauvre enfant! (Il prend des roses et les jette sur elle.) Elle a remué! J'ai vu ses doigts se mouvoir comme pour prendre une des roses... Son ventre aussi, son ventre s'agite... Ah! criminel imbécile qui n'a pas su tuer du premier coup!... (Il arrache de sa gaine une des épées qui pendent aux murs.) Lâche qui n'ose pas recommencer!... Lâche qui reste à moitié du crime!... A-t-elle remué vraiment?... Oui, elle remue!... (Il lui perce le cœur, puis le ventre.) Ah! le sang, quel philtre! La vue du sang m'exalte! Voilà les roses blanches devenues toutes rouges! Ah! les belles roses rouges! (Des voix, dehors, chantent.) Les sirènes Etaient trois reines, Chacune a choisi son roi. Les sirènes, Etaient trois reines, Sois notre reine, ô Messagère! PHÉBOR Qui chante en ce moment, en un tel moment, quand l'œuvre vient de s'accomplir, quand la fécondité vient d'être niée, quand le désir gît dans son sang, quand l'avenir vient d'être étranglé, quand le présent triomphe, quand Goliath a égorgé David? Quelle est cette chanson stupide? Chante, peuple hideux, la Messagère est morte! (Entre Phéna.) PHÉNA O Phébor, gloire à toi! honneur à toi! amour à toi! Tu as délivré le monde de la tyrannie de l'espoir. (Entre le Pauvre.) PHÉNA Le Pauvre! Phébor arrête-le, tiens-le! (Courant à la porte et criant:) Le Pauvre a tué Phénissa! Venez, venez! (Pendant que Phébor, après une courte lutte, écrase sous son genou le Pauvre que l'épouvante paralyse, entrent les femmes, qui s'empressent en gémissant.) LES SUIVANTES O Phénissa! O Phénissa! O Phénissa! LA PETITE Elle a recueilli toutes les roses et les épand sur la morte. O Phénissa, c'est donc encore à moi de saluer par des fleurs la nouvelle épouse,--ô Phénissa, entrée dans le lit de la mort! LES SUIVANTES Dans le lit de la mort, ô Phénissa! LA PETITE O Phénissa, qui nous aimais, qui nous baisais si tendrement que tes baisers étaient des gouttes d'élixir! LES SUIVANTES Si tendrement, ô Phénissa! LA PETITE O Phénissa, qui aimais les malheureux et qui voulais la gloire des pauvres! LES SUIVANTES La gloire des pauvres, ô Phénissa! LA PETITE O Phénissa, tes humbles filles t'offrent les dernières fleurs, ô Phénissa! LES SUIVANTES O Phénissa! O Phénissa! O Phénissa! (Des soldats et des valets entrent en tumulte.) PHÉNA Voici celui qui a tué Phénissa. LE PAUVRE Se débattant sous les étreintes. Non, non, ce n'est pas moi. Voilà... PHÉBOR Bâillonnez-le pour l'empêcher de mentir. _Août-Septembre 1893._ End of the Project Gutenberg EBook of Phénissa, by Remy de Gourmont *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PHÉNISSA *** ***** This file should be named 17542-0.txt or 17542-0.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/1/7/5/4/17542/ Produced by Carlo Traverso, Pierre Lacaze and the Online Distributed Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. They may be modified and printed and given away--you may do practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. *** START: FULL LICENSE *** THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase "Project Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg-tm License (available with this file or online at http://gutenberg.org/license). Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. 1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be used on or associated in any way with an electronic work by people who agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is in the public domain in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily comply with the terms of this agreement by keeping this work in the same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. 1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in a constant state of change. If you are outside the United States, check the laws of your country in addition to the terms of this agreement before downloading, copying, displaying, performing, distributing or creating derivative works based on this work or any other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning the copyright status of any work in any country outside the United States. 1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: 1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, copied or distributed: This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org 1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived from the public domain (does not contain a notice indicating that it is posted with permission of the copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in the United States without paying any fees or charges. If you are redistributing or providing access to a work with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted with the permission of the copyright holder, your use and distribution must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the permission of the copyright holder found at the beginning of this work. 1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm License terms from this work, or any files containing a part of this work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. 1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this electronic work, or any part of this electronic work, without prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with active links or immediate access to the full terms of the Project Gutenberg-tm License. 1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any word processing or hypertext form. However, if you provide access to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1. 1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided that - You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has agreed to donate royalties under this paragraph to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid within 60 days following each date on which you prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty payments should be clearly marked as such and sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." - You provide a full refund of any money paid by a user who notifies you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm License. You must require such a user to return or destroy all copies of the works possessed in a physical medium and discontinue all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm works. - You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the electronic work is discovered and reported to you within 90 days of receipt of the work. - You comply with all other terms of this agreement for free distribution of Project Gutenberg-tm works. 1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. 1.F. 1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread public domain works in creating the Project Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic works, and the medium on which they may be stored, may contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. 1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGE. 1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a written explanation to the person you received the work from. If you received the work on a physical medium, you must return the medium with your written explanation. The person or entity that provided you with the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a refund. If you received the work electronically, the person or entity providing it to you may choose to give you a second opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy is also defective, you may demand a refund in writing without further opportunities to fix the problem. 1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. 1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any provision of this agreement shall not void the remaining provisions. 1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit http://pglaf.org While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: http://pglaf.org/donate Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.